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Série sur le leadership : Le leadership incarné en faveur de la lutte contre le racisme, de l'équité et de l'inclusion (INC1-V52)

Description

Cet enregistrement d'événement présente Rachel Zellars, Ph. D., qui explique le rôle essentiel du leadership incarné pour recentrer le leadership sur la personne et contribuer à la transformation en milieu de travail.

(Consultez la transcription pour le contenu en français.)

Durée : 01:31:38
Publié : 17 février 2023
Type: Vidéo

Événement : Série sur le leadership : Le leadership incarné en faveur de la lutte contre le racisme, de l'équité et de l'inclusion


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Série sur le leadership : Le leadership incarné en faveur de la lutte contre le racisme, de l'équité et de l'inclusion

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Transcription : Série sur le leadership : Le leadership incarné en faveur de la lutte contre le racisme, de l'équité et de l'inclusion

[Le logo de l'École de la fonction publique du Canada (EFPC) apparaît à l'écran à côté d'un texte indiquant « Webdiffusion ».]

[L'écran s'estompe et Kelly Folz apparaît dans l'appel vidéo.]

Kelly Folz :Bonjour et bienvenue à l'événement d'aujourd'hui qui fait partie de la Série sur le leadership : Le leadership incarné en faveur de la lutte contre le racisme, de l'équité et de l'inclusion.

Kelly Folz: Mon nom est Kelly Folz et je suis la directrice générale de la ligne d'affaires Milieu de travail respectueux et inclusif à l'École de la fonction publique du Canada. Je serais votre maître de cérémonie cet après-midi. Au nom de l'École, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les participants à cet évènement.

Avant de commencer, j'aimerais reconnaître que le territoire sur lequel je me retrouve est un territoire non cédé, le territoire traditionnel des Algonquins et des Anishinaabes. Je vous encourage à prendre un moment pour réfléchir au territoire autochtone traditionnel où vous résidez.

J'aimerais aussi vous faire part de quelques points d'ordre administratif qui contribueront à votre expérience au cours de la séance. Nous répondrons aujourd'hui aux questions par le biais de l'interface de webdiffusion. Pour poser une question, veuillez cliquer sur le bouton « Participer » dans le coin supérieur droit de votre écran, puis entrez votre question ainsi que votre courriel. Nous n'aurons peut-être pas le temps de répondre à toutes vos questions, mais nous répondrons au plus grand nombre de questions possible. Je vous rappelle aussi qu'un service d'interprétation simultanée est offert pour cette discussion, accessible par l'entremise des numéros de téléconférence et de la plateforme de webdiffusion. Vous pouvez également accéder aux services de Descartes et à l'interprétation simultanée en temps réel, par le biais de la plateforme de webdiffusion. Pour avoir accès à ces fonctionnalités, consultez les instructions envoyées par l'École dans le courriel de rappel.

Et maintenant, commençons la séance.

[Rachel Zellars, Ph. D., apparaît dans l'appel vidéo.]

C'est un grand plaisir pour moi d'être ici avec vous aujourd'hui et de vous présenter notre invitée, Rachel Zellars, qui s'est jointe à l'École en septembre en tant que première chercheuse invitée dans le cadre de l'Initiative de chercheurs invités Jocelyne Bourgon. Cette initiative vise à reconnaître l'expertise des milieux universitaires, à promouvoir les idées novatrices et à obtenir une perspective externe sur des questions prioritaires pour le gouvernement du Canada.

Au cours de son séjour parmi nous, Rachel a rencontré la greffière, des sous-ministres et des hauts dirigeants de l'ensemble du gouvernement et a pu prendre directement connaissance de certains travaux en cours, mais aussi des défis auxquels nous sommes confrontés quand vient le temps d'apporter de réels changements dans nos milieux de travail. En dehors de son mandat à l'École, Rachel est avocate, chercheuse principale et professeure adjointe à l'Université Saint Mary's. Ses travaux de recherche et sa bourse d'études ont porté principalement sur l'histoire du Canada noir à partir de la Révolution américaine. Elle s'est aussi intéressée à l'esclavage dans les Maritimes, à la vie des femmes esclaves, à la violence de genre et à la justice transformatrice. Rachel est aussi une experte reconnue à l'échelle nationale des préjugés implicites déterminants. Je suis extrêmement reconnaissante que Rachel ait accepté de partager son expertise avec nous aujourd'hui pour inspirer les leaders de la fonction publique à adopter des pratiques de leadership qui favoriseront la diversité raciale, l'équité et l'inclusion.

À vous la parole, Rachel.

Rachel Zellars :Je suis très heureuse d'être ici avec vous. Et il va sans dire que je travaille de près avec Kelly, ainsi qu'avec Aiesha, Charlene et Nathalie de l'École de la fonction publique du Canada. Mes travaux ne seraient pas les mêmes sans cette équipe de femmes. Ainsi, j'ai passé les derniers mois à ce poste à poser des questions à un grand nombre de personnes, dont plusieurs ne savent pas exactement ce que signifie précisément le leadership pour eux. J'ai posé une question en particulier à beaucoup de gens, et c'est celle-ci. Où avez-vous été témoin d'un excellent leadership au cours de votre carrière?

[Une diapositive apparaît avec le texte : "Where have you seen excellent leadership displayed during your career?" « Où avez-vous vu été témoin d'un excellent leadership au cours de votre carrière? »]

Voici quatre points que les dirigeants n'ont cessé de mentionner avec moi.

[Une diapositive apparaît avec le texte : "4 Key Takeaways - 4 éléments essentiels à retenir.]

[Une diapositive apparaît avec le texte : 1 - Leadership entails living by basic, core principles - Le leadership implique de vivre selon des principes fondamentaux et essentiels.]

Premièrement, le leadership suppose de vivre en accord avec des principes fondamentaux et essentiels. Et ces principes fondamentaux qui guident les dirigeants, dont j'ai parlé, servent de pont entre la maison et le travail, entre la vie professionnelle et la carrière.

Ils constituent un point d'ancrage pour se protéger de l'intérêt personnel et des stratégies de chacun, comme me l'a expliqué un dirigeant lors de notre entretien. Selon lui, pour agir comme leader dans la fonction publique, il faut s'être complètement affranchi de l'intérêt personnel. Voilà un des éléments.

[Une diapositive apparaît avec le texte : 2 - Leadership entails living by authentic values that are modeled - Le leadership implique de vivre selon des valeurs authentiques qui sont modélisées.]

Un autre point qui revient constamment est que l'exercice du leadership suppose de vivre en fonction de valeurs authentiques que l'on incarne, et que l'on démontre ensuite dans nos comportements avec les employés, les équipes, les groupes de personnes que l'on dirige ou pour lesquels on œuvre dans la fonction publique.

[Une diapositive apparaît avec le texte : 3 - Leadership entails doing what is right in the moment - Le leadership implique de faire ce qui est juste dans le moment présent.]

Le leadership, enfin, consiste à faire ce qui est juste dans le moment présent, même si cela n'est pas populaire ou si cela est susceptible de ne pas être bien reçu ou accepté par son supérieur.

[Une diapositive apparaît avec le texte : 4 - Leadership is a commitment to leading with curiosity - Le leadership est un engagement à diriger avec curiosité.]

Et quatrièmement, le leadership signifie de s'engager à diriger en faisant preuve de curiosité, en particulier dans les situations de conflit ou de profonde différence de personnalité.

L'une des personnes à qui j'ai parlé m'a dit ceci : dans les moments de conflit, j'essaie vraiment, vraiment, de me mettre à la place de l'autre personne et je prends un moment pour me demander à voix haute « qu'est-ce que cette personne pense, et pourquoi pense-t-elle de cette façon? ». Un autre cadre m'a dit quelque chose d'aussi beau au sujet de son sous-ministre, maintenant à la retraite, à savoir que la qualité qu'il appréciait le plus chez cette personne était sa capacité à aborder chaque nouvelle conversation comme si c'était la première, même dans les moments de conflit, comme si le conflit n'était pas présent à ce moment. Toutes ces magnifiques qualités ont une chose en commun : ce sont des traits de ce que l'on appelle le leadership incarné.

[Une diapositive apparaît avec le texte : Embodied leadership - Le leadership incarné.]

Le leadership incarné.

Le leadership incarné est un modèle de leadership de plus en plus reconnu. Mais le modèle auquel je me réfère aujourd'hui provient d'une organisation qui a pour nom Generative Somatics.

[Une diapositive apparaît avec le logo de Generative Somatics et le texte suivant : Embodied leadership model - Modèle de leadership incarné - Developed in early 2000s - Created for community organizers - Attuned to conflict - Co-founder, Staci K. Haines - Développé au début des années 2000 - Créé pour les acteurs communautaires - Adapté aux conflits - Cofondatrice, Staci K. Haines.]

Generative Somatics est un organisme créé au début des années 2000 par des leaders et des organisateurs communautaires d'expérience qui ont dû faire face à des défis d'envergure dans leur travail, mais qui partageaient un désir profond de poursuivre leur travail malgré les difficultés.

La fondatrice, l'un des exemples auxquels je pense souvent, est une femme du nom de Staci K. Haines. Elle a été organisatrice communautaire pendant plusieurs décennies sur la côte ouest et a travaillé à la protection des enfants contre les abus sexuels avant de fonder l'organisme. Le conflit était un élément central dans son travail. Elle devait continuellement se demander s'il fallait ou non laisser un enfant victime d'abus dans un foyer ou l'en retirer, même s'il risquait d'être placé dans un foyer d'accueil tout aussi violent, d'un autre type de violence, mais tout aussi violent.

[Une diapositive apparaît avec une image colorée.]

Je considère ce modèle de leadership comme un moyen de façonner un corps qui ne se laisse pas décourager par les conflits et les déceptions. Voici la façon la plus courante ou la plus facile de penser au leadership incarné.

[ Une diapositive apparaît avec le texte : Le leadership incarné, c'est lorsque nos actions et nos paroles reflètent constamment nos valeurs et notre engagement, surtout sous pression.]

Embodied leadership is when our actions and our words consistently reflect our values and commitment, especially under pressure.

[Kelly Folz apparait dans l'appel vidéo.]

Et je sais que cela peut paraître un peu ambitieux, mais la meilleure façon d'envisager le leadership incarné est de l'imaginer comme le rapprochement de nos actions et de nos valeurs au fil du temps, le rapprochement de nos actions et de nos valeurs.

Le leadership incarné se caractérise par trois qualités essentielles. Kelly et moi en parlerons plus en détail après ma brève présentation. Le leadership incarné est un leadership intentionnel, curieux envers les conflits et conscient des traumatismes. Au cours des dernières années, les institutions, y compris la fonction publique, ont pris des engagements en faveur de l'équité et de l'inclusion. De nombreux modèles de leadership ont été mis de l'avant, notamment le leadership de compassion, le leadership inclusif et le leadership courageux. En fait, l'appel à l'action souligne l'importance du leadership inclusif, et je pense que tous ces styles de leadership sont très, très importants, et qu'ils sont tous présents dans le modèle du leadership incarné.

