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Moments marquants de l'histoire de la fonction publique : L'initiative de réinstallation des réfugiés syriens (TRN4-V31)

Description

Cet enregistrement d'événement présente une discussion avec de hauts fonctionnaires qui ont eu des responsabilités clés pendant la crise des réfugiés syriens au sujet de ce qu'il a fallu pour mettre en œuvre l'initiative de réinstallation.

(Consultez la transcription pour le contenu en français.)

Durée : 01:47:13
Publié : 31 janvier 2023
Type: Vidéo

Événement : Moments marquants de l'histoire de la fonction publique : L'initiative de réinstallation des réfugiés syriens


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Moments marquants de l'histoire de la fonction publique : L'initiative de réinstallation des réfugiés syriens

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Transcription

Transcription : Moments marquants de l'histoire de la fonction publique : L'initiative de réinstallation des réfugiés syriens

[Le logo de l'EFPC s'affiche à l'écran.]

[Taki Sarantakis et Marta Morgan se tiennent derrière un podium.]

Taki Sarantakis (modérateur) : Très bien. Donc, nous allons commencer.

Mesdames et messieurs, bienvenue. Je vous remercie d'avoir bravé les éléments et la noirceur, et merci à celles et ceux d'entre vous qui s'absentent des comités permanents de la Chambre et du Sénat, avec lesquels nous sommes en concurrence ce soir, j'aurais aimé le savoir plus tôt.

Je m'appelle Taki Sarantakis. Je suis le président de l'École de la fonction publique du Canada, et avec moi ce soir, voici Marta Morgan, sous-ministre d'IRCC, et ensemble nous...

[applaudissements]

...et ensemble, nous présentons la première d'une nouvelle série de conférences organisée par l'École, intitulée « Moments marquants ».

Nous avons mis sur pied cette série parce que nous, fonctionnaires du gouvernement du Canada, avons des emplois importants, que ce soit au bas de l'échelle ou tout en haut, comme la greffière du Conseil privé. Nous avons tous un rôle, une fonction et des responsabilités envers la population canadienne, et chaque jour, nous accomplissons des choses très importantes. Nous assurons la sécurité de nos frontières comme celle des côtes du pays, nous inspectons les aliments, nous versons les pensions, nous accordons la prestation fiscale pour enfants.

Mais parfois, le gouvernement du Canada et les fonctionnaires font des choses extraordinaires, des choses qui ne sont pas typiques des événements quotidiens.

Que ce soit lors du SRAS, du 11 septembre ou d'une crise financière, dans ces moments-là, les gens dans cette salle et les personnes qui occupent des postes institutionnels au gouvernement du Canada font plus que ce qu'ils font tous les jours. Ils vont au-delà des attentes pour aider les Canadiennes et les Canadiens à faire face à la crise.

Et ce soir, nous allons examiner comment le gouvernement du Canada a géré l'une de ces crises.

Nous allons donc ce soir revenir un peu en arrière, réfléchir à certains événements passés, apprendre de quelques-unes de nos réussites, et aussi, et c'est tout aussi important, apprendre de certains de nos échecs.

Donc, avec ça, je donne la parole à Marta afin d'introduire spécifiquement le topique de ce soir.

Marta Morgan (sous-ministre, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada) : Merci Taki, bonsoir, et merci à l'École de la fonction publique du Canada d'avoir organisé cet événement.

C'est vraiment un plaisir d'être ici ce soir avec vous.

C'est un grand honneur pour l'Initiative de réinstallation des réfugiés syriens d'avoir été sélectionnée pour lancer cette série d'événements organisés par l'École de la fonction publique du Canada.

Lorsque Taki m'a appelée pour la première fois, qu'il m'a expliqué que l'École allait étudier certains de ces moments extraordinaires dans la fonction publique et qu'elle voulait commencer par celui-ci, j'étais très, très heureuse d'apporter mon soutien.

Les fonctionnaires de nombreux ministères ont travaillé nuit et jour avec passion, dans un engagement sans faille pour réaliser le projet.

Faisons une remise en contexte : Beaucoup d'entre vous se souviendront de l'automne 2015. La mort tragique d'Alan Kurdi et la photo déchirante diffusée dans le monde entier ont véritablement ouvert les yeux de la communauté internationale sur la guerre en Syrie et le sort de nombreux réfugiés en quête de sécurité.

Cet événement est devenu une question électorale majeure cette année-là, et lorsque le nouveau gouvernement a pris le pouvoir, il s'est engagé à réinstaller 25 000 réfugiés syriens en seulement quelques mois.

Le gouvernement du Canada a non seulement respecté, mais dépassé son engagement initial de réinstaller 25 000 Syriens d'ici la fin février 2016 et, à ce jour, nous avons permis la réinstallation de plus de 40 000 réfugiés syriens.

Le nombre n'a cessé d'augmenter, et je suis sûre qu'Anita va aborder le sujet.

Au cours des mois qui sont survenus, ça a été un effort national qui a exigé une coordination et un soutien énorme de la part de tous les ordres du gouvernement et de nos concitoyens.

L'échéancier du projet était sans précédent, et sa réussite a nécessité la mobilisation d'un groupe diversifié d'intervenants et d'un large éventail de relations. Le projet comprenait des opérations auxquelles participaient Affaires mondiales et ses missions, des réseaux de transport, tous nos partenaires de sécurité, l'Agence de la santé publique, avec la contribution importante des Forces canadiennes, ici et à l'étranger.

Donc, pour notre premier panel de la soirée, nous entendrons ce que la fonction publique a dû faire pour respecter cet engagement et écouterons le récit de ses défis et de son expérience.

J'ai eu la chance de me joindre à IRCC en 2016, alors que le gros du travail était déjà fait, et j'ai été immédiatement impressionnée par les efforts incroyables qu'Anita et le Ministère ont déployés pour réinstaller ces réfugiés.

À mon arrivée au Ministère, j'ai fait des rencontres individuelles avec tous mes cadres supérieurs, et la première chose qu'ils m'ont dite, c'est qu'ils étaient vraiment fatigués, et je ne peux les blâmer. Ils travaillaient d'arrache-pied depuis près de neuf mois.

Bien sûr, malgré l'importance de s'assurer que les réfugiés arrivent au Canada, le processus allait au-delà, et nous aurons également l'occasion de parler avec les invités de notre deuxième panel, d'abord du rôle qu'ils ont joué pour faire en sorte que de si nombreux réfugiés puissent s'installer au Canada en même temps, suivre des cours de langue, apprendre comment prendre les transports en commun, et accéder à un logement.

Mais ces relations se poursuivent toujours avec les organismes qui jouent un rôle crucial en aidant les réfugiés à recevoir le soutien dont ils ont besoin et à s'intégrer à long terme. Nous aurons donc l'occasion d'en parler dans notre deuxième panel de ce soir.

Alors, sans plus tarder, commençons cette conférence, je redonne la parole à Taki.

Taki Sarantakis : L'un de nos objectifs dans cette série de conférences, c'est de remonter un peu dans le temps, parce que c'est une chose d'évoquer des événements, mais c'en est une autre de les visualiser et de se replonger dans le moment.

Donc avec ça, on va voir une petite vidéo.

[Présentation d'images et de vidéos de la guerre civile syrienne.]

[Un texte s'affiche et se lit comme suit :

« MARCH 2011
SYRIAN CIVIL WAR ERUPTS. (MARS 2011. LA GUERRE CIVILE ÉCLATE EN SYRIE.)
5 MARS 2012
LE GOUVERNEMENT CANADIEN FERME SON AMBASSADE À DAMAS.
SYRIAN CANADIANS CALL ON GOVERNMENT TO RESETTLE REFUGEES TO CANADA. (LES CANADIENS SYRIENS DEMANDENT AU GOUVERNEMENT DE RÉINSTALLER LES RÉFUGIÉS AU CANADA.)
JUIN 2013
L'ONU DEMANDE AUX PAYS MEMBRES DE RÉINSTALLER DES RÉFUGIÉS.
JULY 2013
GOVERNMENT PROMISES TO ADMIT 1,300 REFUGEES BY THE END OF 2014. (JUILLET 2013. LE GOUVERNEMENT PROMET D'ADMETTRE 1 300 RÉFUGIÉS D'ICI LA FIN DE 2014.)
BY DECEMBER 2014
JUST OVER 1,000 SYRIAN REFUGEES HAD ARRIVED IN CANADA. (EN DÉCEMBRE 2014. UN PEU PLUS DE 1 000 RÉFUGIÉS SYRIENS ÉTAIENT ARRIVÉS AU CANADA.)
JANAURY 2015
GOVERNMENT COMMITS TO RESETTLING 10,000 MORE REFUGEES BY 2018. (JANVIER 2015. LE GOUVERNEMENT S'ENGAGE À LA RÉINSTALLATION DE 10 000 RÉFUGIÉS DE PLUS D'ICI 2018.)
SEPTEMBER 2 2015
ALAN KURDI'S DEATH BRINGS HUMAN CONNECTION TO THE SYRIAN CRISIS. (LE 2 SEPTEMBRE 2015. (LA MORT D'ALAN KURDI DONNE UNE DIMENSION HUMAINE À LA CRISE SYRIENNE.) »]

Stephen Harper (ancien premier ministre du Canada) : C'est déchirant. On pense tout de suite à sa propre famille.

Notre point de vue sur la question des réfugiés, c'est que ce que nous faisons est bien, et que nous devons faire plus.

Combien de visas de résident permanent canadiens ont été délivrés à des réfugiés syriens?

[Le titre d'un article de journal s'affiche : « John Ivison: Migrant crisis suddenly the biggest issue in the election campaign – and Harper's on the high wire » (John Ivison : La crise des migrants, soudainement le plus grand enjeu de la campagne électorale – Harper sur la corde raide) à côté, la date : « September 3 2015 » (3 septembre 2015).

[Un texte s'affiche et indique :

« SEPTEMBER 2015
GOVERNMENT ADDS STAFF AT VISA PROCESSING POINTS TO REDUCE WAIT TIMES. » (SEPTEMBRE 2015. LE GOUVERNEMENT AJOUTE DU PERSONNEL AUX POINTS DE TRAITEMENT DES VISAS POUR RÉDUIRE LE TEMPS D'ATTENTE.)]

[Une page Web du gouvernement du Canada s'affiche avec le titre : « #WelcomeRefugees: The road ahead » (#Bienvenueauxréfugiés : Prochaines étapes).]

[On peut lire « IRCC IS TASKED WITH SYRIAN REFUGEE HORIZONTAL INITIATIVE » (IRCC EST CHARGÉ DE L'INITIATIVE HORIZONTALE POUR LES RÉFUGIÉS SYRIENS).]

[Le texte affiché indique « DECEMBER 2015 » (DÉCEMBRE 2015).]

Oratrice non identifiée : Combien de visas de résidence permanente canadiens ont été délivrés à des réfugiés syriens?

Orateur non identifié : Ces gens ne sont pas encore là.

[Le texte affiché se lit « GOVERNMENT REDUCES RESETTLEMENT TARGET FROM 25,000 TO 10,000 SYRIAN REFUGEES BY YEAR END. » (LE GOUVERNEMENT RÉDUIT L'OBJECTIF DE RÉINSTALLATION DE 25 000 À 10 000 RÉFUGIÉS SYRIENS D'ICI LA FIN DE L'ANNÉE.)]

Justin Trudeau (premier ministre du Canada) :
Bienvenue dans votre nouveau chez vous.

[Le texte apparaît qui dit:

« LA NOUVELLE CIBLE N'EST PAS ATTEINTE.
MAIS LE GOUVERNEMENT MAINTIENT SON ENGAGEMENT D'ACCUEILLIR 25 000 RÉFUGIÉS SYRIENS D'ICI LA FIN DE FÉVRIER. »]

Rosemary Barton (CBC News) : Le gouvernement libéral affirme avoir atteint un jalon dans le programme de réinstallation des réfugiés syriens, le jalon des 25 000 réfugiés. Ce nombre comprend cependant un mélange de réfugiés parrainés par le gouvernement et sous parrainage privé.

John McCallum (ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté) : Nous sommes ravis d'avoir atteint notre premier objectif de 25 000 réfugiés d'ici la fin du mois.

[Le texte affiché indique :

« PRIVATE SPONSORSHIP ACCOUNTS FOR ONE THIRD OF THE 25,000 RESETTLED SYRIAN REFUGEES
BUT NOT ALL CANADIANS AGREED WITH THE GOVERNMENT'S INITIATIVES (UN TIERS DES 25 000 RÉFUGIÉS SYRIENS RÉINSTALLÉS ISSUS DU PARRAINAGE PRIVÉ MAIS LES CANADIENS NE SONT PAS TOUS D'ACCORD AVEC LES INITIATIVES DU GOUVERNEMENT.)]

