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Semaine de démos d'outils de données de l'EFPC : Combattre la mésinformation et la désinformation, grâce au Digital Public Square (DDN2-V09)

Description

Cet enregistrement d'événement présente une démonstration sur l'outil éducatif It's Contagious! (c'est contagieux) par le PDG et cofondateur de Digital Public Square, Farhaan Ladhani, ainsi qu'une période de questions sur les répercussions de la mésinformation et de la désinformation.

(Consultez la transcription pour le contenu en français.)

Durée : 00:57:38
Publié : 27 avril 2021
Type : Vidéo

Événement : Semaine de démos d'outils de données de l'EFPC : Combattre la mésinformation et la désinformation grâce au Digital Public Square


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Semaine de démos d'outils de données de l'EFPC : Combattre la mésinformation et la désinformation, grâce au Digital Public Square

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Transcription

Transcription : Semaine de démos d'outils de données de l'EFPC : Combattre la mésinformation et la désinformation, grâce au Digital Public Square

[Le logo blanc animé de l'École de la fonction publique du Canada se dessine sur un fond violet. Une page apparaît, puis elle se transforme en livre ouvert. Une feuille d'érable apparaît au milieu du livre, qui ressemble aussi à un drapeau en dessous duquel se trouvent des lignes courbes. Le texte suivant s'affiche à côté du logo : Webcast | Webdiffusion.]

[Il s'efface et est remplacé par deux écrans titres côte à côte en anglais et en français. En haut se trouvent trois feuilles d'érable vertes, chacune faite de textures différentes. Le texte à l'écran se lit comme suit :

Semaine de démos d'outils de données de l'EFPC

Combattre la mésinformation et la désinformation grâce au Digital Public Square

Communauté des données du GC

[Il s'efface, remplacé par un appel vidéo sur Zoom. La fenêtre vidéo est occupée par un homme avec des lunettes, une barbichette soignée et un chandail gris boutonné. Il est assis devant une bibliothèque personnelle.]

Taki Sarantakis (Taki): Bonjour, bon après-midi et bonsoir aux fonctionnaires de partout au Canada et des ambassades du monde entier. Je m'appelle Taki Sarantakis et je suis président de l'École de la fonction publique du Canada. Bienvenue au deuxième événement de la Semaine de démonstrations d'outils de données de l'École. Hier, nous avons donné le coup d'envoi avec le thème de l'intelligence artificielle et du droit. Aujourd'hui, nous allons aborder l'un des grands enjeux de notre époque, à savoir la désinformation et la confiance du public. Nous avons aujourd'hui parmi nous Farhaan Ladhani, qui est le cofondateur et le PDG d'un petit organisme à but non lucratif génial qui a vu le jour et continue de se développer à l'Université de Toronto, Digital Public Square

[Une boîte de texte violette dans le coin inférieur gauche l'identifie : « Taki Sarantakis, École de la fonction publique du Canada. » Pendant que Taki parle, une deuxième image vidéo apparaît, montrant un homme au teint basané, aux cheveux gris et aux lunettes jaune vif. Derrière lui, un logo indique « Digital Public Square ». À côté du lettrage, de multiples petits carrés avec des ombres diagonales sont disposés autour d'un petit carré central.]

Taki: Il va nous expliquer ce qu'il fait dans le domaine de la désinformation et des fausses nouvelles, pour ainsi dire. Mais d'abord, un mot sur la technologie. En tant qu'êtres humains, nous avons toujours eu une relation un peu tendue avec la technologie. Nous fonctionnons selon des schémas très clairs.

[Le panneau vidéo de Taki remplit l'écran.]

Taki: La technologie est notre salut, puis elle est notre perte. Et ensuite la technologie redevient notre salut, puis notre perte. Il y a quelques années à peine, on avait l'impression que les géants du numérique du domaine public ne pouvaient rien faire de mal, et à l'heure actuelle, il semble qu'ils ne puissent rien faire de bien. De toute évidence, aucune de ces affirmations ne correspond à la réalité. La technologie est un outil, et comme pour tous les outils, tout dépend de la façon dont vous l'utilisez. Si vous utilisez l'outil à des fins fondamentalement mauvaises pour la société, la technologie le sera aussi. Si vous utilisez votre outil à des fins fondamentalement bonnes pour la société, alors dans ce contexte, votre outil aura un effet positif. Aujourd'hui, nous allons voir l'un de ces outils ouvertement utilisé pour le bien public. Farhaan, cher ami, bienvenue.

[Le panneau de Farhaan réapparaît. Le son de Farhaan est légèrement étouffé.]

Farhaan Ladhani (Farhaan): Merci, Taki. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui.

Taki: Nous sommes très contents de vous accueillir. Est-ce que ce sont vos vraies lunettes?

[Farhaan enlève ses lunettes jaunes et les agite un peu, déformant son image dans les verres.]

Farhaan: Oui. Ce ne sont pas des fausses, comme vous pouvez le voir. Elles ne sont pas virtuelles, bien qu'on me l'ait déjà demandé.

[Farhaan remet ses lunettes. Il fait un geste vers le mur derrière lui.

Farhaan: Et c'est un vrai mur. Ce n'est pas non plus un faux. Il peut être difficile de faire la différence entre les deux de nos jours.

[Farhaan glousse.]