Cependant, dans le contexte de l'appel à l'action et du processus de transformation dans lequel un grand nombre de personnes se sont engagées, j'en suis venue à croire que ces modèles, seuls, sont insuffisants pour corriger les habitudes et systèmes vieux de plusieurs décennies que ces types de leadership visent à renverser. Aussi, cette explication ne répond probablement pas tout à fait à la question. Pourquoi parler de leadership incarné plutôt que des autres modèles de leadership que je viens de mentionner? En fait, l'appel à l'action requiert bien davantage que des connaissances et des outils pour amener des changements dans la fonction publique. L'appel à l'action insiste sur ce point souvent répété, ici en gras sur l'écran, à savoir que l'inaction est inacceptable. L'inaction est inacceptable.

Mais la question est la suivante : comment les dirigeants peuvent-ils agir pour mettre fin à la discrimination, remettre en question leurs préjugés de manière continue et créer un environnement sûr pour l'ensemble des employés? Nos ensembles de données désagrégées, nos processus de dotation ciblés, nos formations sur les préjugés implicites, nos programmes de perfectionnement du leadership des cadres issus de la diversité sont-ils vraiment suffisants pour entraîner le type de changement de culture que la fonction publique se propose de mettre en place? Tous ces changements concrets et essentiels que je viens de nommer sont-ils vraiment suffisants pour modifier le comportement des dirigeants dans la fonction publique?

La deuxième raison pour laquelle il est nécessaire de s'intéresser de plus près au leadership incarné est que tous les modèles de leadership que j'ai cités il y a quelques instants et auxquels je pense sont axés sur l'enseignement ou l'amélioration de la qualité de la sensibilisation des leaders, mais ces modèles ne cherchent pas à cultiver la capacité à réagir différemment ou à se comporter différemment en tant que leader. En somme, ces modèles ne visent pas le changement de comportement, c'est-à-dire la façon de modifier les types de comportements qui ont mené à lancer un appel à l'action.

Selon Pete Hamill, un coach pour les cadres, le leadership incarné est un leadership qui prend naissance à partir du menton vers le bas plutôt que du menton vers le haut... à partir du menton vers le bas, réfléchissez-y un instant. Ces trois qualités que j'ai nommées – être en mesure d'agir dans le feu de l'action, de réagir immédiatement face à des situations très inconfortables, de considérer le conflit comme un élément intéressant et d'avoir une conscience aiguë de l'impact des traumatismes sur notre comportement dans des situations stressantes – exigent bien plus qu'un livre ou un cerveau. Il nous faut avoir un corps qui sait quoi faire dans ces situations. Nous avons besoin d'un corps qui sait comment réagir.

Voici un exemple très concret. Vous parlez avec un collègue proche de la découverte de nouvelles tombes sur le site d'un pensionnat, un collègue avec lequel vous travaillez. Le collègue exprime sa grande tristesse devant cette nouvelle qui vient d'être annoncée, mais il ajoute qu'à un moment ou un autre, nous devrons être prêts à tourner la page sur le passé. Qu'en tant que pays, nous avons fait beaucoup pour que cette terrible histoire soit reconnue. Nous avons une obligation fédérale, nous avons toutes ces initiatives, des excuses du gouvernement fédéral. Votre collègue dit qu'il ne sait pas ce que nous pouvons faire de plus en tant que dirigeants, en tant qu'équipe. Vous vous sentez rougir, vous êtes très mal à l'aise par rapport à cette conversation, mais vous prenez la décision de vous retirer. Vous choisissez d'éviter cette conversation.

Voici ma question : qu'y a-t-il de mal à ne pas agir, à ne pas répondre à ce moment-là? Qu'y a-t-il de mal à cela? Eh bien, bien entendu, il y a d'abord et avant tout les répercussions considérables que ces commentaires ont sur les fonctionnaires noirs et autochtones racisés. C'est certainement un élément de réponse. En effet, s'il y a un aspect qui ressort de mon travail, dans mes notes, mon rapport, mes rapports et mes entrevues avec les employés, c'est l'énorme impact physique et psychologique que des affirmations comme celle que je viens de donner comme exemple ont sur la vie des personnes noires, racisées et autochtones qui font carrière dans la fonction publique. Ces affirmations couramment répétées et l'inaction des collègues et des dirigeants entraînent des traumatismes physiques et psychologiques à long terme pour les employés noirs et autochtones racisés.

Mais pour faire le lien entre ce scénario et l'appel à l'action, il est absolument impossible, en tant que dirigeant, collègue ou gestionnaire, de créer un environnement dans lequel les employés se sentent en confiance et autorisés à s'exprimer si les dirigeants ne savent pas comment aborder de front ce genre de propos lourds de conséquences. Et c'est grâce à la perspective du leadership incarné que nous apprenons à le faire.

Ne pas intervenir dans le scénario que j'ai proposé est un problème. Votre inaction en tant que dirigeant vous empêche de démontrer que même sous pression, vos actes et votre engagement sont profondément en accord avec vos valeurs, ou en voie de se rapprocher d'elles, n'est-ce pas? La pression, dans la mise en situation que j'ai mentionnée, c'est le proverbial éléphant dans la pièce, le sentiment de malaise ou de honte qui se manifeste dans notre corps lorsque l'on aborde le sujet de la race.

En résumé, en tant que dirigeant, vous avez ignoré cet éléphant dans la pièce parce que vous vous sentez mal à l'aise, vous ne savez pas quoi faire.

[Rachel Zellars, Ph. D., sort de l'écran.]

(Rires). Vous vous sentez incertain.

Kelly Folz : (Inaudible) les diapositives à nouveau.

Rachel Zellars :Désolée, je ne sais pas ce qui s'est produit ici. À quel moment avez-vous arrêté de voir mes diapositives? Kelly?

Kelly Folz : Au moment où vous avez commencé à parler du scénario.

Rachel Zellars :Oh, vous auriez dû m'interrompre. Je suis désolée. Oh, mon dieu. Donnez-moi un moment pour les partager à nouveau. Reprenons le fil de la discussion.

[Une diapositive apparaît avec l'image d'un éléphant enseignant aux humains.]

Et maintenant? Pouvez-vous voir mon éléphant?

Kelly Folz : Oui.

Rachel Zellars :D'accord. J'aurais dû le dire dès le début, n'hésitez pas à m'interrompre à tout moment si vous ne voyez pas mes diapositives tout de suite. Merci beaucoup de me prévenir.

Alors, ce que j'aimerais faire, c'est de revenir au scénario que je vous ai présenté il y a quelques instants, et de le transposer dans un scénario où intervient le leadership incarné. Transposons-le dans un scénario de leadership incarné.

[Une diapositive apparaît avec le texte : 3 qualities of embodied leadership. On purpose - Conflict curious - Trauma aware - 3 qualités du leadership incarné - Intentionnel - Curiosité du conflit - Conscience des traumatismes.]

Ainsi, dans cette situation, nous avons ces trois traits du leadership incarné : le caractère intentionnel, la curiosité envers le conflit, la conscience des traumatismes. Le premier, le caractère intentionnel du leadership, concerne en réalité la capacité à savoir ce qu'il faut faire sur le moment, dans l'immédiateté du moment.

[Une diapositive apparaît avec le texte : On purpose. I am present for the conversation. I don't have the time, but will return to it. I am not ready, but will get myself read. Intentionnel. Je suis présent pour la conversation. Je n'ai pas le temps, mais j'y reviendrai . Je ne suis pas prêt(e), mais je vais me préparer]

Le leadership intentionnel signifie être présent et savoir comment réagir, d'une manière claire et délibérée. Dans la situation que j'ai présentée il y a quelques instants, l'option de se défiler ou de trouver une excuse pour se retirer de la conversation ne fait pas du tout appel à une action intentionnelle ou délibérée. Et le malaise n'est pas une excuse.

Cela ne veut pas dire que nous devons avoir les réponses tout de suite, ou connaître le contexte social qui nous permettra d'analyser correctement le problème qui se trouve dans ce scénario. Mais agir de manière intentionnelle signifie que nous n'allons pas fuir la situation parce qu'elle nous met mal à l'aise. Par exemple, cela peut vouloir dire que je suis présente pour cette conversation, que je tiens à avoir cette conversation difficile avec mon collègue. Agir de manière intentionnelle dans le moment présent peut aussi se traduire ainsi : je n'ai pas le temps maintenant, je dois vraiment aller à une réunion, mais cette conversation est importante pour moi, et je vais y revenir.

Et troisièmement, cela peut signifier que même si je ne suis vraiment pas prête pour cette conversation qui me rend très mal à l'aise, que je ne maîtrise pas suffisamment le contexte social, l'histoire, et que je n'ai pas les mots pour décortiquer la situation, je vais tout de même agir en faisant le nécessaire pour me préparer à cette conversation. C'est ce que signifie agir de manière intentionnelle et, surtout, toutes ces réponses sont tout à fait acceptables. Elles sont toutes acceptables.

[Une diapositive apparaît avec le texte : Conflict curious, Conflict is an opportunity, Curiosité du conflit, Le conflit est une opportunité.]

Ce sont toutes des réponses intentionnelles dans le cadre d'un modèle de leadership incarné, car dans chacune de ces réponses, nous cherchons de manière délibérée à ne pas éviter d'aborder la question. Nous respectons les limites qui s'appliquent à notre situation, mais nous accordons la priorité à l'importance et à l'impact de ce qui a été dit sur le lieu de travail.

J'aimerais passer au deuxième point que j'ai mentionné, à savoir que le leadership incarné est un leadership curieux à l'égard des conflits. Voici l'idée qui guide cette affirmation. Tout conflit est générateur de changement. Tout conflit crée une opportunité. Il nous donne l'occasion d'approfondir une relation ou, au contraire, de briser la confiance, de créer une distance dans une relation. Mais la démarche est orientée par cette idée que le conflit crée une opportunité. Il représente une opportunité.

[Une diapositive apparaît avec le texte : Le conflit est l'esprit de la relation qui demande à s'approfondir - Malidoma Somé]

Cette citation de Malidoma Some fait référence à un principe clé du leadership incarné. Le conflit est l'esprit de la relation qui demande à s'approfondir.

[Une diapositive apparaît avec le texte : Trauma aware, Outward Facing, Conscience des traumatismes, Orienté vers l'extérieur "The west has been gazing at us for so long, that we forgot to gaze back.", Inward facing, Conditioned tendencies, Conscience des traumatismes, Orienté vers l'intérieur « L'Occident nous regarde depuis si longtemps que nous avons oublié de lui rendre son regard. » Une diapositive apparaît avec du texte et une peinture représentant un jeune homme. « Le traumatisme est une histoire sans paroles que notre corps se raconte à lui-même sur ce qui est sûr et ce qui est une menace. – Resmaa Menakem » Une image illustrant le principe de la lutte ou de la fuite s'affiche]

Le troisième pilier du leadership incarné fait référence au fait d'être conscient des traumatismes. Il y a vraiment deux volets à garder à l'esprit, en tant que collègue, en tant que dirigeant.