Orateur non identifié : On a pu voir un tas de slogans haineux. Parmi eux, les mots : « Syriens, rentrez chez vous et mourez ».

[Un titre d'article s'affiche et indique « More than 70% of Canadians think Liberals' new refugee target is too high: poll » (plus de 70 % des Canadiens pensent que la nouvelle cible de réfugiés des libéraux est trop élevée, selon un sondage).]

[Le texte affiché indique :

« DESPITE CHALLENGES AND SHIFTS IN PUBLIC OPINION, CANADA HAS SETTLED TO DATE 58,650 SYRIAN REFUGEES » (MALGRÉ LES DIFFICULTÉS ET LES CHANGEMENTS DANS L'OPINION PUBLIQUE, LE CANADA A ACCUEILLI À CE JOUR 58 650 RÉFUGIÉS SYRIENS)
CETTE INITIATIVE COLOSSALE FAIT INTERVENIR PLUSIEURS MINISTÈRES GOUVERNEMENTAUX ET PARTENAIRES
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
Affaires mondiales Canada
Agence des services frontaliers du Canada
Agence de la santé publique du Canada
Services partagés Canada
Ministère de la Défense nationale/Forces armées canadiennes
Sécurité publique Canada
Gendarmerie royale du Canada
Services publics et Approvisionnement Canada
Gouvernements étrangers, en particulier ceux du Liban, de la Turquie et de la Jordanie
Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés/Agence des Nations Unies pour les réfugiés
Organisation internationale pour les migrations
Croix-Rouge canadienne
Gouvernements provinciaux et territoriaux
Administrations municipales
Communauté des organismes prestataires de services d'installation/de réinstallation
Communauté d'organismes de parrainage privés et répondants privés, dont le Conseil des signataires d'entente de parrainage
Entreprises donatrices du secteur privé
LE PROJET DE RÉINSTALLATION DES RÉFUGIÉS SYRIENS DU CANADA CONSTITUE UN MODÈLE INSPIRANT POUR LE RESTE DU MONDE ».]

[Le logo du gouvernement du Canada s'affiche.]

[Taki Sarantakis et les panélistes Anita Biguzs, Malcolm Brown et Jacques Cloutier sont assis sur scène.]

Taki Sarantakis : Donc, on commence avec Anita.

Anita Biguzs (retraitée et ancienne sous-ministre d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada) : Tout d'abord, c'est difficile de ne pas être émotive en regardant ces images. J'ai un peu l'impression de revivre une période très intense de ma carrière.

Mais je suis vraiment enchantée d'avoir l'occasion de parler de cette initiative de réinstallation de 25 000 réfugiés syriens au Canada à l'automne et à l'hiver 2015-2016, et du rôle de mon ministère à l'époque.

Et je pense que, comme on l'a vu dans la présentation, bien que mon ministère a joué un rôle très important dans la réalisation de cet engagement du nouveau gouvernement libéral, il s'agit vraiment du récit commun d'une solidarité nationale extraordinaire qui aurait été impossible sans la coopération inédite de 14 ministères fédéraux, ordres provinciaux, territoriaux et municipaux, organismes d'aide à l'installation, de tant de gens, et de Canadiens de tous les horizons.

C'est très difficile de résumer rapidement tout ce qu'il fallait accomplir, je pense qu'on m'a donné cinq minutes, vraiment à l'époque ça me semblait être une tâche herculéenne, et je pense que mes collègues seraient d'accord avec moi.

Et juste pour une mise en contexte, je suis sûr qu'il y a ici des gens qui ont participé, mais pour ceux qui ne sont pas au courant, notre processus normal de réinstallation des réfugiés a pris environ au moins deux ans et jusqu'à cinq ans, et il y avait des raisons à cela.

Je veux dire que nous devions obtenir des références du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Nous devions faire des contrôles de sécurité et de santé et interroger des personnes sur place. Il fallait obtenir des permis de sortie des pays d'accueil, un processus qui prend normalement de six à neuf mois. Nous avons dû prendre des dispositions de voyage après notre travail avec des groupes de parrainage et des organismes d'installation pour nous assurer que les gens avaient un endroit où vivre au Canada.

Donc, en un an et demi, jusqu'en septembre 2015, nous avons réinstallé environ 2 400 réfugiés syriens au Canada, pour vous donner une idée.

Nous avons donc été confrontés début novembre 2015 à l'engagement initial du nouveau gouvernement de l'époque de réinstaller 25 000 réfugiés syriens d'ici le 30 décembre, soit en environ six ou sept semaines, ce qui semblait colossal à l'époque.

Le premier breffage sur la transition que j'ai dû donner début novembre avec mes collègues, Malcolm était, je pense, à côté de moi, et Michael était peut-être là aussi, avant même que les ministres prêtent serment, donc c'était l'équipe de transition, et c'était un breffage assez difficile. Je trouvais que nous étions vraiment bien préparés. Nous avons exposé tous les défis et les risques et ce que le processus supposait, un processus qui prenait normalement beaucoup de temps.

Donc, c'était donc un breffage assez difficile, mais heureusement, le 24 novembre, le gouvernement a annoncé une prolongation jusqu'à fin février 2016, 10 000 devant arriver fin décembre, le reste en février.

Ce délai prolongé permettrait donc de terminer tous les processus de contrôle appropriés, de santé, de sécurité, etc., à l'étranger pour assurer leur intégrité.

Bien que cette prolongation ait été utile, la tâche restait très difficile, cela signifiait que nous devions entreprendre un déploiement massif de personnel, environ 500, et de matériel à l'étranger, pratiquement du jour au lendemain.

Et ce n'était pas seulement du personnel de l'immigration, comme vous le savez, c'était aussi du personnel militaire, médical et autre pour aider à gérer nos centres d'opérations, nos unités de traitement à l'étranger, et bien sûr, l'ASFC, le personnel d'Affaires mondiales, c'était un déploiement massif qu'il fallait orchestrer et organiser.

Il fallait déplacer des gens de certains de nos autres postes vers le Liban et la Jordanie, parce que nous avions besoin de personnel d'expérience sur le terrain. On ne pouvait pas simplement embaucher des gens dans la rue pour faire cela, et il y avait donc des répercussions sur d'autres phases du traitement ailleurs au pays.

Nous avons dû nous collaborer étroitement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, dont nous dépendions pour les références des réfugiés pris en charge par le gouvernement, ainsi qu'avec les gouvernements du Liban et de la Jordanie pour leur demander d'accélérer leurs processus normaux et leur demander de faire des choses qu'ils n'avaient jamais faites auparavant.

Donc, tout comme on nous demandait d'agir, d'accomplir nos tâches, d'aborder nos processus différemment et de voir si nous pouvions les rendre plus efficaces, nous demandions à ces autres parties de faire la même chose.

Nous avons dû prendre des arrangements à la volée pour des vols commerciaux, littéralement pour des centaines de personnes alors que les avions décollaient. Nous devions coordonner des vols pour amener les gens ici dès que possible. Il a fallu construire des installations aux aéroports Pearson et de Montréal pour accueillir les réfugiés qui arrivaient. La Croix-Rouge était sur place et fournissait de la nourriture, des vêtements d'hiver et toutes sortes de services.

Bien sûr, nous avons dû nous engager intensivement avec les provinces, les territoires et les organismes d'installation partout au Canada pour nous assurer que les gens auraient un endroit où vivre à leur arrivée, il fallait réserver des hôtels et répondre aux besoins de logement à long terme, ce qui était incroyablement difficile. Nous traitions dans certains cas avec des familles de six, huit ou dix personnes, et ce n'est pas facile dans notre pays de trouver ce genre de logement.

Nous devions nous assurer que des services de santé et des services sociaux prêts à régler les problèmes et aussi à doter les organismes d'installation au pays des ressources dont ils avaient besoin pour être en mesure de fournir leurs services.

Et, comme vous le savez, tout le processus d'obtention de financement au moyen d'estimations et de conclusion d'ententes de contribution peut être très difficile.

Comme le disait Marta, le personnel travaillait jour et nuit, sept jours sur sept, y compris à Noël et au jour de l'An. Nous avons mis en place des suivis élaborés à chaque étape du processus afin de suivre chaque jour la progression des choses et de savoir s'il y avait des problèmes à régler ou des choses à rectifier.

Il y avait des discussions tous les matins à 8 heures à l'échelle des ministères fédéraux pour tout passer en revue, déceler les problèmes et suivre l'évolution de l'opération.

Nous avons atteint nos objectifs fin février grâce au travail acharné et au dévouement remarquable de tant de personnes, et je pense que c'était du travail d'équipe à son meilleur, du premier au dernier maillon de la chaîne.

Le leadership et l'engagement des politiques étaient absolument essentiels pour réussir, et le gouvernement était bien sûr à 150 % derrière l'initiative. J'ai toujours eu l'impression que nous avions pris le bon parti à cet égard parce que, pour tout vous dire, nous subissions des pressions considérables de la part du gouvernement pour respecter nos engagements.

Il y avait des réunions hebdomadaires, parfois plus fréquentes, du comité ad hoc du Cabinet, les communications aux médias et au public étaient régulières et transparentes, des ministres prenaient la parole, il y avait des points de presse, et des fonctionnaires nous donnaient des breffages techniques hebdomadaires, ce qui, je pense, était très utile au processus.

Il va presque sans dire que nous avons dû obtenir de nouveaux fonds importants pour pouvoir mettre ce plan en œuvre, et nous avons mis en place de solides mécanismes de reddition de comptes sur leur utilisation, parce que je savais que le vérificateur général allait examiner nos dépenses, des ressources importantes ayant été injectées.

J'ai donc vu cette initiative comme ma plus grande priorité, et j'ai donc consacré toute mon attention, 24 heures sur 24, à sa mise en œuvre. Ce n'est peut-être pas normal qu'une sous-ministre soit engagée à ce point dans chaque détail, mais rien de tout ça n'était normal.

Cela dit, ce fut l'une des initiatives les plus gratifiantes auxquelles j'ai jamais eu l'occasion de travailler dans la fonction publique, d'autant plus que mes parents étaient eux-mêmes des réfugiés au Canada.

Alors le souvenir d'être à l'aéroport pour accueillir ces familles épuisées et courageuses me met les larmes aux yeux. Ça a été une expérience très, très émouvante et je pense qu'à bien des égards, certaines de ces personnes devaient avoir l'impression d'arriver sur une autre planète. Ils ne savaient vraiment pas à quoi s'attendre. C'était incroyablement émouvant.

Mais je pense que dans l'ensemble, nous n'aurions pas pu mieux faire, et même s'il y avait une certaine inquiétude par rapport au rythme de cette initiative, il y avait un tel soutien de l'ensemble de la société canadienne, et le ministre a dit qu'il était le seul ministre de l'Immigration au monde à subir des pressions pour en faire plus et faire venir plus de gens.

Le défi consistait donc à mettre en œuvre un plan ambitieux dans les délais donnés, il fallait donc revoir nos processus pour les rendre plus efficaces, mais je pense que, malgré toutes les embûches, c'était vraiment la partie la plus facile, parce que je pense que nous savions tous que les vrais défis restaient à venir en termes de capacité de ces gens à prendre racine au Canada, à apprendre la langue, à aller à l'école, à obtenir des soins de santé et d'autres services, à décrocher un emploi, et à participer pleinement à la société canadienne, voilà ce qui serait le véritable test de notre réussite.

Et l'aventure continue, je sais que notre deuxième panel va également en parler.

[applaudissements]

Malcom Brown (sous-ministre, Sécurité publique Canada) : Merci. Anita a abordé beaucoup d'éléments.

J'ai quelques points d'interrogation sur les actions de Conseil privé et du bureau au Conseil privé pendant l'initiative. En réalité, ce sera une explication des choses qui le BCP a fait et les choses que le BCP n'a pas fait.

Et je crois que le conseiller principal au BCP a joué un rôle dans cette histoire.

J'aimerais aborder sept points, et je pourrais développer chacun d'eux. Celles et ceux qui me connaissent savent que je prends 15 minutes pour inspirer. Une limite de temps de cinq minutes est donc très frustrante pour moi, mais c'est parti. Ce soir, nous travaillons tous pour Taki.