Taki: Oui. Exactement. Avez-vous besoin de ces lunettes pour lire, ou est-ce une forme de déclaration personnelle face au monde?

Farhaan: Non. C'est simplement la façon dont je me représente auprès de mes enfants, et j'ai le sentiment que je devrais les porter partout où je vais. Ça les fait rire. J'espère que ça en fera rire d'autres aussi.

Taki: Génial, mon ami. Nous avons environ un millier de personnes en ligne. Allez-y, nous vous écoutons pour découvrir en quoi consiste la technologie utilisée à bon escient.

[Le panneau vidéo de Farhaan remplit l'écran.]

Farhaan: Merci, Taki. Merci à tous ceux qui se sont joints à nous aujourd'hui. Je suis très heureux d'avoir l'occasion d'échanger avec vous tous et de vous faire part des apprentissages de Digital Public Square. Avant de vous en dire plus sur Digital Public Square et la plateforme que nous avons créée, j'aimerais mettre la table avec un peu de contexte.

[Une boîte de texte violette dans le coin inférieur gauche l'identifie : « Farhaan Ladhani, Digital Public Square ».]

Farhaan: J'ai lu un excellent article dans journal Evening Standard il y a quelques semaines. C'était une critique d'une recette qui circulait sur TikTok. Vous prenez beaucoup de tomates. Vous ajoutez une brique de fromage feta. Vous versez ce qui est probablement une quantité inacceptable d'huile d'olive et ajoutez de l'ail et un peu d'épices. Vous faites cuire le tout, comme Jamie Oliver le ferait, pendant trente minutes. Vous ajoutez des pâtes après avoir sorti le plat du four et voilà, le repas est prêt. Nous approchons de l'heure du midi et donc peut-être que les gens ont faim. La recette se répand comme une traînée de poudre. Apparemment, lorsqu'elle a été popularisée par un blogueur finlandais, la Finlande s'est retrouvée à court de feta. Réfléchissez à ça. Les gens se sont rués sur le feta dans les épiceries à cause d'une recette apparue en ligne sur laquelle on a cliqué, puis que l'on a partagée et commentée. Le problème, Taki, c'est que ce plat n'est en fait pas très bon. Lorsque l'Américaine Mackenzie Smith a publié sa version de la recette sur TikTok, le nombre de vues a complètement explosé. Mon frigo est tellement plein de feta en ce moment, il n'y a pas d'espace pour la laitue. Ce que j'ai préféré dans l'article du Evening Standard, c'est la critique du journaliste. Je vais le citer parce que c'est excellent. Le journaliste souligne que la recette n'était pas une valeur sûre. Elle n'a pas été découverte lors d'un souper d'amis, dérobée à l'hôte. Elle n'a pas été transmise par les grands-parents de quelqu'un. La recette répondait parfaitement à ce que l'auteur décrit comme l'impulsion qui nous pousse à chercher à devenir riche rapidement, présente dans tous les cerveaux. C'est la promesse d'une satisfaction instantanée. La recette provient d'Internet, des médias sociaux – un endroit où notre cerveau est conditionné pour la gratification instantanée. Qu'est-ce que tout cela a à voir avec les fausses informations et la désinformation? Beaucoup de choses, à vrai dire. Beaucoup d'entre vous évoluent dans un monde complexe. Vous faites de votre mieux pour fournir des informations de qualité à tout le monde en temps voulu. En plus de la façon dont nous sommes programmés en tant qu'êtres humains, vous vous heurtez à quelques difficultés qui viennent contrarier nos réflexes. Premièrement, la structure même du monde en ligne a changé de façon spectaculaire au cours des trois dernières décennies, depuis la naissance du Web. Il y a plus de 30 ans, la promesse d'Internet était de nous connecter, chacun et chacune d'entre nous, dans un monde sans frontières, pour échanger de façon libre et ouverte. Aujourd'hui, les fissures de ce modèle sont clairement visibles pour tous. Ces fissures sont exploitées par des acteurs étatiques et non étatiques qui ont mis en évidence les faiblesses du modèle ouvert et sans frontières et ont mis de l'avant la vision concurrente d'un Internet cloisonné. Cela présente toute une série de défis contradictoires avec lesquels nous devons composer. Deuxièmement, il y a les fissures créées par les modèles d'entreprises et l'économie de l'attention, qui alimentent une grande partie de l'Internet aujourd'hui et de la vente de fromage feta. Ces modèles d'entreprises sont axés avant tout sur la génération de clics pour vendre des publicités ou façonner notre consommation d'information. Ainsi, l'Internet d'aujourd'hui permet de trouver facilement de la malbouffe numérique. Troisièmement, nous faisons aussi partie du problème. Les contenus à forte teneur en sucre, générateurs d'émotions et polarisants, sont abondants et détournent souvent l'attention du contenu de haute qualité que vous tous, gens de bonne volonté, vous employez à créer. Des produits de haute qualité existent, mais vous devez généralement creuser et ils ne sont pas classés en premier dans votre fil d'actualité. Laissez-moi vous montrer un exemple simple dont chacun d'entre nous est coupable. Je le suis certainement. Combien d'entre nous se rendent à la page 5 ou 6 d'une recherche Google sur un sujet donné? Étude après étude, les résultats montrent que nous sommes nombreux à cliquer sur le premier lien qui s'affiche. Dans certains cas, nous ne sommes que trois sur dix ou moins de trois sur cent à cliquer sur le dixième lien. Il s'avère que le meilleur endroit pour cacher un cadavre est sur la page 2 des résultats de recherche. Dans un monde fondé sur l'abondance d'information et la gratification instantanée, où nous avons plus d'informations à portée de main que jamais auparavant et où on lutte plus que jamais auparavant pour attirer notre attention... Pourquoi faisons-nous de moins en moins confiance à ce que nous consommons? Pourquoi la confiance s'érode-t-elle plus rapidement lorsque nous voyons, entendons ou lisons quelque chose qui ne correspond pas à notre point de vue actuel?