Le premier est que le leadership incarné a une dimension orientée vers l'extérieur et une dimension orientée vers l'intérieur. Mais d'abord et avant tout, je veux prendre un moment pour expliquer ce que j'entends par traumatisme. C'est très important. Le traumatisme n'est pas un événement négatif qui s'est produit dans le passé et qui a depuis disparu, n'est-ce pas? Ce n'est pas quelque chose qui s'est produit dans le passé.

L'un des enseignements que nous pouvons tirer de psychiatres comme Bessel van der Kolk, c'est que le traumatisme corporel est un phénomène qui se produit dans le corps. Ce n'est pas quelque chose qui s'est produit dans le cerveau pensant. C'est quelque chose qui se produit dans le corps et qui y reste longtemps après que l'événement se termine, et ce point est tout à fait crucial. Le traumatisme est une réponse de protection du corps face à un événement ou une série d'événements que l'on perçoit comme inquiétants ou dangereux. Nous en parlerons plus en détail dans quelques instants. Un thérapeute, Resmaa Menakem, l'un de mes professeurs, dit ceci : « Le traumatisme est une histoire sans paroles que notre corps se raconte à lui-même sur ce qui est sûr et ce qui est une menace ».

Ainsi, les traumatismes ont, comme je l'ai mentionné, une dimension orientée vers l'extérieur. Vers l'extérieur. Par conséquent, à titre de leader, de collègue, de gestionnaire, agir comme un être humain conscient des traumatismes, c'est saisir l'impact dévastateur des silences et des effacements du passé qui ont influencé la vie des collègues noirs, racisés et autochtones dans cette partie du monde.

La deuxième dimension que je vais aborder est celle qui est orientée vers l'intérieur, qui est probablement familière pour plusieurs. Vous avez sans doute déjà entendu ces termes, n'est-ce pas : fight, flight et freeze, en anglais, que l'on peut traduire par lutter, fuir et être incapable de réagir. La réaction de lutte ou de fuite est une réaction physiologique automatique à un événement perçu comme stressant. C'est une réaction que tous les êtres humains ont en commun. C'est une caractéristique profondément ancrée chez l'être humain que chacun d'entre nous porte en soi au moment d'étudier ou de pratiquer le leadership incarné. Cette tendance, la lutte ou la fuite, est appelée « tendance conditionnée ». Les termes sont pratiquement interchangeables.

Ainsi, dans la mise en situation avec votre collègue que j'ai proposée il y a quelques instants, la tendance conditionnée d'une personne ayant à réagir au stress de devoir parler de race ou de racisme, est de se retirer de la conversation, « je dois aller à une réunion ». Cette personne, mal à l'aise, cherche à éviter la conversation. C'est ce qu'on appelle une tendance conditionnée. Ainsi, une personne qui cherche un prétexte pour éviter une conversation inconfortable sur la race témoigne très bien de cette tendance à la fuite dans le contexte des conversations sur la race ou le racisme.

[Une diapositive apparaît avec le texte : What is a conditioned tendency? , "Our automatic response under pressure or stress", Qu'est-ce qu'une tendance conditionnée? , « Notre réponse automatique sous la pression ou le stress »]

L'une des choses que je trouve magnifique et que j'aimerais que nous gardions à l'esprit, c'est que les tendances conditionnées sont fondamentalement des adaptations visant à assurer la sécurité, l'appartenance et la dignité.

[Une diapositive apparaît avec le texte : Tendances conditionnées, Adaptations for safety, belonging, and dignity, Decrease our choice to respond differently, Belonging, Safety, Adaptations pour la sécurité, l'appartenance et la dignité, Diminuer notre liberté à répondre différemment, Sentiment d'appartenance Sécurité]

Les tendances conditionnées sont essentiellement des adaptations visant à assurer la sécurité, l'appartenance et la dignité.

Ainsi, dans le scénario précédent, la personne qui évite de s'exprimer le fait parce qu'elle ne veut pas être rejetée par le groupe de personnes qui l'entoure. Elle ne veut pas être rejetée par la personne présente dans la pièce ou par les autres personnes qui pourraient entendre la conversation, n'est-ce pas? Le sentiment d'appartenance est donc un motif pour se retirer de cette conversation inconfortable, ou peut-être que la personne a une aversion pour les conflits. Nous en reparlerons plus tard, peut-être qu'elle ne veut tout simplement pas se sentir mal à l'aise ou en danger en cas de désaccord avec un collègue proche.

Mais voici ce qui importe vraiment : les tendances conditionnées limitent nécessairement notre capacité à agir de la façon la plus appropriée. Les tendances conditionnées diminuent nécessairement notre capacité à mieux agir, à répondre différemment lorsque nous réagissons de manière automatique plutôt que de répondre d'une manière qui traduit et respecte nos engagements et nos systèmes de valeurs. Ainsi, le modèle de leadership incarné apprend aux dirigeants à reconnaître et à modifier leurs tendances conditionnées, ce qui suppose d'envisager de nouvelles options quant à notre manière de réagir dans des situations hautement stressantes ou inconfortables. Bien entendu, reconnaître et apprendre à connaître nos tendances conditionnées dans le cadre d'un modèle de leadership incarné signifie que nous devons approfondir nos relations et notre capacité à établir des relations authentiques avec nos collègues.

Il s'agit donc du troisième trait du leadership incarné et des modèles de leadership incarné, qui reposent sur un leadership intentionnel, curieux envers les conflits et conscient des traumatismes. Il est important de souligner, et je vais terminer ici avant de poursuivre avec une conversation plus large, que je vous ai donné beaucoup d'informations. J'espère que vous avez des questions pour nous. Une grande partie de ces informations vous semblent probablement un peu abstraites. Elles sont probablement totalement nouvelles pour vous, et peut-être vous rendent-elles même mal à l'aise. Cependant, ces trois traits ne s'acquièrent pas du jour au lendemain, ni en quelques semaines ou dans un atelier sur la diversité à deux, trois ou plusieurs niveaux, mais plutôt par un engagement à long terme pour incarner ce type de leadership. Avec ce modèle, nous cherchons à progresser par rapport à nos comportements actuels et à être mieux outillés pour construire autrement nos relations interpersonnelles.

Je vais faire une pause maintenant. Désolée pour les quelques imprécisions, mais j'ai hâte de pouvoir échanger avec Kelly. Donc, merci.

Kelly Folz : Merci beaucoup, Rachel, pour cette présentation qui suscite la réflexion.

Nous sommes maintenant rendus à la discussion, qui sera suivie d'une période de questions. Alors, nous aurons une période de questions et réponses et s'il vous plaît, rappelez-vous que vous pouvez entrer vos questions sur la plateforme de webdiffusion pour que nous puissions y répondre un peu plus tard dans la séance.

Rachel, j'aime cette notion de curiosité à l'égard des conflits et je me demande si nous pourrions parler un peu plus de ce que cela signifie, et de ce que nous pouvons faire pour cultiver en nous ce leadership incarné.

Rachel Zellars :C'est une très belle question. Nous en avons parlé un peu et j'ai essayé de le présenter comme un processus par étapes, auquel les gens pourront revenir encore et encore, je l'espère.

Donc, la première chose, et probablement la plus importante, est de parvenir à prendre conscience de ces situations dans le moment présent. Je vois cela comme le fait de bâtir un corps qui sait quoi faire le moment venu, donc simplement de prêter attention à ce qui se passe. Cette façon de le présenter aura probablement l'air de s'adresser à des enfants de maternelle, car je pense que les enfants de maternelle comprennent bien cela. Mais dans le modèle de leadership incarné de Generative Somatics, le groupe qui m'a formée au fil des ans, nous appelons simplement cela « observer », vous savez? Il s'agit d'observer ce qui se produit dans notre corps, et nous constaterons peut-être que le conflit n'est pas le point de départ, pour diverses raisons. Nous pourrons peut-être en parler dans quelques instants.

Par exemple, j'ai un ami très, très proche qui a grandi dans une famille d'alcooliques, avec deux parents qui sont toujours ensemble à ce jour. Au fil de notre longue amitié, j'ai dû comprendre les raisons pour lesquelles cette personne évite les conflits dans notre relation et apprendre à faire preuve de compassion pour engager des conversations difficiles. Ainsi, le conflit n'est peut-être pas le point de départ, mais vous pouvez observer dans votre corps votre tendance conditionnée, cette réaction de lutte ou de fuite qui peut se produire de mille et une façons différentes.

Alors, que se passe-t-il quand vous êtes épuisé à la fin de votre journée de travail? Les réponses sont très personnelles. Que se passe-t-il lorsque vous êtes extrêmement fatigué à la fin de votre journée de travail et que vos enfants, petits ou grands, peu importe, entrent dans la pièce en courant, qu'ils sont de mauvaise humeur et qu'ils ont faim? Que faites-vous en tant que parent à ce moment-là? Est-ce que votre réaction sera de prendre un gin-tonic, comme je le fais parfois? Est-ce que vous vous réfugiez dans le travail? Est-ce que vous dites quelque chose comme « Salut, comment ça va, les collations sont dans la cuisine », et évitez les interactions? Comment agissez-vous dans ces moments-là où vous n'êtes pas au meilleur de votre forme, et où ils ne sont pas au meilleur de leur forme? C'est cela que l'on entend par observer, observer ce que l'on fait de bien. Et l'intérêt d'observer comment nous réagissons dans ces moments-là, c'est que nous pouvons faire des choix différents.

Que faites-vous quand vous vous réveillez? C'est tellement personnel. Que se passe-t-il quand vous vous réveillez et que vous avez énormément de travail à accomplir? C'est une journée exceptionnellement chargée. Vous avez un projet à terminer, une échéance stricte, trois présentations, peu importe, et au lieu de vous lever et de faire votre routine habituelle, vous vous préparez un bol de gruau avec des graines de lin. Vous allez faire une longue promenade. Au lieu de faire toutes ces choses que vous devez faire, vous les évitez, car vous vous sentez pressé par le temps, n'est-ce pas? Observez ce que fait votre corps lorsque vous êtes sous pression et stressés parce que vous avez une échéance stricte, une journée très chargée. C'est un autre exemple de situation à observer.

La clé est de comprendre comment réagit votre corps dans différentes situations stressantes. Les situations à observer n'ont pas nécessairement à être des situations de conflit, bien que parfois, lorsque mes enfants arrivent dans la maison, le conflit n'est jamais bien loin... mais je m'écarte du sujet. C'est donc le premier élément, observer. Je vous ai donné quelques exemples.