Mon premier point, c'est que lorsque la greffière, Janice Charette, m'a appelé pour me dire que, comme indiqué dans les breffages, c'était l'une des principales priorités du gouvernement, sinon sa priorité absolue. Elle en était arrivée à la conclusion qu'à cause de la nature transversale de l'opération décrite par Anita, il n'était pas possible, en particulier avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement, qu'un sous-ministre joue son rôle normal qui consistait à essayer de coordonner tout le monde, tout en accueillant un nouveau ministre qui avait aussi une foule d'autres choses en tête.

Elle a donc pris la décision de nommer un conseiller spécial. Je lui ai donné une liste de noms. Elle a été polie et m'a dit non, ça sera toi.

Donc, voilà mon premier point, c'est que tout ça a été fait en toute connaissance de cause, mais de manière à garantir que les rôles et les pouvoirs des sous-ministres dans tous les ministères engagés ne seront pas minés ou limités d'aucune façon.

Et nous avons travaillé très dur ensemble. Avec Linda Lizotte-MacPherson à l'ASFC et nos collègues au MDN et à AMC, nous avons travaillé très fort pour nous assurer que ce ne serait pas le cas.

Nous y sommes parvenus en veillant notamment à garder l'unité du BCP la plus petite possible. Outre moi-même, il y avait trois directeurs, mon adjoint de direction que je fais souffrir depuis longtemps, et une autre personne de soutien. C'est tout. Cela a envoyé un signal au système que le BCP était trop petit pour faire cela. Donc, il ne faut rien déléguer au BCP et le BCP ne peut pas entrer dans les détails.

Nous avons également été clairs sur le fait que nous ne créerions pas une autre couche d'approbations. Comme je l'ai déjà dit, les pouvoirs des sous-ministres étaient intacts, notamment au Cabinet. Il s'agissait simplement de tenir une sorte de rôle de niche par rapport à des domaines où les défis des sous-ministres allaient les éloigner de la priorité absolue et trouver des domaines où nous pourrions réellement apporter de la valeur.

Alors, sur quoi nous sommes-nous concentrés? L'un des aspects, différent de la sensibilisation du public à grande échelle parce que, Deborah, qui parlera plus tard, s'en est occupée en grande partie et a travaillé avec tous les intervenants,

mais qui concernait la longue liste de personnes morales ou physiques pleines de bonnes intentions qui voulaient contribuer, et, entre nous, la plupart de ces contributions ne valaient pratiquement rien, plutôt que de distraire des gens engagés dans un travail sérieux de développement des réseaux locaux pour soutenir l'afflux de réfugiés, j'ai passé beaucoup de temps à discuter avec des acteurs qui voulaient apporter leur contribution. Parfois, ils l'ont transformée en quelque chose de tangible, d'autres fois non. Le CN en est un exemple, car il a fait un don public très important en soutien au logement.

Un autre élément était, comme je l'appelle parfois, la tâche de « porteur d'eau », mais il s'agit en réalité de gérer et de travailler avec les politiques, en particulier le cabinet du premier ministre. Ils ont désigné Cyrus Porter, conseiller principal au cabinet du premier ministre. Cyrus a joué un rôle clé, mais plutôt que de demander à Cyrus de s'engager avec d'autres ministres ou bureaux, et à travers eux avec les sous-ministres, nous avons créé un canal. Donc, ils avaient tendance à passer par moi, et de temps en temps, j'aime penser que j'ai aidé à endiguer l'enthousiasme ministériel à propos de certaines choses.

Il y avait parfois des idées très intéressantes de ballets d'avions et je recevais un appel téléphonique d'un collègue ou deux et je leur disais, eh bien, ça va vraiment être un défi. Alors je me jetais dans la mêlée et j'expliquais comment ça allait se passer, je n'avais rien à perdre. Je n'avais pas de responsabilités permanentes dans la direction d'un ministère, ou auprès d'un ministre. Je pouvais donc jouer un rôle qui, essentiellement, assurait un certain isolement ou une protection aux sous-ministres pendant qu'ils faisaient le travail acharné nécessaire à notre réussite.

Mon dernier point est que, et Anita en a parlé, nous avons suivi les progrès sans relâche, vraiment, et l'une des exigences pour les trois personnes qui travaillaient avec moi est qu'elles devaient toutes avoir déjà travaillé dans les ministères concernés. Donc, elles avaient leurs propres réseaux, et tous les sous-ministres savaient que je faisais ça, mais j'étais connecté, découvrant comme eux, en temps réel, ce qui se passait.

Donc, lors de ces réunions quotidiennes à 8 h, je posais de temps en temps ce qui était une question piège sur telle chose qui se passait, et cela déclenchait, en raison des systèmes de mesure de rendement très approfondis qu'Anita avait développés avec l'ASFC, une réaction très rapide pour savoir s'il y avait un problème, sinon, on passait à autre chose, si oui, on y reviendrait deux jours plus tard, et on le saurait presque immédiatement, on faisait réellement le suivi du nombre de derrières dans les sièges.

Un avion avait deux fois moins de monde que prévu, où trouvons-nous non seulement ces 150 autres derrières, mais où trouvons-nous les 150 sièges pour les asseoir, car tout a été suivi si soigneusement et en temps réel.

Donc, notre approche tranchait avec celle du BCP, et je le dis affectueusement, y ayant travaillé à plusieurs reprises, mais elle consistait en partie à concevoir quelque chose qui pourrait disparaître très rapidement par la suite. Personne ne regrette le rôle de conseiller principal. On se parle encore.

Mais il s'agissait, à la base, d'assurer un rôle de facilitateur et de soutien aux sous-ministres, non pas de les supplanter. Je vais m'arrêter là.

[applaudissements]

Jacques Cloutier (vice-président, Direction générale des opérations, Agence des services frontaliers du Canada) : Je vais un peu prendre les devants sur des sujets que nous allons aborder un peu plus tard parce que je ne peux pas rajouter grand-chose sur ce qui a été dit jusqu'à présent.

Donc, je pense que je vais me concentrer sur quelques éléments soulevés plus tôt. Nous nous sommes dit Dieu merci, ce genre d'événements n'arrive pas tout le temps, à cause de leurs répercussions, de ce qu'ils exigent et de l'effet qu'ils ont sur nous.

J'ai eu le privilège d'aller en Jordanie et au Liban, de voir les gens travailler, pendant les vacances de Noël et du Nouvel An, et je sais ce qu'il en a coûté à leurs familles et aux personnes que nous avons laissées derrière et à celles qui n'ont pas eu de reconnaissance pour tout ce qui a été fait, et ces gens, à mon avis, méritent vraiment cette reconnaissance.

Mais notre bilan et nos difficultés, je pense, se mesuraient à cette capacité que nous avions en tant qu'entité, en tant qu'entreprise, de rassembler les gens. On n'avait jamais vu le centre d'opérations du gouvernement fonctionner comme il l'a fait pendant l'Opération Réfugiés syriens. On n'avait jamais vu le niveau de coordination que nous avions entre [inaudible] dans la manière dont ces réunions étaient gérées.

À l'ASFC, nous fonctionnions dans un environnement où nous reproduisions ce que nous avions vu ailleurs, et je sais que d'autres ministères ont fait la même chose, mais quand on peut ouvrir une toute nouvelle aérogare à l'aéroport Pearson en 24 heures, quand on peut rénover totalement et préparer une aérogare à l'aéroport Trudeau, quand on peut déployer, en 48 heures, 60 personnes de notre organisation au Liban et les équiper d'ordinateurs et de radios, une partie de moi pense que nous devrions presque avoir plus d'événements comme celui-ci, parce que ce que nous sommes vraiment est si décevant, c'est une telle déception par rapport à tout ce que nous pouvons faire quand nous sommes obligés de nous surpasser et d'être les vrais fonctionnaires que nous pouvons être.

Ce n'est plus à propos d'IRCC, CIC à l'époque. Ce n'est plus à propos de la sécurité publique, ou de l'ASFC, ou du rôle que tout le monde doit jouer, et la question devient vraiment : Qu'est-ce qu'on nous demande de faire en tant que fonctionnaires? Qu'est-ce qu'on attend-on de nous, en termes d'engagement? C'était la première fois que des lettres de mandat de ministres étaient publiées, et tout le monde pouvait voir ce qu'on attendait d'eux.

Ce que j'ai pu observer, c'est que lorsqu'il s'agissait de l'ASFC, lorsqu'il s'agissait du ministre Goodale, il n'y avait pas une seule référence à l'ASFC dans aucune des lettres de mandat, mais il y avait des références au mandat de l'ASFC dans toutes les lettres de mandat. Cela dit quelque chose sur ce que nous étions censés faire, ce que nous avons fait et ce que nous avons accompli.

C'était dur, difficile et frustrant, mais en regardant la vidéo maintenant, cela n'a rien à voir avec la détresse que les gens vivaient, ce qu'ils fuyaient et ce qu'ils cherchaient à obtenir en venant au Canada en tant que réfugiés.

Ce sont les leçons incroyables que nous avons tirées de tout ça, et j'espère que nous pourrons maintenant les appliquer aux autres choses que nous faisons. Ce n'était pas notre première leçon.

Vous avez évoqué le 11 septembre et comment il a profondément transformé la façon dont nous concevons la sécurité gouvernementale au sein du gouvernement, mais je peux parler du soutien aux opérations militaires en Afghanistan et du profond impact que cela a eu sur nous. Je peux aussi parler du tremblement de terre en Haïti et de l'intervention du gouvernement dans ce cas précis.

Donc, pour moi, toute cette expérience et le fait que nous en ayons fait partie est un exemple d'à quel point nous pouvons être meilleurs lorsque nous sommes vraiment concentrés sur ce qui doit arriver.

Et j'aimerais sur ce point conclure en mentionnant quelques personnes dont vous connaissez peut-être le nom, et certaines sont peut-être ici ce soir, des personnes qui ont joué un rôle capital dans le déroulement de l'opération.

Michelle Cameron, cheffe de mission au Liban, était prête et capable de faire n'importe quoi à n'importe quelle heure pour soutenir la mission, comme réveiller un général, et je suppose que si Michelle avait eu à réveiller le président, elle l'aurait fait.

Des gens là-bas comme [inaudible], des gens de chacune de nos organisations, nous avons déjà mentionné Don, mais je pense à plusieurs personnes d'IRCC, comme Dave Manicom et d'autres qui ont joué un rôle crucial en aidant les gens à rester concentrés sur leur mission.

Kimberly Saunders, je ne vous mentionne pas seulement parce que je sais que vous êtes ici, mais pensons au monde sombre et complexe des habilitations de sécurité, qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en gardant à l'œil le fait que ces personnes que nous étions en train de vérifier avec l'engagement que nous prenions, ces gens siégeront un jour à des panels comme celui-ci et expliqueront comment, maintenant qu'ils sont devenus greffiers du Conseil privé, tout a commencé quand ils sont arrivés en tant que réfugiés.

Ce sont tous ces différents éléments qui, je pense, continuent de rappeler l'importance de trouver cette capacité à se comporter différemment.

Taki Sarantakis : Merci, Jacques.

Vous avez anticipé l'un des thèmes que nous allons aborder ce soir.

Jacques Cloutier : Eh bien, vous en avez parlé à l'avance.

Taki Sarantakis : En fait, non, parce que je voulais que ce soit plus spontané, mais il s'agit du thème du travail du gouvernement en temps de crise. C'est un thème que nous allons aborder.

Et vous avez déjà mentionné quelque chose d'assez intrigant, et beaucoup de gens l'ont remarqué, le gouvernement semble mieux fonctionner en temps de crise. Le gouvernement se mobilise autour d'une idée, il se mobilise autour d'un mandat. Les ministères deviennent le gouvernement du Canada, puis, lorsque la crise est terminée, ils redeviennent des ministères plutôt que le gouvernement du Canada.

Mais nous allons y faire allusion tout au long de notre discussion.

Donc, j'aimerais commencer par Anita. Nous sommes le 2 septembre. Nous découvrons la photo tragique d'Alan Kurdi. Deux jours plus tard, le chef libéral de l'époque et maintenant premier ministre Justin Trudeau passe à la télévision et dit que le gouvernement du Canada, si le parti est élu, fera venir 25 000 réfugiés syriens avant la fin de l'année.

Et comme vous l'avez évoqué dans vos remarques, c'est environ dix fois, peut-être même plus de dix fois ce que nous faisions, et vous avez parlé un peu des contrôles de sécurité, vous avez parlé de la logistique.

Qu'est-ce que ça fait, en pleine campagne électorale, d'avoir l'un des deux candidats, l'un des trois candidats au poste de premier ministre, dire quelque chose de complètement irrationnel, si vous y réfléchissez un instant. N'est-ce pas simplement impossible pour vous de faire 10 fois ce que vous faites en un an en moins de trois mois?