[Le panneau vidéo de Farhaan rétrécit et se retrouve du côté droit du cadre. Une présentation remplit la majorité de la page. La première diapositive est intitulée « Investir dans la technologie pour affranchir les communautés et rétablir la confiance, Digital Public Square, avril 2021 ». Le logo de l'entreprise Digital Public Square figure dans le coin inférieur droit de la diapositive.]

Farhaan: Je vais vous présenter quelques diapositives pour aborder cette analyse.

[La diapositive change. La diapositive suivante est divisée en deux parties, une partie blanche à gauche et une partie bleue à droite. Chaque côté contient la moitié du titre. Il y est écrit :

« Nous avons de la difficulté à faire confiance… Et cela a des répercussions. »

Du côté blanc, il est écrit : « Les gens perdent confiance dans les gouvernements, les entreprises et les médias. Ils sont conditionnés à croire et à partager les mauvaises nouvelles, et notre façon de nous informer aggrave cet état des choses. Il est moins cher, plus rapide et plus facile que jamais de lancer une attaque contre votre marque. »

Du côté bleu, il est écrit : « Plus de 55 % des gens croient que ces institutions induisent délibérément le public en erreur. Les faux renseignements se propagent plus rapidement en ligne que la vérité, et ont 70 % plus de chances d'être partagés. Le risque croît en fonction de l'endroit où les gens puisent leurs nouvelles et des personnes/institutions, etc. à qui ils font confiance. Il n'en coûte que 400 000 $ pour influencer de façon significative les accords commerciaux les élections et les référendums. C'est beaucoup moins pour une marque. »]

Farhaan: Commençons par le fait que nous avons des problèmes de confiance. Beaucoup d'entre vous l'auront vu dans les diapositives que j'ai partagées avec vous hier. Les campagnes d'influence malveillantes, les théories du complot, les publicités politiques et les opinions non vérifiées présentées comme des faits contribuent tous à l'érosion de la confiance. Ces informations toxiques comprennent une série de récits faux, trompeurs et qui sèment la polarisation. Ces contenus relèvent de la désinformation, soit de produits élaborés et diffusés de façon intentionnelle par des acteurs malveillants, ou de fausses informations, c'est-à-dire des rumeurs, des opinions et des récits inexacts présentés comme des faits. Qu'est-ce qui les rend si dangereux? Ils sont conçus pour être passionnants. Pour tirer parti de la façon dont nous interagissons en ligne. Dans un monde où nous survolons rapidement et sans réfléchir de grands volumes de contenu, ces histoires fausses attirent notre attention par des idées audacieuses, divertissantes ou surprenantes. Les spécialistes du MIT ont constaté que les fausses nouvelles sur Twitter ont 70 % plus de chances d'être retransmises que les vraies nouvelles, et qu'elles atteignent six fois plus vite que ces dernières un public d'au moins mille cinq cents personnes. L'une des raisons pour lesquelles les fausses nouvelles se propagent plus rapidement, plus profondément et plus largement que les vraies est leur nouveauté. Elles sont plus susceptibles de susciter la surprise et le dégoût, alors que les vraies nouvelles sont plus susceptibles de susciter la tristesse, la joie et la confiance. Tout cela est plus abordable que jamais. Le coût d'une campagne de désinformation à même d'influencer de manière significative des accords commerciaux, des élections ou un référendum est de 400 000 dollars. Pensez-y un moment. 400 000 dollars pour influencer de manière significative un accord commercial, une élection ou un référendum. Imaginez ce que cela peut faire à une marque. Je sais que certains d'entre vous se demandent maintenant ce que l'incidence sur une marque a à voir avec moi et mon travail. Si ce que votre institution représente et ce qu'elle signifie pour les gens a de l'importance, si cela a des répercussions sur leur prise de décision, sur l'adoption ou l'utilisation d'une politique, d'un programme ou d'une mesure qui sauve des vies, alors cela vous concerne plus que jamais. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Nous avons passé beaucoup de temps à parler de ce qui ne fonctionne pas, je ne m'attarderai donc pas sur ce point, mais nous avons également une idée assez claire de ce qui fonctionne et de ce qu'il faut faire pour instaurer la confiance. Il s'avère que nous savons tous intuitivement que chacun des actifs dont nous disposons est essentiel pour instaurer la confiance, mais qu'ils sont notoirement difficiles à reproduire à grande échelle.