La deuxième chose que nous pouvons faire est d'en apprendre plus sur la cause du conflit. C'est un élément tellement important. C'est extrêmement important, mais cela m'a pris 45 ans pour y arriver. J'ai presque 50 ans, n'est-ce pas, et cela m'a pris 45 ans pour comprendre comment y arriver. La plupart d'entre nous, en fait, grandissent avec des modèles très malsains de conflit, avec par exemple, dans mon cas et dans d'autres, une certaine proximité de la violence comme réponse acceptable dans les moments de conflit profond. La plupart d'entre nous grandissent également au contact de réactions très punitives face aux conflits et à la violence. Ainsi, nous avons développé des réactions évidentes de lutte, de fuite ou d'incapacité à agir lorsque nous sentons qu'un conflit est sur le point d'éclater ou lorsque nous nous trouvons dans le feu de l'action, lorsqu'un conflit survient sans que nous puissions faire quoi que ce soit. La plupart d'entre nous, en tant qu'êtres humains, doivent donc prendre le temps de comprendre comment les conflits peuvent être abordés, compris ou ressentis différemment, car nous n'avons pas grandi avec des modèles de conflits qui étaient générateurs ou qui suscitaient chez nous de la curiosité, à moins d'avoir, disons, des parents super hippies et progressistes. Kelly, je pense que vous avez eu des parents hippies, vous pourrez nous en parler. J'aimerais savoir ce que vous avez à dire.

Ensuite, le deuxième point après l'observation, c'est de réfléchir aux façons dont les conflits nous ont été enseignés de manière erronée et d'être plus à l'écoute de nos réactions en situation de conflit. Et puis, le troisième point que je mentionnerai est la pratique. Il est essentiel de pratiquer.

Alors, pour en revenir à la question que j'ai posée il y a quelques instants, que faites-vous à la fin d'une dure journée de travail, lorsque vous êtes fatigué et que votre enfant ou votre partenaire arrive à la maison de mauvaise humeur? Aurez-vous tendance à éviter votre enfant ou votre partenaire? Aurez-vous tendance à vous servir un gin-tonic, ou autre chose? Pour pratiquer, il faut que j'aie observé et compris la manière dont je réagis au quotidien, et que cela implique que je peux faire un choix différent, n'est-ce pas? Je peux faire un choix différent. Je peux dire, allons faire une promenade. Allons acheter une crème glacée. Marchons jusqu'au – je pense à Montréal, marchons jusqu'au dépanneur pour acheter une crème glacée, activons-nous. Nous avons une multitude de choix, mais nous ne pouvons pas vraiment les exercer tant que nous n'avons pas pris conscience de nos tendances.

Et j'ajouterai une dernière chose à propos de cette question. J'ai déjà la chair de poule. J'aimerais que nous soyons tous rassemblés dans un salon. Il y a un élément dans cette partie, dans cette question autour du leadership incarné, qui a totalement changé ma vie et c'est probablement parce que j'ai grandi dans un foyer où il y avait beaucoup de honte pour des raisons qui dépassent le cadre de cette conversation. Ce qui a changé ma vie, c'est cette idée, absolument centrale dans le leadership incarné, que même nos comportements inadaptés sont des moyens que nous utilisions dans le passé pour nous protéger.

Et c'est très profond pour moi, parce que si l'on prend le temps de s'arrêter un instant, oui, peut-être que je prends un gin-tonic. C'est peut-être une chose que je veux garder pour moi, peut-être que je bois souvent deux gin-tonics le soir. Mais c'est une habitude que j'ai prise parce que le fait de prendre ce verre m'empêche de crier après mes enfants, non? Je sais qu'il y a de meilleures options, mais je n'y arrive pas encore. Cette idée que ce comportement inadapté a été un moyen pour moi de me protéger dans le passé afin de ne pas crier, de ne pas paniquer, est un cadeau. Cette idée nous donne l'occasion de nous débarrasser de la honte liée à certains des comportements que nous avons tous, afin de pouvoir les reconnaître et de faire de meilleurs choix.

J'espère que c'est... Est-ce clair? J'ai essayé d'expliquer cela très clairement, car je trouvais que c'était une idée un peu saugrenue la première fois que je l'ai entendue.

Kelly Folz :Oui, c'est très clair. Je pense qu'il s'agit simplement d'un changement de perspective, parce qu'on nous apprend si souvent à éviter les conflits, à les gérer, à ne pas s'en approcher. Et en réalité, c'est là où il y a un conflit que le changement se produit. C'est à ce moment que nous amorçons une discussion et que nous en arrivons au point que nous devons aborder ensemble. Je pense que c'est la principale différence de cette approche que j'ai trouvée si transformatrice, parce que je suis à même d'y penser et de la formuler différemment.

Et je pense que c'est valable justement dans l'exemple des enfants qui rentrent à la maison. Souvent, j'ai envie de réagir, mais je dois attendre un moment et penser à ce dont ils ont besoin à ce moment-là. Parfois, ils souhaitent que je leur propose une solution, car ils sont en conflit, et parfois, ils veulent simplement être entendus ou me montrer quelque chose. Et je pense que ce moment de pause est nécessaire pour prendre conscience de ce dont l'autre personne a besoin, et je pense que cette notion associée à la parentalité peut aussi résonner dans certaines situations en milieu de travail.

Oui, et au sujet de mes parents hippies, ma mère était la deuxième plus âgée d'une famille de huit enfants, dans laquelle il n'y avait pas beaucoup d'occasions d'avoir des discussions sur la façon de changer les choses. Cela a été une chance, car nous avons appris très jeunes que si nous avions un argument à faire valoir, nous pouvions le présenter et nous serions entendus. Notre idée ne serait pas toujours retenue, mais nous pouvions l'exposer. J'ai donc eu beaucoup de chance de grandir dans cet environnement.

Dans votre présentation également, Rachel, vous avez cité l'appel à l'action, cette déclaration selon laquelle un dirigeant est une personne qui contribue activement à mettre fin à toute forme de discrimination et d'oppression, en s'interrogeant consciemment et constamment sur ses propres préjugés et en créant un milieu où les employés se sentent habilités et ne craignent pas de prendre la parole s'ils sont témoins d'obstacles. Ainsi, que se passe-t-il si l'on ne se trouve pas dans un espace sûr, comment y pratiquer le leadership incarné dans un environnement de travail et par où commencer?

Rachel Zellars :Oui, c'est une question qui m'a fait réfléchir, oh, ce n'est pas évident. Et je suis revenue à l'appel à l'action, car le mandat y est défini, n'est-ce pas? Les mots, les attentes sont là. Il s'agit d'un appel, un appel très clair lancé à tous les fonctionnaires, pas seulement aux dirigeants.

Les dirigeants ont donc une responsabilité, c'est indéniable, mais la réponse la plus instinctive qui m'est venue en me préparant pour notre séance est tout simplement d'écouter les employés noirs, autochtones et racisés. Il n'y a pas de réponses plus convaincantes que celles que j'ai reçues au fil des ans en écoutant les employés noirs et racisés, notamment, lorsque je leur ai demandé ce qu'il faudrait faire pour améliorer leur expérience au sein de leur milieu de travail et pour qu'ils puissent y donner le meilleur d'eux-mêmes. Les réponses sont claires, nettes, souvent élaborées à partir de mises en situation, et il incombe aux gestionnaires, aux dirigeants, aux collègues de se pencher sur le sujet, de recueillir des réponses et de réagir en conséquence.

En fait, aucune piste ne pourra être plus claire et nette que lorsque l'on pose cette question à des employés racisés, noirs et autochtones, et que l'on note leurs réponses. Alors, écoutez-les, suivez leurs indications. Je crois que cela fait aussi partie du travail d'un bon leader. Que nous nous considérions comme des leaders incarnés ou non, c'est le travail d'un bon leader de répondre aux micro-agressions, le type de situation le plus courant que j'ai entendu de la part des employés de tous les groupes marginalisés. C'est le rôle d'un bon leader que de savoir répondre à ces micro-agressions, de promouvoir un environnement d'apprentissage à long terme favorable au changement et de créer des mécanismes de reddition de comptes qui prévoient des conséquences lorsque les comportements ne changent pas.

Et l'une des questions que je vous pose en tant que dirigeant est la suivante : à quoi ces mécanismes pourraient-ils ressembler? Si vous prenez les mesures nécessaires en tant que leader pour intervenir, dans notre mise en situation, dans ce scénario que j'ai proposé et que nous allons passer en revue, où un collègue se demande pourquoi nous ne pouvons pas simplement tourner la page. Supposons que vous savez comment intervenir, que vous avez montré l'exemple au sein de votre équipe grâce aux attentes et aux activités d'apprentissage continu ayant été définies. Mais ensuite, que se passe-t-il lorsque les gens ne changent pas? En tant que dirigeants, quels types d'obligations en matière de reddition de comptes souhaitez-vous intégrer dans votre équipe et vos pratiques d'évaluation, dans vos ententes de gestion du rendement? Que feriez-vous? J'aimerais entendre votre avis à ce sujet.

Voilà donc quelques-unes de mes réflexions à ce sujet. Il est important de souligner, comme je l'ai déjà dit, que le leadership incarné n'est pas réservé aux dirigeants, mais qu'il s'adresse à tout le monde et qu'il s'agit d'un processus graduel. Je parle souvent des préjugés implicites comme d'une tâche que nous avons à faire, comme sortir les poubelles pour éviter que notre maison ne sente mauvais, il faut sortir les poubelles régulièrement. Le développement du leadership incarné est un travail de longue haleine.

J'aimerais vous reposer la question. Quelles formes prend la reddition de comptes pour vous en tant que leaders? Quelles sont vos réflexions à ce sujet?

Kelly Folz :Je pense que la notion de responsabilisation est différente pour chaque personne. Pour ma part, je dirais qu'il faut commencer par reconnaître que je fais des erreurs, et les assumer. Donc, si je n'ai pas parlé alors que j'aurais dû le faire, je dois reconnaître la responsabilité que j'ai eue à ce moment-là. Ou si une personne a employé un certain mot et que nous avons appris qu'il était préjudiciable, dans un contexte spécifique, il s'agit de revenir en arrière, d'apprendre à ce sujet et de s'assurer que tout le monde a compris pourquoi, au lieu de simplement blâmer la personne qui a fait l'erreur. Et si c'est moi qui ai fait l'erreur, je dois comprendre pourquoi les mots que j'ai employés constituent une micro-agression et en quoi ils peuvent être nocifs, afin de pouvoir sensibiliser l'ensemble de l'équipe à ce sujet.

Je crois qu'un autre aspect de la responsabilisation, que ce soit en tant que gestionnaire ou en tant que responsable d'un groupe de travail, consiste à donner le ton dès le départ, à expliquer comment nous entendons travailler les uns avec les autres et comment nous assurerons notre responsabilité mutuelle, et cela fait partie de la création d'un espace sûr. Il s'agit en fait de veiller à fixer des objectifs clairs dès le début, afin de pouvoir nous tenir mutuellement responsables.

Rachel Zellars :J'aime cela. J'aime beaucoup cette réponse.