Anita Biguzs : Eh bien, c'était plutôt décourageant. Il faut aussi dire que c'était une période très inhabituelle. Ça a été, je pense, la plus longue campagne électorale de tous les temps. Nous avions déjà notre lot de problèmes, il y avait des fuites, nous avions plusieurs problèmes.

Et à ce moment-là, ce n'était même pas tout à fait clair, on ne peut jamais vraiment prédire quel sera le résultat d'une élection après une très longue campagne électorale chargée, et je me souviens que le ministre précédent a été rappelé de la campagne électorale.

Quand cette photo a été révélée, personne ne pouvait rester indifférent. J'étais avec la cheffe de l'ASFC, Linda. Nous étions à Londres pour la Conférence des cinq nations. J'ai passé presque tout le temps au téléphone dans ma chambre d'hôtel et j'ai pris l'avion pour Ottawa parce qu'à ce moment-là, bien sûr, le gouvernement de l'époque examinait ce qu'il ferait en réponse à cela, revoir à la hausse son engagement, revoir le nombre de réfugiés syriens qu'il était prêt à réinstaller.

Et bien sûr, ils ont annoncé qu'ils augmenteraient les chiffres.

Je pense que c'est très difficile, en campagne électorale, de vraiment savoir si on se prépare au mieux pour formuler des conseils de transition, et c'était le cas.

Nous avons passé beaucoup de temps, une fois les élections terminées, à examiner les options, à parler au centre et à tout le monde, pour évaluer les moyens nécessaires pour y arriver.

J'ai déjà fait référence à notre premier breffage sur la transition, et Michael en a probablement parlé aussi. Je trouvais que nous étions très bien préparés. Nous avons défini tout ce qui était nécessaire, mais il y a des choses que l'on contrôle, et il y en a d'autres qu'on ne contrôle pas. Obtenir un permis de sortie prend de six à neuf mois. C'est la réalité. C'est même parfois plus long.

Nous avons donc essayé d'exposer tout cela très clairement, nous avons présenté les options, mais le gouvernement était très déterminé face à ses objectifs.

Et une leçon que j'en tirerais après toutes mes années au gouvernement, mais particulièrement, en période de transition, c'est de réfléchir très attentivement à la façon de développer la confiance et les relations au gouvernement, parce que nous servons le gouvernement, il faut aussi dire la vérité au pouvoir, mais la façon de le faire est très importante, le contenant est aussi important que le contenu quand on présente quelque chose.

Et comme je l'ai dit, je pense que nous avons été très clairs, concernant la façon dont nous avons fait le breffage à ce sujet, nous avons dit, si vous voulez y parvenir, voici ce qu'il faut, et voilà où vous aurez à vous engager au plus haut niveau, en nouant le dialogue avec les dirigeants du Liban et de la Jordanie. Voilà tout ce que ça prendrait, et même là, il y a des risques.

Donc, on fait de notre mieux en essayant de donner les meilleurs conseils possible sur la base des données probantes.

Taki Sarantakis : Alors Malcolm, nous sommes en octobre [inaudible].

Malcom Brown : Eh bien, on a fait appel à moi. Le greffier voulait, dans les breffages sur la transition, un portrait complet de l'intervention pour les réfugiés. Il y avait l'aspect réinstallation, donc avec IRCC et l'ASFC, mais il y a aussi le soutien sur place par le biais de l'aide au développement, et j'étais sous-ministre du Développement international à ce moment-là. J'ai travaillé avec Anita et Linda pour préparer ces breffages de transition, puis je suppose que j'ai été tiré au sort.

La musique s'est arrêtée et j'étais encore debout quand elle, avec les conseils de son associé Michael et d'autres, a décidé que si c'était une priorité absolue pour le gouvernement, ça devait être une priorité absolue pour la fonction publique, et on devait prendre les moyens de refléter cela, symboliquement, mais aussi sur le plan pratique. Alors environ neuf jours après la prestation de serment du gouvernement, j'ai été nommé conseiller spécial.

Mais ce qui m'a frappé, c'est que malgré la grande politesse d'Anita, la tension était palpable parce que chacun d'entre nous, y compris moi-même, qui s'y connaît en matière de politiques d'immigration et des réfugiés sait que c'est une très grosse machine, c'est un paquebot, ça ne change pas de cap comme ça. Il faut un certain temps pour changer.

On avait demandé de l'expertise à l'extérieur du gouvernement, à d'anciens fonctionnaires, qui ont tous très gentiment signé une lettre disant que nous devrions en prendre 50 000, pas 25 000. J'ai parlé à certains d'entre eux par la suite et ils ont tous dit assez joyeusement, nous n'avions aucune idée, vous avez reçu 50 000 Vietnamiens à l'époque.

Et nous avons dit, oui, mais c'était sur 12, 18 ou 36 mois, selon la façon dont vous comptez. Mais là, en huit semaines? Êtes-vous tombés sur la tête? Ils ont dit : « Vous allez y arriver ».

Et derrière cette forme de nonchalance se cachait en fait, je pense, une sorte d'évidence. Quand on est prêt à faire les choses différemment, on peut pratiquement faire l'impossible.

Le chiffre de 10 000, la vidéo indique qu'effectivement, nous avons manqué l'objectif de 25 000, mais 10 000 personnes, c'est une réalisation extraordinaire dans le peu de semaines entre la prestation de serment du gouvernement et la fin de l'année, puis il y en a eu 15 000 autres. Dieu merci, c'était une année bissextile et nous avons eu un jour de plus.

J'ai dit ça à un haut responsable du cabinet du premier ministre. Il a dit qu'il trouvait ça drôle. J'ai dit, non, je suis sérieux, un jour de plus peut faire la différence entre 500 qui manquent et 500 de plus, parce qu'il ne fallait pas un génie pour savoir que beaucoup de choses arriveraient à la fin et vous pourriez en faire arriver 500 à 900 par jour, ce qui est exactement ce qui s'est passé.

C'est donc important de souligner à quel point le défi était extraordinaire. Cela n'avait jamais été fait auparavant, mais la fonction publique a réagi. Il y a eu quelques breffages mouvementés au début où nous disons que c'était compliqué et difficile, et ils l'ont reconnu et ont dit qu'ils n'avaient pas réfléchi à toutes les subtilités, mais ils lançaient un défi à la fois à la fonction publique et, franchement, à l'ensemble des Canadiens.

J'ai souvent entendu cette expression, qu'il s'agissait d'un « projet national », est-ce que c'était juste pour tout le monde? Non. Est-ce que cela mettait de la pression sur les intervenants, les organismes d'installation? Absolument. Nous en entendrons parler plus tard. Aurions-nous tous souhaité plus de temps? Bien sûr, mais il y avait un symbole en jeu et aussi de vrais enjeux.

Avec le recul, c'était fascinant. C'était l'enfer à traverser, mais sans doute pas grand-chose en comparaison à ce que certains de mes collègues ont vécu, mais...

Anita Biguzs : Puis-je ajouter quelque chose? L'engagement lui-même n'était pas clair. C'était 25 000, mais selon la partie du mandat, ça n'était pas clair s'il s'agissait de réfugiés pris en charge par le gouvernement ou de réfugiés sous parrainage privé, et cela fait une différence, alors on essaie d'obtenir des précisions, même au début, alors que les heures et les jours passent, et on n'est pas sûr de ce dont on parle. Même obtenir des éclaircissements sur l'objectif était vraiment difficile.

Jacques Cloutier : Même la clarté sur le lieu, est-ce la Turquie ou pas la Turquie? Y allons-nous, ou n'y allons-nous pas?

Taki Sarantakis : Alors, Jacques, pendant qu'on travaillait tous à ça au Canada, nos amis du sud nous regardaient d'un drôle d'air et disaient, oui, l'humanitaire, c'est bien, mais on ne sait pas si vous laissez entrer des terroristes ou des chefs de guerre.

Parlez-nous un peu de la dimension de la sécurité qui s'ajoute à tout ça, parce qu'il ne s'agit pas seulement de mécanismes pour faire venir des gens, mais de l'importance de ne pas faire venir certaines personnes.

Jacques Cloutier : Je pense que c'était très important, le premier engagement était que la sécurité ne serait jamais compromise, et c'est un élément fondamental, parce que nous ne le disions pas seulement pour la forme, nous le pensions réellement. Et nous le pensions à l'échelle de l'organisation. Donc, l'engagement envers ce principe était fort à Immigration Canada comme pour nous ou n'importe quel autre organisme du portefeuille de la sécurité publique.

Donc, pour reprendre ce que Malcolm et Anita ont dit, il s'agissait de faire en 72 heures ce que nous aurions normalement mis des semaines à faire.

Et Malcolm a donné de chiffres, on était vraiment à la dernière minute. On avait des discussions quotidiennes sur le nombre de personnes que l'ASFC pouvait contrôler, le nombre de places disponibles, l'avis de l'OIM, et on suivait d'heure en heure combien arrivaient à Toronto par rapport au décompte total.

Nos collègues au sud avaient des questions et des préoccupations légitimes. Ils voulaient comprendre ce qu'on faisait, on leur a dit ce qu'on avait toujours dit ouvertement aux Canadiens dans tous nos breffages, on a expliqué le processus de sécurité.

Mais ce qu'on oublie, c'est qu'on ne parlait pas d'inconnus, il s'agissait de gens qui avaient été sélectionnés par l'UNHCR, en grande majorité, et certainement les 10 000 premiers. Donc, ce sont des gens qui étaient connus dans le système. Il était déjà établi que ces personnes avaient besoin d'être réinstallées.

Il s'agissait donc davantage de nous assurer que nous avions revu nos processus, vérifié toutes les bases de données, que nous savions exactement ce que nous faisions.

Et l'avantage d'avoir des bureaux de l'ASFC à l'étranger, c'était notre capacité à faire correspondre la personne aux documents, à nous assurer que nous traitons toujours avec les mêmes unités familiales, nous assurer que le document de voyage unique, qui est essentiellement le laissez-passer pour que l'individu entre au Canada, a été associé à la bonne personne.

Je n'ai jamais eu d'inquiétude quant à notre capacité d'y arriver ou quant à la capacité du personnel à l'ASFC et ailleurs dans l'organisation de faire ce qui devait être fait.

Mais, soyons honnêtes. Cela ne signifie pas que nous n'avons pas eu de conversations difficiles avec les collègues d'IRCC, car c'était le cas, et dans ce domaine, il faut pouvoir être honnête et franc sur les risques tels qu'on les perçoit et prendre les décisions.

Cela étant dit, existe-t-il un système qui soit sûr à 100 %? Je ne pourrais jamais prendre cet engagement, mais je peux vous jurer que personne n'a pris de raccourci. Le travail a été fait avec brio, à la perfection.

C'était une science, ça a été fait dans le respect, ça é été fait comme ça devait être fait.

Taki Sarantakis : J'aimerais parler un peu concernant la notion de temps.

Comme vous l'avez mentionné, vous aviez deux échéances. Le premier était le 31 décembre 2015, puis vous avez obtenu une prolongation dans l'année bissextile, jusqu'à fin février 2016. C'est la deuxième fois que je me souviens que nous avions une grande initiative limitée dans le temps. La première, Anita et moi l'avons vécue un peu, c'était la relance économique, le gouvernement de l'époque avait dit la relance se termine le 31 mars 2011, point final, pas de prolongation.

Parlez-moi un peu du travail contre la montre. Est-ce que ça aide? Est-ce que ça place une pression inutile, ou est-ce que ça aide les fonctionnaires paresseux à se concentrer sur ce qui est important? Parce que c'est un sujet que nous allons également aborder dans le PAE en janvier.

Mais cette fois, le gouvernement n'a-t-il pas créé une sorte de crise artificielle? Parce que la situation syrienne n'était pas nouvelle, elle durait depuis 2012. Nous avons fermé notre ambassade à Damas, plusieurs corps des Nations Unies disaient qu'il y a effectivement une guerre civile, des gens sont massacrés, mais les aiguilles de l'horloge politique tournaient. Parlez-moi un peu de votre travail dans ce contexte.

Jacques Cloutier : Moi, je pense que ça a le mérite d'être clair. Donc, on sait exactement quelles sont les attentes, quel est le cadre dans lequel on peut faire ces choses-là.

Je n'ai jamais eu l'impression que si nous avions des arguments convaincants qui avaient montré l'ombre d'un doute que l'approche adoptée entraînait des risques supérieurs aux avantages supposés, je n'ai jamais senti qu'on ne prêterait pas une oreille attentive à ça et qu'on ne réfléchirait pas à la façon dont on pourrait arranger ça.