[La diapositive change. La diapositive suivante présente une carte mondiale parsemée de points menant à des icônes avec des étiquettes. À côté de la carte, il est écrit :

« L'entreprise Digital Public Square a pour mission d'appuyer le développement de communautés saines grâce à une technologie fiable. Notre plateforme a servi des communautés dans plus de 20 pays différents en sollicitant la participation de dizaines de millions de personnes pour régler des questions complexes et rétablir la confiance à l'égard des institutions publiques, privées et communautaires. »

Des points situés à divers endroits dans le monde mènent à des étiquettes servant à nommer divers enjeux, notamment l'immigration, la COVID-19, l'intolérance religieuse, la violence contre les femmes, la liberté d'expression, les droits des travailleurs et l'ingérence politique.]

Farhaan: Et si nous pouvions trouver un moyen de fournir de l'information de haute qualité que les gens aient envie de consommer, tout en satisfaisant notre besoin de gratification instantanée? Pourrions-nous susciter la hausse des connaissances et la participation tout en favorisant le renforcement du sens de la communauté autour des connaissances partagées? Pouvons-nous faire cela à grande échelle? Digital Public Square a passé la majeure partie des dix dernières années à s'attaquer à cette question dans plus de vingt pays du monde entier.

[La diapositive change. La diapositive suivante est intitulée « Notre création » et présente un écran de téléphone avec une interface illustrée. Sur la diapositive, il est écrit :

« Une plateforme d'apprentissage et d'engagement ludique conçue pour aider efficacement les organisations des secteurs privé et public à :

  • rétablir rapidement la mésinformation;
  • corriger les lacunes en matière de connaissances qui entravent l'action;
  • encourager et mobiliser les communautés autour de questions et d'intérêts communs. »]

Nous avons passé les cinq dernières années à innover sur une plateforme de ludification de l'apprentissage et de la participation qui contribue à corriger rapidement la désinformation, à combler les lacunes de connaissances qui agissent comme des freins à l'action ainsi qu'à renforcer et mobiliser les communautés autour de questions et d'intérêts communs.

[La diapositive change. La diapositive suivante s'intitule « Intensification ». À côté, un cercle rose contient une autre image de l'interface illustrée. Sur la diapositive, il est écrit :

« Le renforcement de l'automatisation favorisera une application plus large. Il s'agit notamment de détecter la mésinformation, de créer du contenu et d'établir des profils d'apprentissage qui s'adaptent à l'utilisateur. »]

Farhaan: Nous utilisons la technologie pour nous aider à nous développer. Cela nous permet de relever des défis diversifiés grâce à une automatisation accrue et au recours à l'apprentissage automatique pour mieux détecter les fausses informations et renforcer notre capacité à fournir des profils d'apprentissage personnalisés qui s'adaptent à chaque individu. Voyons rapidement comment nous avons déployé cette plateforme de ludification des apprentissages pour lutter contre la désinformation et les fausses informations liées à la COVID-19.

[La diapositive change. La nouvelle diapositive est intitulée « Une récente étude de cas ». Une image montre un téléphone et un ordinateur portable, tous deux avec une interface illustrée. L'interface présente une main qui lève le pouce en dessous d'une bulle et une autre qui baisse le pouce au-dessous de la même bulle. De petites cellules virales illustrées flottent en arrière-plan. Une légende indique « C'est contagieux! La mésinformation se propage plus rapidement qu'un virus. Pouvez‑vous distinguer la vérité de la fiction? » À côté de l'image, il est écrit :

« Au début de 2020, le gouvernement du Canada s'inquiétait des répercussions de la mésinformation sur la cohésion sociale et la santé publique. Nous avons lancé la plus récente version de LIFT pour lutter contre la montée alarmante de la mésinformation au sujet de la COVID-19. »]

Farhaan:  Permettez-moi de vous ramener à l'époque où, il y a un peu plus d'un an, la nouvelle d'un virus entraînant une forme de pneumonie circulait en Chine. Lorsqu'environ un milliard de personnes commencent à parler de quelque chose, nous devrions probablement y prêter attention, et c'est ce que nous avons fait. En janvier et février de l'année dernière, nous avons assisté à un déluge de désinformation concernant la COVID-19. Bill Gates en est responsable. Tout cela est lié à la 5G. Prenez de la vitamine C et tout ira bien. Nous avons traité environ 175 000 éléments de contenu regroupés dans dix-sept types de récits et les avons intégrés dans un produit – la première version du produit que je vais vous présenter aujourd'hui – que nous avons lancé sur six continents. Ce produit a connu plus de succès que tout ce que nous avions produit auparavant, et nous générons des dizaines de millions de clics chaque fois que nous créons des contenus percutants. La demande d'information sur le sujet était palpable, alors nous avons repris et retravaillé le produit pour créer une deuxième version. Le gouvernement canadien était préoccupé par les conséquences de la désinformation sur la cohésion sociale et la santé publique. Nous avons pu prendre notre produit et lancer la version deux l'année dernière dans l'objectif de combattre l'augmentation alarmante de la désinformation au sujet de la COVID-19.