Kelly Folz :Oui, et je pense qu'il faut aussi reconnaître que, comme vous l'avez dit, c'est un processus graduel, où l'on commence par apprendre à ressentir, par savoir ce que l'on ressent et à relier ces éléments à notre travail, et je crois que vous avez aussi posé une question sur le rendement. Je pense qu'il est très important que chacun perçoive son rôle dans la création d'un milieu de travail respectueux et inclusif, et que tous les dirigeants, tous les fonctionnaires aient l'occasion de rendre des comptes dans le cadre de ces ententes pour indiquer quelles actions et mesures ils prendront pour faire avancer les choses. Il peut s'agir de mentorat, de participer à différents forums ou groupes ou d'autres actions, pour véritablement reconnaître leur engagement envers les principes que nous défendons collectivement par le biais de l'appel à l'action.

Rachel Zellars : Très belle réponse. Parfait, oui, c'est une très belle réponse.

Kelly Folz :Comment pensez-vous que nous pouvons apprendre aux fonctionnaires à avoir de telles conversations alors que beaucoup d'entre eux ont l'impression, comme je l'ai mentionné, de dire la mauvaise chose ou de se sentir mal à l'aise lors de ces discussions? Comment pouvons-nous enseigner aux fonctionnaires à faire avancer les choses?

Rachel Zellars : Oui, c'est une excellente question. J'ai mentionné il y a un moment que c'est le travail des dirigeants de savoir comment intervenir lorsque des micro-agressions ont lieu ou lorsqu'elles leur sont rapportées. Nous avons la responsabilité de les aborder de front, mais nous avons aussi la responsabilité fondamentale de pardonner aux gens, et d'étendre cette responsabilité au niveau horizontal. Ce que je veux dire par là, c'est que j'ai été dans tellement de situations où quelqu'un a dit ce qu'il ne fallait pas. Oh mon Dieu, cela m'est arrivé tellement souvent en tant que professeure. Un étudiant dit quelque chose d'inapproprié et les autres étudiants se précipitent pour, je suppose, « bannir » cet autre étudiant en l'informant que ce qu'il vient de dire est très transphobe. Mon rôle dans ces situations est toujours d'intervenir. Parfois, ce sera par un témoignage personnel.

Je me trompe toujours dans mes pronoms et je travaille très fort pour parvenir à passer de la perspective queer des années 1990 à ce que vous êtes en train de façonner pour nous, les anciens, vous savez. Ainsi, il faut s'assurer d'être capables de pardonner aux gens qui font des erreurs, mais aussi de créer des attentes dans nos équipes et dans les espaces où nous avons une influence, pouvons-nous nous accorder un certain droit à l'erreur? Je pense, comme vous l'avez si bien dit il y a quelques instants, qu'il faut établir des attentes, donner le ton, mais aussi donner le ton en sachant que des erreurs seront commises.

Nous pourrons en parler un peu plus, mais à propos de ce malaise, je n'utilise pas beaucoup le terme de « privilège blanc ». Vous et moi en avons parlé, du côté de ma mère, ma famille a des racines blanches, d'ascendance allemande, et cette partie de ma famille était pauvre et faisait partie de la classe ouvrière, avec des racines profondes au sein de la classe ouvrière. Je suis la seule enfant à exercer un emploi de niveau professionnel, et j'ai été la première de ma famille à aller à l'université. J'hésite donc beaucoup à utiliser le terme de « privilège blanc », mais la capacité d'invoquer le malaise comme une raison d'invalider ou de mettre fin à une conversation est un privilège lié au fait d'être blanc. Car à l'inverse, je pense aux centaines et aux centaines de témoignages d'employés racisés et noirs qui m'ont dit à quel point ils se sont sentis mal à l'aise lorsqu'ils ont été la cible de commentaires ou de micro-agressions et comment le fait de parler a été accueilli par une myriade de réactions qui n'ont pas atténué le malaise, l'insécurité et le traumatisme qu'ils ont vécus à cette occasion.

Ainsi, c'est vraiment un privilège qui est lié au fait d'être blanc, le fait de pouvoir dire « je suis mal à l'aise ». L'une des choses que mes professeurs et le leadership incarné m'ont apprises, c'est que si l'on n'est pas profondément mal à l'aise et que l'on n'a pas envie de s'en aller très loin quand on travaille sur les questions au cœur des enjeux liés à la diversité, alors c'est qu'on ne fait pas les choses comme il faut. C'est vrai, il n'y a rien de plus inconfortable que de devoir faire face à l'histoire que nous, et nos ancêtres, avons façonnée. Il n'y a rien de plus inconfortable que d'être confrontés à nos propres préjugés. Nous en avons tellement parlé, toutes les deux. J'ai mes propres préjugés. Je travaille là-dessus. Je voudrais donc que nous soyons en mesure de dire, en tant que dirigeants et collègues, (inaudible) travail, quel que soit le nom que nous lui donnons. J'utilise des termes légers. La lutte contre le racisme est inconfortable, et vous avez donc tout intérêt à préparer votre corps pour cela. Il s'agit d'une démarche inconfortable. Alors, je dirais que c'est le premier élément.

Nous en avons parlé en nous préparant pour la séance, j'ai attiré l'attention sur ce terme, l'« impartialité politique », parce que j'ai constaté, en tant que membre externe de votre organisation, que les fonctionnaires ont réellement à cœur cet engagement d'impartialité, et je suis très préoccupée par la façon dont ce terme est instrumentalisé en ce moment. Tout d'abord, l'engagement envers l'impartialité politique découle d'une longue tradition historique de favoritisme, n'est-ce pas? Par exemple, des politiciens qui embauchent leurs amis et les propulsent à des postes de direction sans égard au mérite, sans que ces personnes soient qualifiées pour ces postes. Alors sur le plan historique, je comprends la raison d'être de cette posture, mais j'ai quelques réserves.

Le privé est politique pour beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens – j'oserais même dire pour tous les groupes marginalisés, probablement. Le privé et le politique ne sont pas des dimensions que l'on peut séparer. Pensons à des thèmes comme l'avortement ou le harcèlement sexuel. Ces sujets sont associés à des politiques, mais ils ne sont associés qu'à un certain type d'expériences, de corps et de personnes bien spécifiques, quand on pense à ces questions que j'ai nommées, l'avortement, le harcèlement sexuel. Grâce au prisme de l'intersectionnalité, nous savons que ces questions ont un impact disproportionné sur les employés racisés et autochtones par rapport aux employés blancs. Quoi qu'il en soit, le privé est politique, mais le contexte actuel diffère de celui que ma génération, celle de mes parents et de mes grands-parents avons connu. Nous vivons un moment d'extrême polarisation politique où des questions qui concernent fondamentalement la liberté individuelle, comme l'avortement, sont devenues des messages dilogiques, autrement dit, des messages codés liés à l'affiliation à un parti politique, n'est-ce pas?

Prenons l'exemple de la théorie critique de la race, qui a fait son chemin jusqu'à ce côté-ci de la frontière. J'ai ri lorsque la théorie critique de la race est devenue un message codé pour parler du libéralisme aux États-Unis et que j'ai commencé à en entendre parler dans les nouvelles l'année dernière. En effet, je suis avocate et je n'ai enseigné la théorie critique de la race qu'à des étudiants de l'université et à des étudiants des cycles supérieurs, quand nous avions à lire de la jurisprudence. Il est difficile de lire de la jurisprudence à moins que vous ayez, vous savez, il y a certainement des enfants de cinq ans brillants dans le monde, mais la théorie critique de la race n'a jamais, jamais été pensée pour les élèves de l'école primaire ou secondaire. Pas du tout. Nos écoles ne sont pas prêtes. Nous ne formons pas les élèves à ce type de réflexion. Bref, je m'éloigne du sujet.

Il est devenu très clair pour moi que la théorie critique de la race servait d'autres fins. Cette théorie est utilisée comme un message codé par les gens de droite et de centre-droite pour désigner et pointer du doigt les libéraux de centre-gauche, comme nous les appelons aux États-Unis, ayant une affiliation particulière, et cette terminologie a été instrumentalisée d'une manière tout à fait injuste et mensongère. Je pense que nous devons être très, très prudents avant de dire, oh, c'est politique, nous ne pouvons pas introduire ce type d'élément dans la fonction publique en raison de cet engagement. Beaucoup d'éléments que nous avons qualifiés de politiques sont utilisés en ce moment comme moyens de mettre fin aux conversations. Il s'agit de messages codés, qui sont employés pour se substituer à d'autres termes d'une manière malhonnête et mensongère.

Quand vous et moi avons discuté, nous avons parlé de la façon dont certains fonctionnaires se cachent derrière un rempart politique. Lors de mes entrevues avec des employés noirs et racisés, j'ai observé un sentiment partagé que je remarque aussi quand je participe aux travaux de mon groupe des réseaux d'employés liés à l'EDI, que ce soit à l'interne ou à l'échelle de la fonction publique. Mon gestionnaire, mon supérieur, m'a fait des commentaires désobligeants du genre : « Fais attention, tu mélanges ce travail politique avec tes tâches quotidiennes, assure-toi de faire la distinction ». Entendre les témoignages de ces employés noirs qui doivent travailler en dehors des heures de travail déjà considérables, tard dans la nuit, en plus de leur rôle de parents, de leur bénévolat, etcétéra, etcétéra... Je trouve qu'il s'agit d'une tendance dangereuse et qu'il nous faut être conscients de la façon dont le fait de travailler en faveur de l'EDI est instrumentalisé comme une affiliation politique qui entre en conflit avec la fonction publique.

Nous aurons peut-être l'occasion de parler du convoi des camionneurs un peu plus tard. Mais j'aimerais faire une pause maintenant pour savoir ce que vous en pensez, car nous avons parlé de cette question de manière assez approfondie. Que pensez-vous de ce que je viens de dire?

Kelly Folz :Oui, je pense que toute cette notion de malaise est tellement... Je suis tout à fait d'accord avec le fait que cela vient d'une position de privilège et de pouvoir, non? Pour une personne ayant un poste de direction ou ayant le pouvoir de dire qu'elle n'est pas à l'aise pour aborder cette question, qu'elle n'entrera pas dans ce sujet, cela revient vraiment à fermer la porte à des conversations nécessaires, en particulier pour les personnes marginalisées ou racisées. Alors oui, pour en revenir à la question sur la manière d'enseigner aux fonctionnaires à mener de telles conversations, ce que j'en ai retenu, c'est qu'il faut réellement essayer de comprendre les raisons derrière ce sentiment de malaise. Qu'est-ce qui me met mal à l'aise et que dois-je faire pour surmonter ce sentiment? Car cette discussion est nécessaire pour creuser le sujet, et ne pas le considérer comme une situation politique. Cela ne l'est pas. Je pense simplement qu'il est très important de reconnaître le travail, le travail interne qui doit être fait.

Rachel Zellars : Oui, j'apprécie beaucoup ce commentaire.

Kelly Folz : Oui.

Rachel Zellars : Je l'apprécie.