Je ne dis pas qu'on a relâché la pression, car ce n'est pas le cas, mais je pense qu'on avait un environnement raisonnable où les bonnes conversations pouvaient avoir lieu.

Ma plus grande préoccupation n'était pas tant notre capacité à réagir dans un contexte comme celui-là, mais plutôt quelles sont les préoccupations politiques en jeu lorsqu'on est si concentré sur l'obtention de résultats dans des échéances très strictes qui disent que c'est tant de personnes d'ici cette date.

Ma question est : qu'est-ce qu'on fait ensuite? Est-ce que tout est terminé le lendemain? Quelle est la prochaine étape? Alors, comment une telle situation se met-elle à faire partie de programmes, d'interventions et d'efforts normaux?

Taki Sarantakis : Malcom?

Malcom Brown : Vous avez posé trois questions, et la réponse est oui pour les trois. Oui, c'est utile, oui, ça entraîne des coûts qui ne sont pas toujours souhaitables, et oui, ça motive, je ne parlerais pas de fonctionnaires paresseux, mais c'est motivant.

Mais c'est un problème, et il y a beaucoup d'exemples. Je pense qu'il s'agit d'un enjeu aigu qui mérite d'être examiné en termes d'effet net, et je pense avoir une assez bonne idée des effets collatéraux de toute cette initiative.

Mais ça ne s'est pas arrêté à 25 000. Ce nombre a continué à grimper malgré les plaintes et l'angoisse de beaucoup d'entre nous qui demandaient un arrêt de jeu.

Mais c'est l'un des défis du travail dans la fonction publique. Cela ne s'arrête jamais, et je pense que le gouvernement démocratiquement élu de l'époque nous a mis au défi. Notre action a pris des formes dont je n'aurais jamais cru que nous étions capables, et oui, c'était artificiel, mais rappelez-vous comment tout ça a commencé. On était dans la frénésie d'une campagne électorale et chacun enchérissait à son tour.

Nous avons eu de la chance que ce ne soit pas 50 000, parce que j'ai de bonnes raisons de croire que c'était une possibilité réelle, que 50 000 serait l'objectif, et qu'ils ont pensé, eh bien, nous allons revenir à 25 000, et je pense que cela pourrait avoir un lien avec les fonctionnaires qui disaient qu'on pouvait en recevoir 50 000 en peu de temps. Beaucoup de gens en parlaient.

Je pense que c'est un peu ce pour quoi nous sommes là, relever des défis.

Taki Sarantakis : Anita, parlez-nous un peu du rôle des organismes centraux. Vous avez bénéficié de toutes sortes de soutien de la part des ministères de services, comme AMC et l'ASFC. Parlez-nous un peu des Finances, du SCT et du BCP.

Anita Biguzs : Je pense que c'est un excellent exemple de système qui unit ses forces. Je pense que le rôle que Malcolm a joué était inestimable. Je pense à l'ensemble de la famille fédérale, mais certainement aussi au CPM.

Je pense à l'activation du centre des opérations, je ne sais pas si j'y aurais pensé. Je ne sais pas si c'est Malcolm, mais quelqu'un y a pensé et c'était génial.

Malcom Brown : Don, je pense.

Anita Biguzs : C'était Don?

Jacques Cloutier : C'était Don.

Malcom Brown : Je pense que c'était Don.

Anita Biguzs : Quoi qu'il en soit, normalement, on active le centre des opérations par exemple quand il y a des incendies majeurs. Je ne sais pas si j'aurais pensé à la raison pour laquelle on le ferait, mais c'était une initiative brillante en termes de coordination. Nous avons fait venir des fonctionnaires des provinces qui siégeaient au centre des opérations. Donc, c'était en temps réel que les gens savaient ce qui se passait, ce qui devait arriver et quand les gens arrivaient.

Je pense qu'aussi, les Finances et le Conseil du Trésor ont été très utiles. Nous avons dû préparer notre présentation au Conseil du Trésor dans les deux semaines ou quelque chose comme ça, pour beaucoup d'argent, c'était fou. C'était beaucoup d'argent et nos responsables des finances ont été fantastiques, notamment Dan Mills, dans le calcul de ces coûts incroyables.

Savez-vous que nous avons presque exactement respecté les coûts prévus? Nous avons dû nous rendre en comité plénier à la Chambre, et ça a été une expérience atrocement douloureuse, je vous le dis, pendant quatre heures.

Je dois dire que tout le monde s'est mobilisé et, comme je l'ai dit, le ministère des Finances nous a beaucoup soutenus. Le Conseil du Trésor également. Nous avons vraiment bien travaillé ensemble, et je pense que tout est une question de relations, mais aussi d'avoir un objectif commun face auquel on sait qu'il faut agir. Ça a été très utile, et je reviens au fait que je pense que tout le monde a compris qu'il était impératif de faire en sorte que ça se produise. Tout le monde a travaillé main dans la main.

Taki Sarantakis : Merci. Donc, dans un instant, nous allons passer à notre prochain panel. Mais avant, j'aimerais que chacun d'entre vous donne un petit conseil aux jeunes futurs DG ou SMA ou SM dans la salle.

Qu'est-ce qui fait bouger les choses et pourquoi cela a-t-il réussi? Que peuvent-ils retenir de ça tandis qu'ils progressent et feront face à leurs propres défis?

Commençons par Jacques.

Jacques Cloutier : Je dirais, regardez ce que Kevin fait avec la rénovation du Parlement. Regardez ce qu'Alex a fait au Conseil du Trésor. Regardez toutes les différentes initiatives. Regardez ISDE. Vous devez croire que les choses n'ont pas à être exactement comme vous les avez trouvées, visualisez plutôt comment elles pourraient être, car tout est à portée de main.

Taki Sarantakis : Malcom?

Malcom Brown : Le travail d'équipe. Rien de tout cela n'aurait été possible si on avait fonctionné comme on le faisait il y a une génération, lorsque j'ai commencé dans la fonction publique.

On avait un groupe de personnes. On avait des conversations franches et difficiles, mais on passait également beaucoup de temps à résoudre des problèmes individuellement, et on se disait, on est dedans, et si une personne coule, nous coulons tous. Donc, le travail d'équipe.

Taki Sarantakis : Et Anita.

Anita Biguzs : Je dirais deux ou trois choses. Je dirais la gouvernance. C'est très important de comprendre l'organisation au sein de votre propre secteur, mais aussi dans l'ensemble du gouvernement. Nous en avons déjà parlé avec le rôle de Malcolm, mais aussi en interne dans votre ministère, c'est crucial de penser aux rôles et responsabilités pour que tout le monde les comprenne.

La communication est également très importante, et c'est certainement au crédit du gouvernement, la mesure dans laquelle il a été ouvert et transparent, mais aussi comment il a été honnête. Trouver les logements était vraiment difficile, et le ministre disait, oui, c'est très difficile, nous faisons de notre mieux, et je pense que cela a vraiment aidé, de communiquer de façon ouverte et transparente.

Et aussi l'information, la question d'avoir le meilleur système de suivi au monde. Au début, c'était beaucoup de pages. Le ministère est incroyable, mais c'était tellement technique. Le document avait une vingtaine de pages, et c'était utile pour eux, mais on avait besoin d'un document pour breffer les ministres et qu'on pourrait examiner lors de nos conférences téléphoniques matinales. Les systèmes de suivi et les renseignements sont absolument vitaux pour pouvoir avancer dans des opérations comme celle-là.

Et n'oubliez pas la reddition de comptes, parce que le vérificateur général va vous auditer. Alors, préparez-vous, et je sais que la dernière chose à laquelle les gens voulaient penser était la documentation et nous avons fait venir nos vérificateurs, mais j'ai dit, nous allons être audités, alors essayons de comprendre.

Taki Sarantakis : Au nom des personnes présentes dans la salle, j'aimerais vous remercier tous les trois de nous avoir présenté quelques réflexions et idées.

Et au nom des quelque 50 000 réfugiés syriens qui refont leur vie au Canada, qui sont étudiants au doctorat, aux cycles supérieurs et au primaire, et qui fabriquent du chocolat dans différentes provinces, au Nouveau-Brunswick, j'aimerais vous remercier pour votre grand, grand rôle là-dedans.

[applaudissements]

[Taki, Anita, Malcolm et Jacques se lèvent de leurs sièges.]

[Marta Morgan et les panélistes Deborah Tunis, Naomi Alboim et Mario J. Calla prennent place.]

Marta Morgan : Concernant le point d'Anita au sujet du vérificateur général, j'ai eu le plaisir de comparaître devant le Comité des comptes publics lorsque le vérificateur général a audité l'initiative syrienne, et j'ai appelé Anita ce jour-là pour lui dire merci. Les membres de l'opposition du Comité des comptes publics m'ont dit, vous avez fait du très bon travail, et je dois vous dire que cela ne s'est jamais produit auparavant et je doute que cela se reproduise un jour. Je pense que la prévoyance d'Anita concernant les audits et sa réflexion sur tout ce qui allait se passer était formidable.

Mais amener les gens ici n'est que le début. Nous comptons sur un réseau d'organismes sans but lucratif et de Canadiennes et de Canadiens partout au pays pour aider les gens à s'installer dès leur arrivée, puis pour soutenir leur intégration.

Alors, Deborah, Naomi et Mario étaient impliqués dans cet effort dès le début et continuaient d'être impliqués dans cet effort.

Alors, voyons maintenant vers ce qui s'est passé après l'arrivée des réfugiés.

Je vais commencer par Deborah, car elle a joué un rôle très intéressant dans cette initiative.

Deborah Tunis (ancienne coordonnatrice spéciale pour la réinstallation des réfugiés syriens) : Merci.

C'était intéressant dans le dernier panel lorsqu'ils posaient des questions sur les conseils aux fonctionnaires.

Je suis entrée au gouvernement fédéral en 1973, il y a très longtemps, et ma deuxième affectation était au Musée des beaux-arts du Canada, et j'ai travaillé ici pendant 14 ans. C'est donc très agréable pour moi d'être de retour. J'ai travaillé sur le nouveau projet de construction et je peux vous dire exactement combien de places il y a dans cet auditorium. [rires]

Malcolm et Naomi étaient vraiment les responsables de ma décision d'aller à Citoyenneté et Immigration en 2000. Nous étions à une conférence sur la politique sociale à l'Université Queens, et ils ont dit que c'est là que je devais aller et que je sois DG de l'intégration.

Alors, j'ai pris ma retraite de Citoyenneté et Immigration, je planifiais des voyages et je m'occupais de mes petits-enfants, je faisais une courtepointe pour mon beau-père pour son 90e anniversaire quand j'ai reçu cet appel après la mort d'Alan Kurdi.

Et c'était pour soutenir l'administration précédente, parce que pendant la campagne électorale, on avait conseillé au ministère de créer un poste de coordonnateur spécial pour faire de la sensibilisation auprès des provinces, territoires et municipalités.

L'une des différences entre les approches du gouvernement précédent et du gouvernement actuel était cet équilibre entre les réfugiés sous parrainage privé et ceux pris en charge par le gouvernement, et l'une des choses que le gouvernement précédent voulait vraiment faire était d'encourager ce mouvement de parrainage privé dont je pense que Naomi va parler.

Quand le gouvernement a été élu avec cet engagement de 25 000 réfugiés et les inquiétudes que les organismes d'installation avaient en essayant de faire arriver tous ces gens d'ici la fin décembre, je pense que mon rôle était de travailler avec les provinces, les territoires, les municipalités, les agences de réinstallation, pour essayer de coordonner nos efforts et d'obtenir des renseignements.

Il y avait beaucoup de confusion au sujet des dates, des priorités et des cibles, et nous avons convoqué une réunion à Toronto les 28 et 29 novembre. C'était une réunion très importante des représentants dans tous ces domaines afin que tout le monde puisse comprendre le plan et aller de l'avant.

Je ne sais pas si vous vous souvenez tous où vous étiez en novembre 2015, mais peu de gens avaient l'habitude de faire beaucoup de consultations et de mobilisation à cette époque, et donc c'était en quelque sorte un concept étranger de s'asseoir et de parler aux gens.

Mario donnait des interviews au Globe & Mail et au Toronto Star, et Naomi s'occupait de l'ordre du jour. C'était un vrai effort collectif.