[La diapositive change. La diapositive suivante est intitulée « La preuve que ça fonctionne ». Il y est écrit : « Nous avons augmenté de façon importante le niveau de connaissances. » Sur le côté droit de la diapositive, des statistiques sont placées dans un demi-cercle. Elles indiquent :

Plus de 180 800 joueurs de septembre à décembre 2020

Plus de 2,1 M de questions ont trouvé réponse

41,5 % des joueurs ont joué une partie complète

14 % des joueurs ont décidé d'en lire davantage sur le sujet

Plus de 11 énoncés devinés par partie en moyenne

Farhaan: Cela a généré des répercussions. De septembre à décembre, 180 000 joueurs ont utilisé nos produits. 2,1 millions d'affirmations ont été traitées et ont reçu une réponse. Nous sommes très heureux de ces résultats, car les chiffres sont significatifs. Mais voici ce qui compte vraiment : sur dix personnes ayant commencé le processus, quatre l'ont terminé, et 14 % ont cliqué pour consulter les sources d'information proposées. Ils ont participé activement. Nous n'avons pas livré un élément de contenu unique. Nous avons élaboré onze doses d'information de qualité destinées à immuniser les gens contre les fausses nouvelles et la désinformation qui circulent dans notre entourage.

[La diapositive change. La diapositive suivante est intitulée « Nous nous attaquons à deux problèmes interdépendants ». En dessous, il y a deux points numérotés :

« 1. Concevoir du contenu visant à promouvoir des formes d'engagement cognitif connues pour corriger les idées fausses.

2. Présenter ce contenu au moyen d'une nouvelle méthode permettant d'éluder les émotions négatives et les raisonnements biaisés. »]

Farhaan: Quel est le problème que nous essayions de résoudre? Il s'agit d'un problème à plusieurs niveaux. Le premier était le suivant : nous devions concevoir du contenu susceptible de promouvoir des formes de participation cognitive, réputée efficace pour remettre en question les idées fausses. Il existe une tonne de travaux de recherche éclairants sur le sujet et nous avons publié de nombreuses études, mais de reproduire ces éléments à grande échelle a été un défi. Ensuite, nous devions utiliser une méthode innovante qui contourne deux obstacles majeurs à notre capacité et notre volonté de mettre à jour nos croyances : les émotions négatives et les raisonnements biaisés. Si nous pouvions trouver un moyen de contourner ces deux obstacles tout en prenant en compte des comportements liés à la gratification instantanée dont nous avons parlé précédemment, pourrions‑nous obtenir des retombées significatives? Nous avons atteint un grand nombre de personnes, mais qu'est‑ce que cela signifie?

[La diapositive change. La diapositive suivante est intitulée « Nous pouvons corriger les idées fausses ». La diapositive contient un graphique. L'axe vertical indique « % de réponses correctes dans un test de connaissances » et l'axe horizontal présente deux conditions : un groupe témoin, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas joué au jeu, et un groupe expérimental, c'est-à-dire ceux qui ont joué. Le groupe témoin a un marqueur qui couvre la partie inférieure du graphique tandis que le groupe expérimental se trouve dans la partie supérieure du graphique. À côté du graphique, il est écrit :

« Dans le cadre d'un essai contrôlé aléatoire parmi un échantillon représentatif de la population canadienne, le jeu a permis d'accroître les connaissances de 15 %. »]

Farhaan: Nos résultats ont montré que nous parvenions véritablement à remettre en question des idées fausses. Dans le cadre d'un essai contrôlé randomisé mené auprès d'un échantillon national représentatif, le jeu a entraîné une hausse significative de 15 % des connaissances et les effets ont été plus prononcés au sein des communautés les plus polarisées. Les participants étaient d'accord avec un ensemble de faits de base.

[La diapositive change. La nouvelle diapositive est intitulée : « Les gens retiennent l'information, ce qui signifie que nous renforçons la résilience. » Sous le titre, il est écrit : « La nouvelle information visant à apporter des correctifs est retenue en grande partie (86 %) dans le cadre de séances de jeu. » À côté du texte, un graphique illustre cette affirmation en présentant le suivi du pourcentage de bonnes réponses au fil du temps.]

Farhaan: Lorsque les gens participent activement, cela facilite la conservation de l'information. Nous renforçons la résilience face à la désinformation. Les nouvelles affirmations corrigées ont été retenues dans une large proportion – 86 % au cours des séances du jeu.

[La diapositive change. La diapositive suivante est intitulée : « Nous réduisons l'hésitation à se faire vacciner. » Il y est écrit : « Dans le cadre d'un essai contrôlé aléatoire réalisé aux États‑Unis, le jeu a permis d'accroître l'intention de recevoir un vaccin contre la COVID‑19. » Un graphique illustre cette affirmation.]

Farhaan: Enfin, nous avons réussi à réduire l'hésitation à se faire vacciner. Nous avons mené un essai contrôlé randomisé aux États-Unis, où le jeu a entraîné une augmentation plus importante de l'intention de recevoir un vaccin pour la COVID-19 par rapport à un groupe de référence. Qu'est-ce que tout cela signifie? Cela signifie que si je prends un élément de contenu, que je le place sur un site Web ou dans un fil d'actualité et que je prends le même élément pour le placer dans notre plateforme, nous obtenons une différence mesurable quant à la réponse au contenu par rapport à un groupe de référence.

[La diapositive change. La diapositive suivante présente un graphique tiré de l'interface dans lequel il est écrit « Quelles sont les chances que vous partagiez cela avec vos amis et votre famille? » Farhaan lit le texte directement de la diapositive.]

Farhaan: Nous générons également des effets de réseau. Au total, 65 % des personnes qui y ont participé ont affirmé qu'il était probable ou très probable qu'elles partagent l'affirmation corrigée, c'est-à-dire les informations de qualité.