Kelly Folz : Voulez-vous nous parler de certaines des questions qui ont été soulevées au sujet du convoi des camionneurs?

Rachel Zellars : Peut-être plus tard, cela pourrait être abordé un peu plus tard. L'une des choses les plus importantes que nous avions prévues pour aujourd'hui était un exercice de simulation, car nous avons l'occasion de présenter une mise en situation réelle faisant appel au leadership incarné dans le contexte de la fonction publique. Voulez-vous nous en parler un peu?

Kelly Folz : Oui, de nombreux dirigeants nous ont dit qu'ils étaient à la recherche de suggestions et de mises en situation pratiques pour développer leur curiosité à l'égard des conflits. C'est pourquoi nous avons pensé présenter un exemple aujourd'hui, pour vous donner une idée de ce à quoi ressemble concrètement cette approche, ainsi que des possibilités qui découlent des pratiques axées sur le leadership incarné.

Voici donc la mise en situation. Il y a quelques mois, Rachel, vous avez fait une présentation formidable et nous avions prévu une réunion avec vous pour en faire un bilan. Nous avons commencé à vous donner des commentaires. Commençons donc cette mise en situation. Rachel, je voulais vous parler d'une plainte, d'une préoccupation que nous avons reçue au sujet de votre présentation. Certains participants ont trouvé que la présentation avait un parti pris envers une région donnée, en raison des exemples et des scénarios que vous avez utilisés. Nous devrions sans doute prendre le temps d'examiner cette question.

Rachel Zellars : Oui, je vois exactement de quoi vous parlez. J'aimerais en entendre plus à ce sujet. C'est un commentaire, une critique que j'ai déjà entendue. Il était très important pour moi, quand j'ai préparé cette présentation, de bien réfléchir aux modèles à présenter. J'ai essayé d'équilibrer les cas en utilisant des exemples d'autres régions, mais je souhaitais aussi utiliser des données de cette région, provenant de très bons chercheurs, de chercheurs réputés, pour appuyer mon exposé, et comme vous le savez, j'ai vécu et travaillé dans cette région. J'ai jugé important de faire appel à mon expérience personnelle dans cette présentation. Je crois que c'est important de le mentionner. Avez-vous des suggestions pour moi, sur ce que je pourrais améliorer, ou des moyens à envisager pour donner une présentation qui semble un peu plus équilibrée? Qu'en pensez-vous?

Kelly Folz : Oui, c'est très utile que vous ayez mentionné ces éléments de contexte, je peux comprendre pourquoi vous les avez choisis. Je me demande s'il n'y a pas un moyen d'équilibrer les choses en apportant des exemples d'autres régions du pays. Pensez-vous que vous pourriez trouver d'autres exemples que vous connaissez bien?

Rachel Zellars : Certainement. Sans aucun doute, je peux le faire. Je ne fais pas de distinction entre les régions. Je peux parler de toutes les régions au même titre en ce qui concerne l'histoire, l'histoire du colonialisme de peuplement et de l'esclavage. Je me sens à l'aise de le faire. Je pense que c'est une bonne idée pour les prochaines fois. Je vais réfléchir à la façon d'incorporer... Nous ne sommes pas sur la côte ouest, et j'ai l'impression que comme nous sommes tellement axés sur la côte est ici, j'ai tendance à me concentrer davantage sur cette région. Mais je prendrai soin à l'avenir d'incorporer plus d'exemples de la côte ouest, de la Colombie-Britannique et des Prairies. Ce serait vraiment utile de vérifier ce point, avant la prochaine présentation peut-être, pour avoir des commentaires. Vous aurez sous les yeux une nouvelle version et il serait très important pour moi d'avoir votre avis avant la présentation. Qu'en pensez-vous?

Kelly Folz : Oui, cela serait parfait. Excellent.

Rachel Zellars : Parfait. Alors, décortiquons la situation à présent.

Kelly Folz : Certainement.

Rachel Zellars : Vous pouvez commencer, parce que nous avons parlé de ceci, cela, etcétéra. Nous voulions donner un exemple de la manière pour un superviseur ou un directeur blanc de donner des commentaires à une personne noire, à un employé noir en ayant recours au leadership incarné. Et nous souhaitions montrer à quoi cela peut ressembler. Quels étaient pour vous les éléments importants à présenter, Kelly?

Kelly Folz : Ce qui était très important, et nous en avons parlé hier, c'est que souvent, nous cherchons à enrober nos commentaires critiques parmi des éléments positifs, et je souhaitais plutôt montrer que vous et moi avons un lien de confiance. Vous savez à quel point j'apprécie votre travail, et tout ce que vous apportez à l'équipe. Et donc, nous pouvions aborder directement la question, mais aussi, l'écoute était un point essentiel. La rétroaction n'est pas un processus unilatéral, dans laquelle je suis la seule à donner des commentaires. Il s'agissait de comprendre pourquoi vous aviez présenté la question de cette façon, et ensuite de travailler ensemble pour trouver comment rester fidèle à cette approche tout en visant un certain équilibre pour prendre acte du commentaire reçu.

Rachel Zellars :  Très belle réponse.

Alors, il s'agit d'une situation réelle, et notre mise en situation était vraiment dans la lignée de la conversation que nous avions eue auparavant. En étudiant le leadership incarné, j'ai appris ce dicton amusant qui dit que les sandwiches sont faits pour être mangés, pas pour donner des commentaires. Ce que l'on veut dire par là, c'est que lorsque nous donnons des commentaires à des étudiants, à des employés qui relèvent de notre supervision d'une manière ou d'une autre, ou à nos enfants, nous mentionnons d'abord un élément très réussi, puis un élément moins positif, et puis nous terminons par un élément positif, n'est-ce pas? Il s'agit d'une forme d'approche de la rétroaction en sandwich. Et ce que le leadership incarné nous apprend, c'est qu'il est souvent très déroutant pour les employés d'avoir des éléments positifs, négatifs, positifs. L'objectif du leadership incarné est de travailler en amont pour créer les conditions qui vous permettront de dire les choses difficiles. Vous pourrez simplement dire les choses difficiles, car, entre autres, votre relation est fondée sur la confiance; la rétroaction et la reconnaissance du travail de l'autre font partie intégrante de votre relation.

Je pense à toutes ces fois où Kelly et moi avons échangé des textos à toute heure de la journée, parfois la fin de semaine. « J'apprécie tellement le fait de travailler ensemble. Merci beaucoup d'avoir fait cela pour moi. C'était très utile ». Et l'une des choses que j'ai remarquées, c'est le style de leadership de Kelly avec son équipe. Il est donc facile de se joindre à ce groupe et de se dire « J'aimerais beaucoup contribuer à cette façon de communiquer, d'instaurer la confiance et d'exprimer sa reconnaissance ». Voilà l'un des éléments dont nous avons parlé.

Je voudrais peut-être ajouter une dernière chose avant de passer aux questions. Je sais que vous avez des questions. Ce que j'aimerais ajouter, c'est que j'avais l'habitude d'être extrêmement anxieuse quand quelqu'un me disait, faisons un bilan ou organisons une réunion pour que je vous donne des commentaires. Demain, je répondais, mais j'en avais besoin aujourd'hui. Et la raison pour laquelle j'étais anxieuse ou craintive, c'est que j'ai grandi dans des systèmes, des familles où j'ai appris à m'attendre au pire. Il s'agit d'une idée que j'avais intériorisée d'une certaine manière, à savoir que je ne recevrais pas de bons commentaires, que ce genre de rencontre ne servait qu'à parler des pires problèmes ou des questions difficiles. Et donc, nous parlions de la danse que nous devons faire dans nos milieux de travail, il s'agit en fait de la clarté des attentes par rapport à mon travail.

Maintenant, j'aime les rencontres de bilan. Je suis du genre à proposer des bilans, dites-moi ce que vous avez vu, quelles ont été vos perspectives, vos perceptions. Qui avez-vous vu à l'écran? Que faisaient ces personnes? Qu'est-ce que j'ai manqué? Et quand je demande des commentaires dans ces rencontres, j'essaie de demander des commentaires précis. Ne me dites pas ce que vous avez pensé, mais plutôt si vous avez vu des points où j'aurais pu être plus convaincante? Aurais-je pu être plus à l'écoute d'une certaine façon? Je pose donc des questions spécifiques au lieu de partir de zéro, ou de lancer des questions ouvertes dans l'univers des bilans. Il nous faut apprendre à faire le point et à considérer ces situations comme des occasions de progresser, et parvenir à ne plus être terrifiés. Je suis parfois un peu nerveuse, mais la terreur a définitivement disparu.

Et puis, bien sûr, de l'autre côté, les dirigeants, les personnes qui formulent des commentaires doivent apprendre ce qui convient le mieux à leurs interlocuteurs. J'ai souvent à interagir avec des étudiants, ou différents types de personnes. Quand je dois donner des commentaires, je demande, est-ce un bon moment pour vous? Nous avons peut-être une échéance sur le calendrier, mais j'ai appris à reconnaître, dans ce monde aux capacités limitées dans lequel nous vivons depuis des années, le fait que tout le monde n'a pas la capacité de recevoir des commentaires. Est-ce un bon moment pour vous? Sinon, trouvons un autre moment. C'est une véritable danse. Qu'en pensez-vous, Kelly?

Kelly Folz :Oui, je pense que nous devons être précis quant au type de rétroaction que nous recherchons, car cela démontre aussi que la confiance, cela va dans les deux sens. Si je dis simplement que je peux vous appuyer avec quoi que ce soit, vous allez probablement refuser. Mais si je vous demande s'il y a quelque chose que je pourrais faire différemment pour vous soutenir dans ces séances, dans votre préparation, si j'aurais pu vous aider à trouver des études de qualité ou d'autres éléments? Mais si je ne montre pas une réelle volonté d'obtenir l'information, vous ne me la donnerez pas non plus. Je pense que c'est vraiment... vous savez, vous pourriez diriger un groupe de travail et créer ces espaces propices à un dialogue authentique pour que ces interactions ne deviennent pas des zones de conflit dont il faudra parler plus tard.

Je pense donc qu'il est très important, surtout dans un rôle de direction, d'amorcer cette danse en premier, de demander une rétroaction. Et je pense aussi, par rapport à notre conversation, qu'il est important de savoir que je n'avais pas raison à ce moment, par exemple si j'avais dit qu'il fallait supprimer l'exemple d'une région donnée. Mais en fait, si ce n'est pas la solution, la solution que nous avons élaborée ensemble était là pour une raison très importante et il convient alors de faire ce genre de travail à l'avance, que je dois faire tout comme vous, pour être prête à obtenir une rétroaction et à résoudre différents problèmes.

Rachel Zellars :Oui, c'est génial, et si vulnérable. J'espère que cela a été utile. Nous pourrions maintenant passer aux questions. Qu'en pensez-vous?

Kelly Folz :Oui, tout à fait. Nous avons reçu beaucoup de questions.

Rachel Zellars :Oui.