L'une des choses que je voulais mentionner, c'est que nous étions très reconnaissants de l'organisation par le gouverneur général d'un important événement à Rideau Hall le 1er décembre, immédiatement après cette réunion fin novembre, et ça a vraiment permis de mobiliser le secteur privé. Ça voulait dire que c'est un événement bipartite, un effort collectif. Il y avait des représentants de tous les partis, des provinces et des municipalités et ces gens-là. Cela donnait vraiment le signal que nous allions tous travailler ensemble. Je vous laisse la parole.

Naomi Alboim (membre senior, Chaire d'excellence en recherche du Canada sur les migrations et l'intégration, Université Ryerson) : D'accord. C'est très spécial d'être ici ce soir avec le panel précédent et ce panel, parce que nous avons tous et toutes travaillé ensemble très fort et très bien pendant cette période.

Je me suis jointe au mouvement syrien d'une façon un peu différente, je pense. De 1979 à 1981, j'ai travaillé pour le gouvernement fédéral, à CIC. C'était alors la CEIC ou peut-être la CAC. Quoi qu'il en soit, il y avait beaucoup d'acronymes différents à l'époque, mais j'étais coordonnatrice du gouvernement fédéral pour le mouvement des réfugiés indochinois qui a fait venir les 60 000 réfugiés du Vietnam, du Laos et du Cambodge, et j'ai travaillé pour l'Ontario, qui a fait venir environ la moitié de ce nombre.

Est-ce que ça marche? Oui? D'accord.

J'ai donc vécu cette expérience il y a longtemps avec le mouvement des boat people, et à l'automne 2013, certains d'entre nous ont organisé une conférence avec les acteurs clés qui avaient pris part au mouvement des réfugiés vietnamiens, et nous avons invité notamment le ministre de l'époque, les agents des visas qui étaient à l'étranger, les répondants et les réfugiés, les représentants des instances fédérale, provinciales et municipales, et le secteur bénévole.

Nous l'avons fait pour deux raisons. L'une était de documenter ce qui s'était passé, mais, et c'est tout aussi important, c'était d'apprendre de cette expérience et de voir ce qui pourrait potentiellement s'appliquer aux futurs mouvements de réfugiés. Certains d'entre nous avaient déjà en tête la Syrie, mais l'idée n'avait pas encore fait son chemin dans l'esprit du public ou des gouvernements en 2013.

Mais certaines personnes ont continué à se réunir très fréquemment après cette conférence, nous avons écrit des articles, donné des entrevues, nous avons écrit des éditoriaux, rencontré des fonctionnaires et des élus, et nous voulions vraiment que les gens réfléchissent à la façon dont ce que nous avons appris alors pourrait s'appliquer à la situation des réfugiés syriens.

Nous avons rencontré des gens de tous les partis politiques à ce moment-là, parce que nous ne savions pas ce qui allait arriver.

L'une des recommandations qui est ressortie de ces rencontres était de créer une organisation sur le modèle d'une organisation précédente qui avait existé pendant le mouvement indochinois, qui s'appelait Operation Lifeline, et nous avons pensé qu'il serait utile de créer une organisation comme celle-là pour promouvoir le parrainage privé, recruter et former des gens, et accompagner les gens qui voulaient faire du parrainage.

C'était de 2013 à 2015, nous faisions beaucoup de travail public, mais nous étions un petit groupe ad hoc.

À l'hiver 2015, l'ancien maire de Toronto, John Sewell, a contacté Ratna Omidvar, qui n'était pas encore sénatrice, elle était à l'Université Ryerson, et lui a demandé qui nous devrions réunir pour en parler. Et Ratna a réuni un groupe d'environ dix personnes, et Mario était dans ce petit groupe, et c'était le début d'une organisation appelée Lifeline Syria.

Notre mandat était de promouvoir le parrainage privé, de militer auprès du gouvernement pour augmenter le nombre d'arrivants, de recruter, de former et de soutenir les répondants dans le processus administratif très complexe nécessaire à l'époque pour soumettre des demandes de parrainage pour les réfugiés syriens.

Nous avons officiellement lancé cette organisation en juin, et des gens étaient intéressés. Il y avait des gens intéressés qui venaient aux réunions, et dans une salle de cette taille, il y avait autant de personnes qu'ici à certaines de ces réunions publiques.

J'ai décidé de contacter ma propre communauté à ce moment-là. La communauté juive avait participé très activement au mouvement vietnamien et j'ai pensé que ce serait une initiative vraiment importante pour la communauté juive, notamment parce qu'il s'agissait de Syriens, donc principalement de musulmans, et pour montrer que c'était un projet national et que nous y travaillions tous ensemble.

J'ai abordé les services d'aide aux immigrants juifs qui avaient des accords de parrainage avec le gouvernement fédéral, je suis allée aux réunions du conseil, je les ai encouragés et convaincus, et ils ont accepté d'être l'organisme cadre pour des organisations juives.

J'ai rencontré le Conseil rabbinique, c'était juste avant les Grandes Fêtes, et ils ont dit qu'ils créeraient une chaire [inaudible]. Nous nous sommes retrouvés avec environ 38 synagogues de Toronto parrainant des réfugiés syriens, et ma synagogue a été la première à s'inscrire au parrainage.

L'élection a été déclenchée en août. Les réfugiés syriens sont devenus un enjeu de campagne très important. [inaudible] la photo a tout changé.

Pour nos réunions publiques, au lieu d'un groupe comme celui-ci, il y avait maintenant des files d'attente devant la porte, des gens debout. Notre site Web plantait. Nous étions saturés d'appels de personnes qui voulaient parrainer et d'autres qui voulaient aider de toutes les manières possibles. Des gens appelaient pour dire : « Je tricote des tuques, pouvez-vous les distribuer? », des gens proposaient des chambres chez eux, on avait des offres d'aide incroyables.

Les élections ont eu lieu le 19 octobre. Tout s'est accéléré comme vous l'avez entendu, mais ça s'est aussi accéléré avec les groupes de parrainage et nous avons travaillé avec les signataires d'ententes de parrainage et des avocats.

Oui, absolument.

En fin de compte, l'organisation Lifeline Syria a aidé près de 300 groupes de parrainage à parrainer plus d'un millier de réfugiés à venir à Toronto.

Je ne parlerai de la famille que j'ai parrainée qu'à titre indicatif, car cela vous dira comment beaucoup, beaucoup de réfugiés syriens vivent.

Nous avons parrainé une famille de cinq personnes. Ils sont arrivés en février. Ils sont ici depuis presque trois ans maintenant. Par la suite, nous avons aussi parrainé la mère et la sœur de la femme, les deux fils des sœurs, des adolescents, et une autre fille et son mari. La fille était enceinte. Donc nous avons, dans notre petit groupe, vraiment contribué à la réunification de cette famille-là.

Aujourd'hui, ils travaillent. Ils sont totalement autonomes. Ils sont arrivés sans aucune connaissance de l'anglais et sont maintenant aux niveaux trois et quatre. Les garçons réussissent absolument brillamment à l'école. Toute la famille vit à quelques pâtés de maisons de distance et se soutient dans tout ce qu'elle fait. Le chef de famille a un emploi à temps plein et un à temps partiel. Toutes les femmes adultes de la famille travaillent et les adolescents travaillent tous à temps partiel. Les garçons suivent des cours de natation. Ils vont au camp. Ils vont tous les jours à vélo à la bibliothèque après l'école pour faire leurs devoirs, et les parents mettent de l'argent de côté chaque mois pour les études universitaires de leurs enfants.

Personne dans la famille n'a de diplôme d'études secondaires, et encore moins n'est allé à l'université.

Notre relation est toujours forte. Mais c'est différent, à présent. Ils ne sont plus dépendants, et notre parrainage est devenu une amitié.

[applaudissements]

Marta Morgan : Merci, Naomi. Nous allons céder la parole à Mario. L'organisation de Mario, COSTI, a participé en amont aux efforts de réinstallation et continue d'être présente à ce jour, non seulement pour les Syriens, mais pour de nombreux autres immigrants qui viennent au Canada.

Mario J. Calla (directeur exécutif, Services aux immigrants COSTI) : Merci de me donner l'occasion de parler de cette importante initiative.

Mon organisation est parmi la quarantaine d'autres qui ont été engagées pour réinstaller les réfugiés syriens partout au pays. Bien sûr, des centaines d'organismes d'installation ont travaillé avec ces organisations pour aider les réfugiés syriens à s'installer.

Chaque fois qu'on me demande de parler de l'initiative pour les réfugiés syriens, je dois dire que je ressens des vagues alternées de stress post-traumatique et d'exaltation. Mon agent de liaison à IRCC au moment de cette initiative, Richard Lecours, l'a bien saisi quand il disait qu'on avait toujours l'impression d'être au bord de la catastrophe, telle était l'énormité de la tâche, mais nous y sommes parvenus et j'aimerais vous raconter cette histoire.

Je vais suivre mes notes de près parce que je n'ai que cinq minutes, et je pourrais parler pendant une heure. Comme ça, je pourrai rester concentré.

Sur l'objectif de 25 000 réfugiés du gouvernement, COSTI était responsable de la réinstallation de la plus grande cohorte au pays de près de 2 000 réfugiés à Toronto en l'espace de trois mois.

Les arrivées étaient rapides et nombreuses, 300 arrivées en deux jours. En trois semaines, nous avions 1 100 réfugiés dans cinq hôtels et dans notre propre centre d'accueil. Il est vite devenu clair que nous n'étions pas prêts.

Premièrement, les familles étaient beaucoup plus grandes que prévu, avec trois à cinq enfants en moyenne. Certaines familles avaient 10 ou 11 enfants. À un moment donné, à l'hôtel Plaza, on avait 240 enfants de moins de 14 ans.

Deuxièmement, les problèmes médicaux étaient fréquents et souvent graves. Même s'il y avait des cliniques dans les hôtels, il fallait aller à l'hôpital tous les soirs et les fins de semaine.

Troisièmement, la générosité spontanée de la collectivité était à la fois une bénédiction et une difficulté. Lorsque quelqu'un se présente à l'hôtel avec un VUS rempli de sacs poubelles de vêtements, qui va les trier et les distribuer équitablement?

Nous avons décidé de nous adapter à cette nouvelle réalité et de mettre de côté nos plans initiaux. Nous avons demandé aux bénévoles d'organiser leur action, et décidé de travailler avec des groupes établis tels que des groupes confessionnels qui pourraient gérer leurs propres bénévoles.

Ainsi, tous les dons ont été acheminés par l'intermédiaire d'un groupe qui s'est appelé Clothing Drive. Tous les interprètes étaient gérés par un groupe qui allait devenir les Syrian Active Volunteers. Un autre groupe est né, un groupe de bénévoles qui a aussi pris forme avec notre soutien. Il est devenu la Syrian Canadian Foundation, le groupe aujourd'hui responsable d'aider les réfugiés syriens, qui a fourni des logements et conçu des programmes pour enfants.

Les groupes confessionnels, dont plusieurs mosquées, se sont organisés, décidant d'aider à installer les réfugiés dans leurs nouvelles demeures et de leur offrir leur amitié.

Mais la clé de tout ça était la coopération et la coordination sans précédent des trois ordres de gouvernement, et nous en avons un peu entendu parler dans le premier panel.

Deborah, ici présente, a planifié des téléconférences hebdomadaires d'IRCC avec tous les prestataires de services, le personnel d'IRCC et des représentants provinciaux et municipaux. Nous avons ainsi pu obtenir de nouveaux renseignements du gouvernement, fournir des commentaires en temps réel aux décideurs et, surtout, permettre aux prestataires de services de comparer leurs expériences et de mettre en commun des solutions.

Dans cette situation qui évoluait rapidement, nous avons appris à improviser. Dans une décision clé, IRCC a renoncé à ses exigences habituelles pour l'approbation du budget, sans dire qu'il n'y avait pas de reddition de comptes, le premier panel en a parlé, mais nous avons dû agir différemment.

IRCC a accepté un processus dans lequel nous nous consultions sur les révisions budgétaires, nous fournissions une justification, et nous recevions rapidement la décision par courriel. Les ententes de contribution seraient modifiées par la suite. Nous avons ainsi pu rapidement conclure des ententes pour des chambres supplémentaires dans les hôtels et embaucher plus de personnel au besoin. La première année, notre entente de contribution a été modifiée dix fois.

L'Ontario a fait de cette initiative une priorité et mis sur pied une table consultative spéciale sur les réfugiés, coprésidée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le ministre de la Santé. À cette table, siégeaient les hauts décideurs des ministères concernés. À titre d'exemple de leur réactivité, je leur ai dit qu'il n'était pas efficace d'envoyer des autobus de nouveaux arrivants à ServiceOntario pour faire leur carte santé. Ils ont rapidement trouvé une solution et planifié des visites régulières d'un représentant de ServiceOntario dans chaque hôtel.