[La diapositive change. La diapositive suivante est intitulée « Il s'agit d'un outil évolutif ». Il y est écrit : « Nous générons constamment un effet à l'échelle des thèmes, des langues et des zones géographiques. » Sur le côté droit de la diapositive, trois images de téléphones avec l'interface illustrée se trouvent dans un cercle bleu.]

Farhaan: Enfin, le produit peut être reproduit à grande échelle. Ce même produit est en ligne au Myanmar aujourd'hui. Il a été mis en œuvre aux États-Unis et au Canada et produit des effets cohérents, c'est-à-dire qu'il contribue à combler certaines des lacunes dont nous avons parlé au début, à savoir nos besoins comportementaux et les besoins auxquels nous devons répondre en raison de l'environnement d'information qui nous entoure. Passons maintenant à une démonstration rapide de la plateforme. Taki, j'espère que vous jouerez avec moi avant de passer aux questions.

[L'interface du jeu occupe tout l'écran. Elle contient un fond jaune avec des cellules virales illustrées flottant autour. Une bulle de pensée, qui se trouve au milieu de l'écran, affiche du texte. Au-dessus de la bulle se trouve une main bleue avec le pouce vers le bas et au‑dessous d'elle se trouve une main rose avec le pouce vers le haut.]

Farhaan: Les amis, voici « It's Contagious », le nom signifie « C'est contagieux ». La conception du jeu est très simple. Cette simplicité n'est pas due à un développement rapide. Elle est le résultat d'un processus réfléchi et itératif, et ses caractéristiques ont été conçues expressément pour produire certains effets comportementaux. Le premier est la réduction du stress. Nous en avons déjà suffisamment dans nos vies. Il s'agit d'un problème hautement stressant. Nous vivons tous dans une grande incertitude présentement. En conséquence, nos comportements vont être fortement orientés pour répondre à nos croyances existantes. C'est déjà le cas. Si on ajoute le stress, c'est encore pire. C'est amusant. L'objectif est de favoriser la motivation et la rétention au jeu, ce qui explique pourquoi nous sommes en mesure de fournir onze doses d'information de qualité. Comment cela fonctionne-t-il?

[Farhaan clique sur un bouton au bas de l'écran sur lequel il est écrit « jouer au jeu ». Les deux mains se déplacent vers le bas de l'écran. Le pouce rose levé est étiqueté « vrai » et le pouce bleu baissé est étiqueté « faux ». En haut, il est écrit « Vrai ou faux? Est-ce normal de se sentir stressé en raison de la pandémie de coronavirus? » Dans un cercle placé sous la question, il est écrit « Faites glisser votre réponse ici », tandis qu'un compte à rebours de 45 secondes s'enclenche.]

Farhaan: Le jeu apparaît dans votre fil d'actualité, vous cliquez sur la plateforme et une première série de questions vous est présentée lorsque vous commencez à jouer. Vrai ou faux : Taki, est-ce normal de se sentir stressé en raison de la pandémie de coronavirus?

Taki: Vous avez parlé du feta tout à l'heure. Je ne sais pas si vous êtes un ami ou un ennemi parce que je ne sais pas si vous avez dit du bien du feta ou si vous l'avez dénigré. En tant que Grec, c'est une question importante pour moi. Je vais dire que c'est normal. Vrai.

[La main qui est étiquetée « vrai » est glissée dans le cercle, et la question est remplacée par un nouveau texte :

« Bonne réponse! La pandémie touche tout le monde d'une manière ou d'une autre. Il est normal de ressentir de la tristesse, du stress, de la confusion, de la peur ou de la colère en temps de crise. Prendre soin de soi, faire de l'exercice et parler à des personnes de confiance peut aider. » En dessous du texte se trouve un petit bouton sur lequel il est écrit « plus à ce sujet ».]

Farhaan: Très bien. Bon. Nous avons commencé à vous faire progresser dans un processus. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à la première question. Il s'agit simplement de ce que vous ressentez, et comme le verrez, ce que vous ressentez fait partie intégrante du processus. On vous indique que la réponse est exacte. Nous pourrons parler de certaines considérations à mesure que vous avancerez. Des sources d'information supplémentaires de grande qualité sont suggérées,

[Farhaan clique sur le bouton « plus à ce sujet ». Une boîte de dialogue affiche les sources de la réponse et un autre bouton indique « vous avez de meilleures informations? »  Farhaan clique dessus, et un formulaire de demande de correction apparaît.]

Farhaan: de sorte que si vous avez envie d'en savoir plus sur les sources utilisées, vous pouvez approfondir le sujet. Un élément important est que vous êtes invité à exprimer votre désaccord : l'option « Vous avez de meilleures informations? » vous permet de nous partager ce que vous pensez être vrai. C'est important, car nous apprenons très rapidement à connaître les personnes qui peuvent être en désaccord avec les prémisses des faits qui leur sont présentés. Nous pouvons ainsi intégrer cela au fur et à mesure dans notre modèle d'apprentissage. Continuons.

[Farhaan quitte la boîte de dialogue et passe à l'écran suivant. Sur celui-ci, une étoile affiche le chiffre 2 et indique « Vous avez atteint le niveau supérieur! Vous êtes maintenant un néophyte de la santé. » En dessous se trouve le dessin d'une main au pouce levé avec un visage souriant, des lunettes et un bonnet à hélice.]