Kelly Folz :Oui, en effet. Commençons donc par celle-ci. Comment amener un dirigeant réfractaire à effectuer un travail sur lui-même?

Rachel Zellars :Vous avez choisi la question la plus facile en premier. Oh mon Dieu, un dirigeant réfractaire. Alors, je pense que la réponse dépend du niveau du dirigeant, certainement. Cela dépend du niveau du poste du dirigeant. Je vais vous renvoyer cette question. Je vais tenter de répondre. L'une des choses que j'ai apprises de personnes qui travaillent avec des cadres supérieurs, c'est qu'il y a de la résistance. Il y a de la résistance. Et puis, l'appel à l'action donne le ton, mais il ne fournit pas de directives strictes. L'appel ne crée en aucun cas un fil conducteur pour assurer la cohérence et la transparence des ministères au sein de l'administration publique. Il y a donc beaucoup de variations entre les mesures prises, les manières de répondre à l'appel à l'action, comme les lettres publiées nous l'ont montré.

Aussi, ma perception à propos de cette question, désolée, c'est que les dirigeants doivent veiller à ce que les autres dirigeants prennent leurs responsabilités. C'est véritablement le rôle des collègues de se responsabiliser mutuellement, tout comme c'est le rôle des collègues blancs de discuter avec leurs homologues blancs des comportements qu'ils ont observés et qui doivent changer. C'est l'une des choses qui me vient à l'esprit. Nous pouvons envisager de mettre en place des mécanismes de reddition de comptes, dont certains font actuellement l'objet de projets pilotes, mais j'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur cette question. Que pensez-vous des dirigeants qui se montrent réfractaires?

Kelly Folz :Je pense que c'est un défi de taille. J'ai eu le privilège de travailler pour de nombreux dirigeants qui étaient très sensibilisés à ces questions, mais qui travaillaient avec des personnes qui ne l'étaient pas toujours autant. Et je pense qu'un élément clé est d'incarner ce type de comportement afin que les autres puissent le voir et ressentir ces effets. Quant au risque, je crois que nous travaillons dans un environnement peu enclin à prendre des risques et que tout le monde veut éviter de dire ce qu'il ne faut pas. Cependant, ne rien dire est pire. Et donc, je pense que pour moi, il s'agit de parler, de dire quelque chose ou de prendre quelqu'un à part. Je ne parle pas de dénoncer des gens, mais de les rencontrer pour comprendre ce qu'ils ressentent. Et puis faire avancer...

Rachel, vous m'avez tellement appris en ce qui concerne l'importance des récits, d'écouter les fonctionnaires, les histoires qu'ils vous ont racontées. Je suis certaine que tous les participants ont entendu des témoignages de personnes qui ont subi différentes formes de micro-agressions ou de discrimination. Il s'agit à mon avis de soulever ces questions de manière prudente et bienveillante avec l'autre dirigeant, pour qu'il puisse prendre connaissance petit à petit des témoignages, des données et des engagements que nous avons pris à ce sujet. Pour moi, c'est le début. Mais c'est définitivement, je pense que si plus de gens se lancent dans cette démarche, les dirigeants moins sensibilisés représenteront une minorité. Du moins, c'est mon souhait.

Rachel Zellars : Je crois que j'aime bien ce que vous avez dit. Je vais peut-être poursuivre ici brièvement. J'ai noté certaines idées. Dans la courte présentation que j'ai faite, j'ai mentionné ces initiatives de toutes sortes qui ont cours en ce moment. Ainsi, nous disposerons bientôt des ensembles de données désagrégées les plus raffinés que nous ayons jamais eus dans l'histoire de la fonction publique.

De nombreux groupes des ressources humaines mettent à l'essai et adoptent fermement des processus de recrutement ciblés, des formations sur les préjugés implicites et une myriade d'ateliers, de projets et de formations ont été mis en place dans les ministères. J'ai eu l'honneur d'observer et de travailler avec les programmes de perfectionnement du leadership des cadres qui sont les plus diversifiés, je dirais, du point de vue de l'histoire de la fonction publique. Ils sont très diversifiés. Je tiens donc à préciser que le leadership incarné est une approche visant à modifier les comportements, parce que je crois, pour des raisons qui dépassent probablement le cadre de cette séance, que nous pouvons accomplir toutes ces choses que je viens de nommer et plus encore. Nous pouvons intégrer des mécanismes de responsabilité très spécifiques dans les ententes de gestion du rendement prévoyant des sanctions, des obligations de rendre des comptes, et ainsi de suite, mais je ne crois pas que ces éléments suffiront à changer les comportements.

Il y a des employés, des employés racisés, qui m'ont confrontée sur ce point et qui m'ont dit : « Cela n'a pas d'importance, je me moque de savoir si les gens, si mon patron ou mon directeur m'aime, je me moque de savoir si certains types de comportement ou d'empathie changent chez cet être humain. Tout ce que je veux voir, ce sont des résultats ». Mais ma réponse est toujours la même. Même si nous réalisons toutes les initiatives que j'ai énumérées, ce qui est nécessaire, oui, et je crois que cela doit être fait correctement, je n'ai jamais vu une institution ou un système opérer un véritable changement de système ou de culture sans aborder le revers de la médaille, à savoir les attentes, les déceptions, la question de l'empathie, le leadership incarné.

En fin de compte, je pense que nous sommes, que vous êtes tous engagés dans une grande expérience qui consiste à mettre tous les outils sur la table pour déplacer l'aiguille dans une direction vers laquelle elle n'a jamais, jamais été déplacée auparavant. C'est très important pour moi de le dire. De nombreuses mesures ont été prises pour les femmes, les vétérans, les Québécois francophones, tous blancs, et maintenant nous demandons à la fonction publique de faire bouger l'aiguille d'une manière très, très spécifique pour les Noirs, les Autochtones et les personnes racisées. Mais l'appel à l'action est né de l'exécution d'un homme noir. Il s'adresse également aux employés noirs. Cela étant dit, nous avons besoin que ces mesures concrètes mentionnées précédemment soient prises pour les fonctionnaires noirs, pour les fonctionnaires racisés.

Et je crois aussi que pour amener les gens à modifier leurs comportements, à s'intéresser à ces questions, à changer, il faut autre chose. Notre professeur, Robert Livingston, commence son livre par une histoire dans laquelle il entre en relation avec un dirigeant très réfractaire, un Noir désintéressé qui s'adresse à un homme d'affaires blanc plus âgé qui dit qu'il n'a que faire de cette histoire d'EDI, et il décrit comment il est arrivé à transformer cette relation qu'il entretient encore aujourd'hui. Je sais que tout le monde n'est pas d'accord avec cette idée, mais je pense que nous nous trouvons à un moment où il faut mettre tous les outils sur la table. Et je ne suis pas convaincue que les mécanismes de gestion du rendement, de reddition de comptes et de sanction puissent à eux seuls créer le type de changement systémique et culturel qui est demandé à la fonction publique à l'heure actuelle.

Kelly Folz : Très bien. Cette question suit très bien ce dont nous avons discuté. Le commentaire est le suivant : même en tant que personne racisée, j'ai parfois du mal à déterminer si je suis témoin de comportements inadéquats ou de racisme. Comment reconnaître et dénoncer ce genre de comportements, surtout dans une culture où il y a de grandes différences de pouvoir entre nos dirigeants?

Rachel Zellars :Je crois que j'ai besoin de lire cette question. Kelly, elle se trouve dans le clavardage, n'est-ce pas?

Kelly Folz : Numéro six? Je pense que c'est ce genre de... Vous pourriez peut-être donner quelques exemples. Vous avez mentionné comment, dans ces moments-là, devons-nous convoquer les personnes ou reconnaître – vous et moi avons quelques conversations à ce sujet – même si nous ne pouvons pas gérer la situation sur le moment, comment avoir une conversation bienveillante?

Rachel Zellars :Oui, très bien. Donc, la question est la suivante : même en tant que personne racisée, j'ai de la difficulté à reconnaître les comportements inadéquats. Comment y arriver, surtout dans un contexte de rapports de pouvoir inégaux?

J'entends deux choses ici. La première chose qui me vient à l'esprit est que j'ai résisté à la question des préjugés implicites pendant environ 20 ans, puis j'ai vécu au Québec, où j'ai élevé des enfants pendant 16 ans, et je me suis rendu compte que je ne pouvais pas transposer mon discours sur la race, centré sur les États-Unis, dans l'histoire du Québec. J'avais besoin d'un langage différent, d'un système logique différent pour parler de la question raciale avec des gens qui avaient beaucoup de pouvoir sur ma vie et celle de mes enfants. C'est dans les préjugés implicites que j'ai trouvé l'outil dont j'avais besoin.

Et il y a eu deux moments particulièrement marquants au début de mon apprentissage des préjugés implicites. J'ai suivi une formation à McGill en 2014, et mon intérêt et ma curiosité n'ont cessé de croître par la suite. Premièrement, j'ai appris que l'amygdale, qui est la partie du cerveau humain qui déclenche cette réaction de lutte ou de fuite lorsque nous ressentons de la peur, s'active de cette manière lorsque nous voyons des corps noirs, ou que nous trouvons en présence de corps noirs. Je me souviens que j'étais assise à la bibliothèque et que j'ai fondu en larmes ce jour-là à l'idée qu'une partie du cerveau d'une personne, d'un Blanc ou d'une personne racisée puisse être activée et ressentir de la peur en présence de mon fils noir, cela m'a vraiment bouleversée.

Mais l'autre chose que j'ai apprise, qui est très profonde et qui m'a grandement influencée, c'est que les préjugés implicites, en raison de la nature des grands systèmes dans lesquels nous vivons, le colonialisme de peuplement, la suprématie blanche, la transphobie, l'homophobie, le patriarcat, tous ces systèmes vivent aussi en nous. Le test d'association implicite est une simulation créée à Harvard, qui permet de mesurer ses préjugés implicites à l'aide d'un ordinateur. Il se trouve que les Noirs qui font le test et mesurent leurs préférences dans le cadre d'un test d'association implicite concernant la race obtiennent des résultats similaires aux Blancs. En somme, les Noirs de l'étude ont montré avoir une préférence pour la race blanche, témoignant ainsi d'une forme d'intériorisation du racisme envers les Noirs.

Ainsi, pour moi, le point de départ de cette question est que nous évoluons dans des systèmes qui nous habitent, et même si nous vivons dans un monde raciste, le racisme, les stéréotypes ne s'incarnent pas uniquement dans des corps blancs. Ils vivent à l'intérieur de nous aussi. Apprendre à percevoir la discrimination raciale, les préjudices, les micro-agressions, c'est sans doute la tâche que l'on doit accomplir à la lumière de ce que nous savons du monde, de l'hégémonie, du fonctionnement des préjugés implicites. Je suppose que c'est une forme de point de départ. Maintenant, la question des rapports de pouvoir.