Parfois, les conversations en aparté étaient tout aussi importantes. Joan Andrew, la responsable provinciale de l'initiative pour les réfugiés syriens, m'a demandé après une réunion ce dont j'avais besoin, et je lui ai dit que ce n'était pas de l'argent dont j'avais besoin. J'avais besoin de cadres expérimentés capables d'assumer immédiatement des fonctions clés. Elle a sollicité la fonction publique de l'Ontario, et nous avons emprunté deux excellents gestionnaires qui ont pris la responsabilité de gérer les bénévoles et de superviser les opérations de notre plus grand hôtel.

La Ville de Toronto a également participé. Le Bureau de santé publique de Toronto a effectué des vaccinations de masse dans tous les hôtels et fourni des services de soins dentaires mobiles. Cette clinique mobile a effectué plus de 500 procédures. Les services à l'enfance et les conseils scolaires publics et catholiques de Toronto ont littéralement sauvé les hôtels de la destruction.

Chaque hôtel comptait des centaines d'enfants, et la façon syrienne d'élever les enfants veut que la communauté assume collectivement la responsabilité des jeunes. Dans un hôtel, personne ne semblait réagir aux enfants qui jouaient dans les ascenseurs, arrachaient le papier peint et créaient des murales artistiques.

Les conseils scolaires ont agi sans poser de questions en transportant les enfants par autobus vers les écoles locales, même s'ils restaient temporairement. Les services à l'enfance ont fourni des jouets et des bénévoles ont mis en place des activités très intéressantes pour les soirées et les fins de semaine. Les enfants faisaient la queue pendant deux heures afin de pouvoir participer aux activités de maquillage, entendre des histoires ou faire de l'artisanat de création.

À la réflexion, je me suis rendu compte que tout cela fonctionnait parce que les trois ordres de gouvernement, les institutions publiques et la société civile avaient une vision claire et poursuivaient tous le même objectif.

Tous ces efforts ont eu pour effet que tous ces nouveaux arrivants ont été réinstallés en toute sécurité dans leur première demeure au Canada.

Sachez que nos efforts collectifs ont été remarqués et ont eu un profond effet. Une de nos bénévoles m'a dit que son mari et elle avaient été invités par l'une des familles de nouveaux arrivants syriens dans leur nouveau logement. La bénévole leur a demandé ce qui les avait le plus impressionnés au Canada. La réponse a été spontanée : la générosité des Canadiens.

Il y a bien des raisons pour lesquelles nous avons pu garder une longueur d'avance sur la catastrophe, mais les principales étaient pour moi la capacité des services publics et des prestataires de services à s'adapter aux conditions changeantes, et la lutte pour un objectif commun menée par le gouvernement, les institutions et la collectivité.

En tant que Canadiens, nous avons tous rendu un service très spécial à ces nouveaux arrivants à un moment très stressant de leur vie. Nous pouvons tous être fiers. Merci pour votre participation.

[applaudissements]

Marta Morgan : Merci à nos panélistes.

Je vais poser une seule question. J'allais en poser deux, mais pour gagner du temps, je vais en poser une seule, et je vais laisser aux gens dans l'auditoire réfléchir à leurs questions, car vous aurez aussi l'occasion de poser vos questions à nos panélistes.

Donc, ma question est la suivante, voilà trois ans que tout ça a commencé. Voilà plus de trois ans que les réfugiés ont commencé à arriver au Canada. Comment réussissent-ils aujourd'hui? Naomi en a parlé un peu, et à quoi faudra-t-il penser au cours des trois prochaines années alors que ce projet de société se poursuit?

Mario J. Calla : À COSTI la semaine dernière, nous avons terminé un sondage des réfugiés syriens avec lesquels nous avons travaillé et avons réussi à interroger un peu plus de 1 700 de ces réfugiés, et je peux dire que le contexte, je pense, est des facteurs importants pour juger du succès, car cela dépend vraiment du capital humain qu'ils apportent avec eux, car le sondage portait sur les réfugiés pris en charge par le gouvernement, et non pas sur les réfugiés sous parrainage privé.

En fait, parmi les réfugiés pris en charge par le gouvernement, seulement un sur dix parlait anglais à leur arrivée. 12 % avaient fait des études postsecondaires, certains avaient même des problèmes d'analphabétisme. C'est le contexte dans lequel nous travaillons.

Actuellement, 63 % suivent des cours d'anglais, et environ 50 % ont été ou sont sur le marché du travail. La plupart, soit 71 %, occupent des emplois dans la construction et les métiers, et 21 % dans l'industrie alimentaire.

Ce qui est vraiment intéressant, c'est qu'en les interrogeant sur leurs aspirations et leur vie au Canada, 100 % ont dit vouloir demander la citoyenneté canadienne. 99 % sont heureux d'être venus au Canada. Ce qui est aussi intéressant, c'est que 83 % ont déclaré que leur famille était heureuse d'être ici. 75 % ont déclaré que la santé émotionnelle de leur famille s'était améliorée depuis leur arrivée au Canada. Voilà donc le genre de questions que nous leur avons posées.

La clé pour moi, ce sont toujours les enfants parce que nous savons, dans notre travail, que c'est toujours un sacrifice pour la première génération. Ils abandonnent essentiellement leur carrière et leurs enfants sont leur promesse d'avenir.

Et 91 % des enfants, selon les parents, réussissent bien ou très bien à l'école, et 92 % de ces enfants participent à des activités parascolaires. Alors, ils prennent racine.

Aussi, l'une de nos préoccupations était de les loger, nous nous sommes retrouvés avec des concentrations à Mississauga et Scarborough parce que c'est là que se trouvaient les logements abordables.

C'était aussi une façon de les garder ensemble, car comme on l'a dit au début, ils sont arrivés avec très peu de préparation, ils étaient donc désorientés.

Et donc, nous craignions qu'ils deviennent alors dépendants les uns des autres, mais en fait, 73 % déclarent s'être fait des amis canadiens, autres que syriens.

Alors, ça avance, ça bouge, et c'est une bonne nouvelle.

Marta Morgan : Naomi?

Naomi Alboim : Quelques petites choses. Je pense que la crise syrienne n'est pas terminée. Les réfugiés syriens qui sont venus, le premier jour, ils ont dit, merci beaucoup, et le deuxième jour, ils ont dit, pouvez-vous aider à faire venir ma mère, ma sœur, mon père, mon ami, mon cousin? Nous devons penser et planifier beaucoup mieux, non seulement pour le premier groupe qui arrive, mais qu'en est-il du regroupement familial lorsqu'une crise se poursuit?

Nous utilisons maintenant le mouvement de parrainage privé pour le regroupement familial, ce qui, à mon avis, n'est pas la meilleure utilisation de ce programme ni la meilleure façon de contribuer au regroupement familial.

Et je parle de regroupement familial non seulement parce qu'il est humain que les gens veuillent être avec leurs proches, mais aussi parce qu'ils ne peuvent pas continuer leur vie s'ils s'inquiètent pour les personnes restées derrière.

Je pense que, d'un point de vue politique, nous devons penser à concevoir un système de regroupement familial de réfugiés qui soit différent du système de regroupement familial régulier, mais qui permette vraiment aux gens de continuer leur vie et d'être ensemble de nouveau. Voilà pour la première chose.

L'autre chose à laquelle nous devons vraiment penser du point de vue politique est la suivante : est-il logique de continuer à avoir ces différents groupes de réfugiés pris en charge par le gouvernement, de réfugiés en parrainage privé, de cas mixtes des réfugiés désignés par un bureau des visas?

Nous savons que tout le monde a besoin des conseils d'experts et du soutien de conseillers en installation qui ont de l'expérience et qui savent ce qu'ils font. Ils bénéficient tous du soutien global et de l'amitié de monsieur et madame Untel, qui est pour eux le meilleur moyen d'apprendre la langue et de s'intégrer.

Et je crois que nous devons vraiment penser à de nouveaux modèles qui offrent ces deux éléments à chaque réfugié qui vient au Canada, plutôt qu'au volet parrainé par le gouvernement où, en réalité, ce n'est que de manière ponctuelle qu'ils obtiennent un soutien global, et tous les réfugiés en parrainage privé ne bénéficient pas des conseils d'experts et du soutien de l'organisme d'installation. Donc, je pense qu'il faut repenser le modèle.

Mais, et c'est tout aussi important, les crises de réfugiés dans le monde vont augmenter. La situation ne va pas s'améliorer. En raison des changements climatiques, nous allons voir une toute nouvelle catégorie de réfugiés qui doivent quitter leur foyer à cause du climat. Qu'ils répondent ou non à la définition est une autre question, mais même parmi ceux qui répondent à la définition de réfugié de la Convention de Genève, il y a bien plus de personnes que le Canada ne pourra jamais accepter et nous devons trouver la bonne combinaison de développement, d'assistance et de réinstallation pour vraiment faire une différence à long terme à l'échelle mondiale.

Mais je pense que nous manquons l'occasion en termes de mouvement de parrainage privé d'engager le public de manière continue, pas seulement dans une situation extraordinaire comme lorsque nous avons vu la photo d'Alan Kurdi, parce que dans la situation de chaque réfugié, l'extraordinaire est devenu ordinaire et nous ne traitons pas avec monsieur et madame Untel qui veulent vraiment contribuer. Nous traitons avec le réseau institutionnel organisé que nous finançons par le biais du WRAPS et des organismes d'installation.

Mais comment pouvons-nous en faire un projet national canadien qui s'inscrit dans l'avenir, où tout le monde considère que l'aide aux réfugiés fait partie de leur contribution en tant que citoyens de ce pays?

Marta Morgan : Merci. Deborah?

Deborah Tunis : Très rapidement. Je pense que ce qui était difficile dans mon rôle, avec le recul environ trois ans plus tard, c'est ce modèle de leadership partagé, parce que comme le disait le panel précédent, dans ces premières phases du projet syrien, c'était vraiment le gouvernement qui travaillait ensemble, puis pour les activités de réinstallation, d'intégration, c'était des groupes communautaires.

Et je suis convaincue que le point de Naomi sur la création d'un projet national et la garantie que nous travaillons tous ensemble est l'élément clé, et comment construit-on ces réseaux? Comment harmonise-t-on les communications? Comment crée-t-on une vision commune? Comment crée-t-on cette liberté d'innovation? Et puis, comment célèbre-t-on les succès, comment fait-on le bilan et tire-t-on des leçons de nos actions?

Marta Morgan : Merci. Ce qui me frappe dans tout le processus, c'est le rôle qu'ont joué le leadership et la vision pour que tout le monde trouve sa place et pour entraîner dans l'opération des gens qui n'y avaient pas été entraînés auparavant.

Y a-t-il des questions? Il y a des gens dans la salle avec des microphones. Levez la main, vous pouvez être la première personne à poser une question. Ne soyez pas timide.

Et nous garderons nos réponses brèves pour pouvoir répondre à quelques questions.

Oui.

[Marta désigne une membre du public]

Question : Merci pour la présentation et les discussions, c'était très intéressant d'entendre parler des succès de cette opération, mais j'aimerais savoir, est-ce qu'il y a quelque chose que vous feriez différemment la prochaine fois? Qu'est-ce que ce serait?

Naomi Alboim : Je peux dire ce que tu ne peux pas dire.

Deborah Tunis : D'accord, dis-le.

Naomi Alboim : Je pense que le gouvernement du Canada a consacré énormément de temps à tout le travail dont le premier panel a parlé. La planification des phases un à quatre, comme on disait dans le jargon des personnes qui ont participé à l'exercice. La logistique pour amener les gens ici, qui était très complexe et vraiment impressionnante, était ce à quoi le gouvernement a consacré la plupart de son temps, et l'installation et l'intégration, la phase cinq, sont venus après coup.

Et des gens comme Mario et les répondants privés ont saisi l'occasion, ont fait quelques erreurs en chemin, mais je ne pense pas que la phase cinq a bénéficié d'une planification suffisante comme les phases un à quatre.

Marta Morgan : Deborah?

Deborah Tunis : Nous avons reçu d'énormes quantités de dons d'entreprises et d'efforts de charité, nous ne pouvions pas les prévoir et nous étions toujours à la dernière minute. Que ce soit Dollarama qui voulait distribuer des cartes-cadeaux, Johnson et Johnson qui voulait donner des paquets, ou le président de Sears qui m'appelait pour dire « nous vous donnons des habits de neige », alors que nous venions de lancer un grand appel de propositions pour des habits de neige.