Farhaan: Nous allons répondre à quelques questions. Nous allons progresser un peu et ensuite voir le processus pour récupérer des niveaux, qui fait au cœur de notre processus d'apprentissage. Pas seulement en ce qui concerne votre manière de voir la situation, ou ce que vous connaissez, ou ce que vous ressentez, mais aussi du point de vue des effets sur plusieurs enjeux en matière de politiques publiques.

[L'écran passe à la prochaine question. Farhaan la lit.]

Farhaan: Taki, vrai ou faux : avoir des anticorps contre la COVID-19, que ce soit à la suite d'une infection naturelle ou d'un traitement, vous assure d'être immunisé contre une réinfection.

Taki: Maintenant, je vais répondre à cette question comme une personne non informée, parce que tout le monde ne lit pas constamment les nouvelles comme beaucoup d'entre nous. Je vais supposer que j'ai eu ma première piqûre et que mes amis me disent : « Une fois que tu as eu ta première piqûre, c'est bon. Tu peux voyager partout dans le monde. Tu peux aller dans les bars. Tu peux aller au restaurant. » Je vais répondre que c'est vrai. Les anticorps me protègent.

[Farhaan fait glisser la main « vraie » dans le cercle des réponses. Un nouvel écran apparaît, sur lequel il est écrit : « Faux. La présence d'anticorps ne garantit pas une immunité permanente contre la réinfection. Un nombre croissant d'études révèlent que les anticorps contre la COVID‑19 peuvent être présents pendant des mois après l'infection, mais on ne sait pas exactement quelle est l'ampleur de l'immunité acquise grâce à ces anticorps, si tel est le cas. »]

Farhaan: Juste à temps, il ne restait plus qu'une seconde. Vous voyez maintenant apparaître une affirmation corrigée. Vous obtenez une rétroaction immédiate qui vous donne une réponse à ce qui pourrait être une incertitude. Encore une fois, nous pouvons en apprendre davantage à ce sujet. Vous voyez les données qui indiquent où se trouve la source d'information. Nous nous soucions de la clarté et cherchons à fournir des informations de grande qualité.

[Farhaan clique sur le bouton « plus à ce sujet », et une boîte de dialogue s'ouvre, affichant les sources. Il quitte la boîte de dialogue et l'avatar de pouce, qui ne porte maintenant que des lunettes, apparaît à l'écran. Une étoile affiche le chiffre 1. Il est écrit « Niveau inférieur :(. Oh non, vous êtes redevenu un pouce. »]

Farhaan: Malheureusement, vous avez maintenant été rétrogradé. Le phénomène de l'aversion aux pertes commence à se manifester. Nous voulons retrouver notre rang.

Taki: Oui. Voyons voir.

[Farhaan clique sur un bouton nommé « rétablir votre rang ». L'écran change et affiche maintenant le texte « Rétablissez votre rang! Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse aux questions suivantes. Veuillez simplement répondre de manière franche. » Farhaan clique sur le bouton « continuer » et une question apparaît à l'écran.]

Farhaan: Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à la série de questions suivantes. Nous souhaitons simplement que les gens y répondent honnêtement. Cela nous donne un aperçu de l'état émotionnel des gens à la lecture. Ce que les données nous ont appris, c'est qu'une fois que nous avons compris ce que les gens ressentent à propos d'une affirmation, nous pouvons obtenir un niveau de prévisibilité incroyablement élevé quant à savoir s'ils y croient ou non, s'ils vont la partager ou non, et si cette croyance va se maintenir dans le temps. Que ressent-on lorsque l'on apprend que la présence d'anticorps ne garantit pas une immunité permanente contre la réinfection?

[Farhaan fait glisser une main sur laquelle il est écrit « anxieux » dans le cercle de réponse. Une nouvelle question apparaît. La réponse doit être fournie sur une échelle mobile.]

Farhaan: Pour la plupart des gens, cela génère de l'anxiété. Nous établissons ainsi une relation entre ce que vous pensez, ce que vous savez, ce que vous ressentez et, au fur et à mesure que nous recueillons des données, sur la façon dont ces données influencent votre opinion en matière de politiques publiques, en établissant des liens entre ces éléments. Maintenant : êtes-vous pour ou contre la limitation de la taille des groupes dans les espaces publics?

[Farhaan fait glisser un pouce jusqu'au côté « pour » de l'échelle mobile. Un écran de « niveau rétabli » apparaît brièvement. Il montre le pouce vêtu du bonnet à hélice avant de passer à une autre question vrai ou faux.]

Nous avons une autre question alors que nous progressons. Vrai ou faux : vous pouvez toujours avoir la COVID‑19 même si vous avez récemment été déclaré négatif. C'est reparti, Taki.

Taki: Je vais dire vrai pour celui-là.

[Farhaan fait glisser le pouce « vrai » dans le cercle de réponse, et l'écran « Bonne réponse! » s'affiche.]

Farhaan: C'est maintenant la motivation qui nous pousse à continuer. Ce que vous constaterez, c'est que la progression des questions, dont certaines sont très faciles et d'autres plus difficiles, est conçue pour que les gens aient quelques bonnes réponses et quelques mauvaises réponses. L'une des questions que l'on me pose toujours est la suivante : pourquoi cela fonctionnerait-il mieux que de consulter des informations sur un site Web donné? Eh bien, il s'avère que lorsque vous jouez à des jeux, vous vous attendez à avoir quelques réponses fausses et quelques réponses exactes.