C'est une très bonne question, n'est-ce pas, Kelly? Parce que je suis probablement trop naïve ici. Je dirai néanmoins que j'ai constaté, du moins chez certains dirigeants, une véritable ouverture d'esprit qui, me dit-on, n'existait pas il y a trois, quatre, cinq ou dix ans. Je vois une occasion à saisir, d'après ce que j'ai entendu des réseaux d'employés et des espaces fermés auprès desquels j'ai eu l'occasion d'apprendre. Les employés racisés m'ont dit qu'il y a actuellement une dynamique dans laquelle les voix ne sont pas seulement recueillies, mais aussi entendues. Et d'une certaine manière, cela n'est pas anodin. Maintenant, je ne sais pas ce que cela aura apporté dans quatre ou cinq ans. En fait, ce que je suis en train de dire, c'est que s'il y a eu un jour un moment pour parler aux personnes qui détiennent le pouvoir, c'est maintenant. S'il n'y a jamais eu un bon moment pour entrer en contact avec le réseau d'employés lié à votre identité, que ce soit le Réseau des employés noirs, le Réseau des employés racisés, le Réseau des cadres noirs ou la myriade d'autres réseaux d'employés concernant la diversité, c'est maintenant qu'il faut en faire partie, travailler avec ces groupes et faire entendre les voix qui doivent être entendues.

Ce ne sont là que quelques réflexions. Qu'en pensez-vous, Kelly?

Kelly Folz :Il y a tant à dire ici et je pense que, vraiment, en ce qui concerne le pouvoir, c'est lorsque l'on touche à cette dynamique de pouvoir que cela devient difficile, en particulier quand il s'agit de situations de micro-agressions et non pas, disons, des tâches, car on ne veut pas que cela affecte la discussion de fin d'année sur le rendement, ou d'autres aspects. Comment faire dans ces moments-là pour supprimer ces différences de pouvoir? Encore une fois, je pense que cela tient à ce dont vous avez parlé, à savoir d'ouvrir la porte. Il est donc très important que la personne en position de force sache se montrer vulnérable et engager la conversation.

Et puis, je réfléchis souvent après coup, comme si j'avais dû dire quelque chose, et j'essaie de comprendre dans ces moments-là, d'accord, la prochaine fois, voilà ce que je dois dire. Car je pense que si nous prenons un moment pour réfléchir, nous nous souviendrons de ce que nous avons ressenti et nous rendrons compte plus tard que c'est notre corps qui rattrape notre esprit.

Rachel Zellars :Très bien dit. Et ce que vous avez dit est souvent la réponse que je donne aux gens qui posent cette question ou expriment ce sentiment, j'aurais dû parler. Et ma réponse est toujours la suivante : la prochaine fois, vous pourrez le faire parce que vous avez su vous en rendre compte, n'est-ce pas? Vous avez été en mesure de prendre conscience de votre tendance conditionnée. Pourquoi n'ai-je pas réagi à ce moment-là, qu'est-ce qui se produisait en moi? Et vous pourrez faire un choix différent la prochaine fois. Vous savez, les occasions de le faire ne vont pas disparaître de sitôt.

Kelly Folz :Je pense qu'il nous reste du temps pour une dernière question. C'est une question complexe. Comment fait-on pour réagir, mais aussi pour lâcher prise par la suite? Quelles sont vos techniques? Ce commentaire vient d'une personne qui a dit qu'elle a tendance à tout absorber, y compris les émotions, et à les retenir, ce qui finit par l'épuiser et a des conséquences sur le reste de sa vie.

Rachel Zellars :C'est très intéressant. Ainsi, comment dire ce que vous devez dire, l'élément difficile, conflictuel, puis lâcher prise pour ne pas donner trop de place à cet élément et le laisser s'envenimer? Mon Dieu, c'est une si belle question. Je crois fermement que c'est là le rôle du leadership incarné. J'espère que tout le monde aura accès à ces diapositives, car j'ai volontairement ajouté des ressources à ce sujet à la fin de la présentation. Il y a des vidéos extraordinaires sur YouTube, des discussions très drôles sur la façon de voir le conflit comme une source d'inspiration, qui s'appuient sur des exemples issus de la vraie vie. L'une d'entre elles, avec un père et sa fille, est particulièrement touchante, et il y a aussi des livres magnifiques. Il y a des textes courts, car nous n'avons pas toujours le temps de lire des livres, et aussi des ressources plus substantielles.

Je pense que cela fait tout simplement partie de notre travail. Je dirai ceci, et c'est une question difficile. Dites ce que vous avez à dire, dites ce que vous avez à dire, dites ce que vous avez à dire. J'ai trois enfants. L'un d'eux a vraiment raté son coup à la fête des Mères. Comme je le racontais à Kelly, tout à fait raté. Et le lundi matin, j'ai dit à cet enfant, je t'aime tellement. Je prends toujours soin de toi, même quand tu es grincheux et que tu cries, quand tu arrives à la fin de la journée, je te laisse toujours une bonne collation sur le comptoir, même si tu es de mauvaise humeur. Je le fais. C'est cela, l'amour. Cet enfant est un adolescent maintenant, un jeune adolescent. Je lui ai dit, tu es assez grand pour réfléchir à la façon dont tu peux offrir de l'amour en retour, même si tu n'es pas au meilleur de ta forme. Et je dois te dire que je suis déçue que tu ne m'aies pas écrit un petit mot, « Je t'aime, maman » pour la fête des Mères. Je suis déçue. Je suis déçue.

Et cela aurait été très facile à laisser passer. Si je ne l'avais pas dit, j'aurais été furieuse et j'aurais probablement eu un commentaire passif-agressif... Cela m'arrive. Et je tiens à ce que nous soyons réellement conscients de la façon dont nous agissons sur le plan interpersonnel lorsque nous évitons de dire les choses. Quel est le prix à payer lorsqu'on ne dit pas les choses? Parfois, il y a aussi un coût lorsqu'on dit les choses.

Je vais être brève. J'ai fait une entrevue avec une dirigeante un jour et elle devait communiquer une chose très difficile à son patron qui était un dirigeant très, très, très haut placé, et je lui ai demandé, lui avez-vous dit? Et elle a répondu oui, je l'ai dit. Je me suis exclamée, oh! et quel a été le coût de lui avoir dit? Elle m'a expliqué qu'elle avait été peu appréciée de son patron pendant un certain temps, car elle lui donnait une mauvaise image. Mais elle n'allait pas mentir. J'étais impressionnée, c'est fou que vous ayez fait cela, et elle a dit, oui, mais j'ai pu dormir cette nuit-là. Je n'avais pas de mal à me regarder dans le miroir. J'ai fait ce qui était authentique pour moi et je me suis sentie totalement en paix. Ainsi, après avoir exprimé cette chose difficile, je suis rentrée chez moi et j'ai bien dormi. Je crois qu'il y a de nombreux moments comme celui-là, où nous devons simplement peser le pour et le contre.

Et pour moi, avec mon enfant, je sais que j'ai cet instinct qui me porte à réagir de manière passive-agressive. J'ai cet instinct, et ma formation sur le leadership incarné m'a appris à prendre conscience de cette tendance, de ce réflexe. Et en plus, je suis une maman. Ai-je besoin de dire que je dois faire face à toutes ces situations? Mon enfant est une petite personne. Je suis une grande personne. J'ai du pouvoir sur ce choix, vous savez, devrais-je dire à cette personne ce que je ressens? Bien sûr, vous devriez dire à cette personne ce que vous ressentez. C'est exactement cela, l'objectif.   Je crois toutefois qu'il faut apprendre à ne pas avoir d'attentes grandioses. Je n'ai toujours pas reçu de carte. Mais c'est l'objectif de dire les choses. J'espère que cela résonne, oui.

Kelly Folz :Oui, tout à fait. Je pense que cela montre que vous vous investissez à votre tour pour travailler ensemble.

Et autre chose, vous et moi avons des conversations tellement incroyables et nous parlons de ces choses. Je dirais pour la personne qui a formulé ce commentaire, le fait de pouvoir compter sur un groupe de personnes avec qui vous pouvez vous montrer totalement vulnérable et authentique, et parler de ce que vous ressentez, qu'il s'agisse d'un groupe de dirigeants, d'amis, de collègues, le simple fait d'avoir un de ces réseaux de soutien où il est possible de parler et ressentir, cela aidera peut-être à lâcher prise, comme vous l'avez dit en quelque sorte, Rachel. Cela permet de dormir la nuit, mais aussi, je trouve depuis que nous avons commencé à travailler ensemble que le fait de savoir que l'on a quelqu'un à qui parler de ce que l'on a ressenti est extrêmement important.

Je garde à l'esprit le temps. Je sais que nous n'avons jamais assez de temps pour les questions avant de conclure. Rachel, auriez-vous autre chose à ajouter, un mot de conclusion?

Rachel Zellars :J'ai toujours l'impression que nous manquons de temps. Alors, si cela est utile... Si après cet événement, vous estimez que c'est utile, j'espère que nous pourrons répéter l'expérience, car je sais que ces occasions sont très, très rares. Elles sont rares, je crois. Je me trompe peut-être. Enfin, je suis très reconnaissante d'être ici avec vous, une leader exceptionnelle qui m'a tant appris et qui a fait preuve d'une grande patience à mon égard. Alors, merci.

Kelly Folz :Merci.

Alors voilà qui nous amène vers notre conclusion de l'événement d'aujourd'hui. Nous veillerons à vous partager les diapositives présentées par Rachel avec le formulaire d'évaluation. Vos commentaires sont très importants. Je vous encourage à remplir le formulaire que vous recevrez dans les prochains jours et qui nous servira à concevoir d'autres événements. Au nom de l'École, je vous remercie d'avoir participé à la discussion d'aujourd'hui.

[Une diapositive apparaît avec le texte : "Browse the Learning Catalogue / It includes courses, events and other learning tools. / Visit Canada.ca/School" « Consultez le catalogue d'apprentissage / Il vous propose des cours, des événements et des outils d'apprentissage / Canada.ca/Ecole ».]

Kelly Folz : J'aimerais remercier Rachel de s'être jointe à nous aujourd'hui et de participer à ce dialogue important dans le cadre de notre travail dans la fonction publique. J'espère que vous avez apprécié autant que moi la discussion. Je vous encourage à consulter notre site Web pour être informés de nos événements futurs et des autres présentations de Rachel, notamment celle du 12 mai sur la lutte contre les préjugés inconscients. Aussi, je vous invite à vous joindre à nous le mois prochain alors que nous recevrons dans le cadre de la Série sur le leadership un expert international de l'intégration de l'intelligence émotionnelle, qui nous expliquera ce qu'est l'intelligence émotionnelle et pourquoi elle doit faire partie de la trousse à outils des leaders de tous niveaux. Désolée, son nom est David Cory.

Kelly Folz: Ceci conclut notre événement pour aujourd'hui. Merci encore, merci à tous et bonne journée!

[« Le clavardage vidéo s'estompe au logo de l'EFPC. Le logo du gouvernement du Canada apparaît».]

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