Toute la question de la coordination des dons d'entreprise, et Stephanie Beck, qui travaillait avec Don Edlund, a essayé de se battre pour que ça marche, mais nous avons tardé à le faire et n'avons pas fait un travail incroyable là-dessus.

Marta Morgan : Et nous subissons toujours les contrecoups de cela, pas dans la mesure dont vous parlez, mais je pense que c'est un problème de politique à l'échelle du gouvernement, quand nous recevons ces demandes, nous n'avons pas vraiment de bons mécanismes pour les traiter.

Mario?

Mario J. Calla : Je poursuivrais sur ce que disait Naomi. Ce que j'ai trouvé très intéressant, c'est que pour nous, en termes de planification, et je dis ça avec le recul bien sûr, on ne réalise pas à quel point nous sommes programmés pour faire les choses de telle façon, alors que la situation appelle un tout autre paradigme.

Nous avons donc constaté que notre planification était basée sur la façon dont nous comprenions les budgets et ainsi de suite, et quand les choses ont commencé à changer, nous avons posé des questions à nos contacts d'IRCC, et ils hésitaient parce qu'ils étaient bloqués sur les procédures existantes, alors qu'il nous fallait agir différemment.

Nous avons perdu du temps, c'est devenu vraiment difficile, et en fait, c'était, je crois, la deuxième semaine de janvier. Les trois plus grands centres au Canada, Vancouver, Ottawa et nous, à Toronto, nous avons demandé une pause d'une semaine pour reprendre notre souffle et trouver comment faire les choses différemment. Cela a créé beaucoup de mauvaise publicité, mais ça nous a aidés à repenser les choses et à régler des problèmes.

La planification est donc importante, mais on ne peut pas toujours anticiper ce qu'on doit faire. Ça prend quelqu'un qui a presque une approche de services d'urgence.

Très bien, merci.

D'autres questions? Ici.

Question : Bonsoir, merci pour votre travail et pour le temps que vous mettez dans ce genre d'efforts.

Le sondage a révélé plusieurs grandes réussites, mais j'aimerais savoir ce que les familles ont signalé comme le plus grand défi pour l'intégration, et en particulier quels types de services pouvez-vous offrir pour la détresse sociale et psychologique telle qu'elle peut être vécue lors de l'intégration?

Mario J. Calla : Nous avons posé cette question. Nous avons demandé ce que nous et le gouvernement du Canada pouvions faire d'autre. Le problème numéro un pour eux, comme le disait Naomi, c'était le regroupement familial. La majorité d'entre eux ont de la famille à l'étranger qu'ils essaient de faire venir. C'est un domaine dans lequel nous les aidons, en présentant les demandes.

Le problème numéro deux est le logement abordable. La subvention du CN a été mentionnée dans le premier panel, et nous avons versé des allocations pour qu'ils puissent déménager, mais ces allocations issues de cette subvention n'étaient offertes que pour un an. Alors, certains ont dû déménager. Trouver des logements abordables dans la région de Toronto est un gros problème.

Le troisième problème était de trouver un emploi, nous travaillons avec eux là-dessus.

Il y a des problèmes de santé mentale. Nous avons des intervenants de santé mentale arabophones que nous avons dû embaucher spécifiquement pour travailler avec eux. C'est un autre enjeu.

Marta Morgan : On m'avertit qu'il nous reste deux minutes. Est-ce que quelqu'un veut faire un dernier commentaire?

Naomi Alboim : Une chose dont je pense qu'il est vraiment important de parler, c'est la langue. La langue est le plus grand obstacle pour les réfugiés. Nous ne connaissions pas le profil des personnes qui arrivaient, nous ne savions pas combien de personnes étaient analphabètes dans leur propre langue et donc à quel point il est plus difficile d'apprendre une nouvelle langue quand on est analphabète dans la sienne.

Notre système actuel de formation linguistique ne fonctionne pas pour les personnes analphabètes. Ces personnes auraient eu à suivre des cours pendant des mois pour répondre à certains des critères nécessaires, notamment aux programmes de formation à l'emploi.

Je pense que nous devons repenser notre programme de formation linguistique afin qu'il soit beaucoup mieux intégré aux possibilités d'emploi, afin que les gens apprennent la langue en travaillant. Ils ne peuvent pas rester assis dans une salle de classe pendant des mois sans être exposés à la main-d'œuvre. Il nous faut repenser cela.

Marta Morgan : Deborah, avez-vous quelque chose à ajouter?

Deborah Tunis : Non, je pense qu'ils veulent qu'on termine. [rires]

Marta Morgan : D'accord, alors merci beaucoup à notre panel. Je pense que tout cela n'aurait pu avoir lieu sans les efforts des Canadiens des organisations partout au pays, des Canadiens à titre personnel, et sans notre capacité de réagir rapidement et d'innover à la volée.

J'ai entendu parler de certaines de ces histoires de l'intérieur et d'à quoi cela ressemblait. C'était vraiment un effort incroyable qui se poursuit aujourd'hui, et à certains égards, la partie vraiment importante continue aujourd'hui. Un grand merci à notre panel!

[applaudissements]

[Un homme parle derrière un podium]

Orateur non identifié :Merci Marta! Merci pour l'occasion juste d'offrir quelques remarques et un peu de contexte, peut-être, en perspective du BCP et juste quelques commentaires personnels aussi.

Nous avons pris du retard. Je suis sûr que vous voulez tous rentrer chez vous et regarder les résultats des élections de mi-mandat jusqu'à 2 h du matin, ou pas, selon le cas.

Alors, juste quelques remarques.

Premier message : je vais commencer par un remerciement.

Je vais commencer par Taki et l'École.

Je pense que c'est une idée brillante, Taki, de revenir sur certains de ces événements marquants et d'en tirer les leçons. C'est une excellente manière d'utiliser des fonctionnaires à la retraite [rires] par rapport à d'autres manières auxquelles Malcolm a fait référence. Je pense que cela en vaut la peine et j'ai hâte aux prochains événements.

J'aimerais féliciter tous les autres membres des équipes qui ont participé à cette action. Nous avons vu des leaders extraordinaires dans tous ces panels, mais chacun d'eux était soutenu par toutes sortes de personnes qui ont joint l'effort et qui ont travaillé. Ces tableaux de bord ne se sont pas faits tout seuls. La solution à toutes sortes de problèmes, petits et grands, réside dans l'effort d'équipe, et tous les leaders s'appuient sur une foule de personnes qui les soutiennent dans cette tâche.

Ils sont anonymes ce soir, mais j'aimerais rendre hommage à toutes ces personnes qui ont travaillé main dans la main.

Il y a quelques aspects qui m'ont frappé alors que j'écoutais la conversation. Il y a des éléments là-dedans qu'on ne pourra jamais reproduire. Les crises et les moments d'élan politique existent, les choses prennent forme, et il est important d'en tirer des leçons.

Le plus important au sujet des crises est ce que l'ancien maire de Chicago, Rahm Emanuel, disait : « Il faut toujours tirer parti des crises ». Lorsque les astres s'alignent, que des portes s'ouvrent et que des occasions se présentent, soyez prêts à les saisir. Et vous aurez peut-être dans l'avenir à donner des conseils sur ce genre de délibérations, de recherches sur les politiques, de conversations et de réflexions.

Ces occasions se présentent au bon endroit au bon moment, et être prêts à la saisir fait partie de notre mandat.

Mais il y a des éléments que peut-être on peut reproduire.

C'est sans doute l'autre chose à laquelle nous pouvons réfléchir, si certains de ces comportements et de ces pratiques étaient une bonne idée en temps de crise, pourquoi ne pourrions-nous pas les reprendre en bonne partie, s'ils permettent de repenser notre attitude face au risque de gaspiller des fonds ou la façon d'utiliser la technologie ou la façon d'aborder des problèmes?

Des approches ont été adoptées face à cette situation, face à d'autres situations qui me reviennent, et vous devriez pouvoir revenir en arrière et de vous dire, si mon instinct d'appeler des collègues d'autres ministères était le bon, c'est peut-être ce que je ferai dans mes tâches habituelles lorsqu'il est important de remettre en question les hypothèses sur ce qui peut et ne peut pas être fait.

Quoi qu'il en soit, je ne vais pas parcourir toute la liste, mais je pense que beaucoup de ces choses peuvent être reproduites et mettent à l'épreuve notre confort avec dans les règles, les processus, la prévisibilité et la stabilité. Ce n'est pas facile. La fonction publique est construite pour la continuité, la stabilité et la reddition de comptes de tant de manières différentes, mais nous devons tous continuer à réfléchir à ce que la crise fait ressortir en nous et à ce que nous pouvons reprendre dans les autres gestes que nous posons au service des Canadiens.

Un peu de contexte!

Il y a des choses auxquelles d'autres ont fait référence indirectement, mais permettez-moi de les aborder de façon un peu plus directe.

Ce n'était pas la seule chose qui se passait au gouvernement à l'époque. Nous avons regardé de très près un exercice en particulier et c'était très intéressant de s'y plonger.

À l'époque, la perception au BCP était que ce n'était qu'une parmi 30 choses qui se passaient. Imaginez un nouveau gouvernement sortant d'une campagne électorale. La plupart des membres étaient nouveaux au poste de ministre, beaucoup étaient nouveaux au poste de député et de ministre. Bon nombre d'entre eux n'avaient pratiquement jamais séjourné à Ottawa.

Ce n'est pas un hasard si, dans leur équipe, les personnes expérimentées qui connaissaient un peu le travail de ministre se sont vu confier des postes à la Sécurité publique et à l'Immigration, car le gouvernement savait qu'il allait devoir compter énormément sur ces ministres pour cette initiative.

Et on avait affaire à une équipe, on le voit maintenant avec trois ans de recul, pour laquelle toutes sortes d'aspects de la gouvernance étaient nouveaux, et les gens s'en sortaient. On oublie cela. On le voit avec le recul. C'est comme ça que le monde fonctionne.

Le premier ministre a participé à quatre sommets internationaux au cours de ses six premières semaines en tant que nouveau premier ministre. Il est allé à Paris pour renverser une décennie de décisions politiques sur les changements climatiques. Je pourrais continuer la liste, mais on avait l'impression d'être en mode multitâche à la puissance dix fois à l'époque, et ça a continué. En fait, je pense que ça n'a jamais arrêté. [rires]

Certaines personnes clés, le premier ministre, le cabinet du premier ministre, les cadres supérieurs, même les sous-ministres et ces ministères responsables avaient d'autres tâches, et ils prenaient une partie de leur temps, de leur énergie et de leur engagement pour ce dossier en particulier tout en effectuant plusieurs tâches dans d'autres dossiers, et arrivaient à ce genre de capacité agile à déplacer les gens, les dollars, et à faire fonctionner la logistique entourant les dossiers.

Il faut également savoir détourner son attention et porter sa concentration sur de nouveaux dossiers, plusieurs dossiers en même temps et, je le répète, traverser des crises nous aide à y arriver pendant les périodes plus paisibles.

Aussi, on peut seulement regarder les images, bien sûr.

Il faut être très fier d'être Canadien quand on regarde les images qu'on a présentées.

C'est peut-être un peu comme un cliché, mais c'est parce que ça repose sur notre histoire.

Donc, quelqu'un l'a mentionné, peut-être qu'un jour un enfant de ce groupe sera greffier du Conseil privé. Devinez quoi? Nous avons déjà eu un greffier du Conseil privé qui est né dans un camp de réfugiés. Mon prédécesseur, Alex Himelfarb, est né dans un camp de réfugiés. Une enfant qui a grandi avec lui dans un quartier de Toronto siège maintenant à la Cour suprême du Canada. Rosie Abella, née dans un camp de réfugiés.

Ce pays a une histoire, pas toujours glorieuse. Le premier ministre a dû s'excuser des renvois des bateaux de réfugiés. L'incident du Saint Louis, recherche-le dans l'actualité ce soir. Nous n'avons pas toujours bien traité les gens. Nous avons mis des Canadiens d'origine japonaise dans des camps parce que nous n'avions pas confiance en leur loyauté envers le pays.

Notre histoire est trouble, sinueuse, mais son cours progresse vers la tolérance et l'inclusion. Les fonctionnaires canadiens ne travaillent pas à l'approvisionnement et à l'ingénierie pour la construction d'un mur. Ils travaillent à construire des ponts, à lancer des bouées de sauvetage, et j'en suis vraiment fier. Merci.

[applaudissements]

[Le logo de l'EFPC s'affiche à l'écran.]

[Le logo du gouvernement du Canada s'affiche à l'écran.]

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