[Pendant que Farhaan parle, il répond à une autre question vrai ou faux. L'écran « Mauvaise réponse » s'affiche.]

Farhaan: Ainsi, vos attentes quant à ce qui pourrait être vrai ou faux deviennent moins rigides, ce qui favorise la réceptivité à de nouveaux éléments et la mise à jour des croyances. Cette fois-ci, c'était faux. Continuons. Passons à une autre question.

[Farhaan passe à la question suivante.]

Farhaan: Vrai ou faux : les colis livrés par la poste sont des sources importantes de propagation de la COVID-19. Choisissons à nouveau vrai et passons à une autre question de récupération. Encore une fois, c'est faux.

[Farhaan sélectionne « vrai » et l'écran « Mauvaise réponse » s'affiche. Il passe à un écran « niveau inférieur ». Son avatar de pouce est à nouveau un pouce avec des lunettes.]

Nous sommes à présent de retour au niveau 1. Tentons de récupérer de nouveau notre niveau antérieur.

[Farhaan répond aux questions.]

Farhaan: Encore une fois, nous avons de nouvelles questions pour connaître ce que les gens ressentent et leur positionnement par rapport à certaines mesures. Cela me met en colère. Il se trouve qu'il y a une corrélation très, très étroite entre la colère et le désaccord avec les politiques. Quelle est la part de l'émotion dans notre capacité à non seulement consulter l'information, mais aussi à la traiter et à la retenir? L'effet de l'émotion sur nos comportements, de même, est très, très significatif. Voilà. Je vais signaler mon mécontentement, et le jeu continue. Vous voyez apparaître une série de questions. La dernière chose que nous ne verrons pas, Taki, parce que je surveille le temps, ce sont les questions sur les manifestations. Voici une question importante. Seriez-vous prêt à recevoir l'un des vaccins contre la COVID-‑19 à présent qu'ils sont offerts au Canada? Là encore, lorsque nous avons procédé à un essai contrôlé randomisé, en évaluant les réponses à cette question en fonction du contenu (le même matériel, testé à deux endroits différents selon deux méthodes différentes), nous avons constaté une différence statistiquement significative entre les deux, ce qui laisse entendre que la plateforme fait un gros travail pour nous et a une influence sur le type de résultats. Je vais m'arrêter là et nous pourrons entamer la discussion. C'est bon, Taki?

[Le partage d'écran de Farhaan disparaît. Les panneaux vidéo de Farhaan et de Taki remplissent l'écran.

Taki: Absolument. Merci, Farhaan. C'était formidable. Je veux revenir au début, non seulement au début de votre présentation, mais presque aux origines de l'être humain. L'une des choses que j'ai retenues de votre présentation, c'est qu'il y a énormément d'éléments qui sont ancrés profondément, très profondément, dans notre être, dans ce qui se trouve entre nos oreilles. Même si nous vivons dans un monde civilisé et que nous baignons dans la technologie, une grande partie de ce qui nous caractérise est issue de centaines et de centaines de milliers d'années d'interaction biologique avec notre environnement. Pouvez-vous nous parler de certaines des choses qui sont profondément ancrées dans nos esprits en 2021?

Farhaan: Je pense que nous essayons toujours de tout classer parce que cela nous permet de donner un sens à ce qui nous entoure. Cette habitude nous vient d'une époque très lointaine, lorsque nous devions parvenir à savoir si le bruissement dans le buisson était un tigre qui risquait de nous dévorer ou un lapin que nous voudrions attraper. C'est pour cette raison que nous cherchons à traiter et à classer de grands volumes d'information, pour savoir comment nous comporter et réagir. À l'époque, il s'agissait d'être en mesure de se protéger. Aujourd'hui, il s'agit de redéfinir de façon continue ce que l'on croit et ce que l'on ne croit pas. Si nous prenons du recul et essayons de trouver une statistique – en passant, les amis, j'ai consulté les pages 5 et 6 des résultats de recherche sur Google – sur le volume réel d'information que nous traitons aujourd'hui, certaines des données les plus fiables datent de plusieurs années. Le volume d'information auquel nous sommes exposés tous les jours à présent a crû de façon exponentielle, et continue de croître. Les données qui datent de 50 ou 60 ans ne peuvent plus servir de référence.

Taki: Avant d'aborder le thème de la quantité d'information à laquelle nous sommes exposés, qui est un sujet stupéfiant, arrêtons-nous un instant à notre façon de consommer l'information. Ce que j'en ai retenu, c'est qu'à chaque fois que nous recevons un stimulus, comme un stimulus externe, notre cerveau s'emploie tout de suite à déterminer s'il s'agit d'une information « amie » ou « ennemie ». Est-ce une bonne façon de le dire?

Farhaan: Oui. Exactement. Est-ce une information à laquelle je crois déjà, ou une nouvelle donnée? S'il s'agit d'une nouveauté, suis-je prêt à accueillir de nouvelles idées? Comment puis-je classer cette information?

Taki: Est-ce une idée sécuritaire ou dangereuse? Suis-je à l'aise ou mal à l'aise avec cette idée? Cette idée m'est-elle familière ou entièrement nouvelle? Notre cerveau établit ces diagnostics de façon quasi instantanée tandis que nous interagissons avec le monde extérieur. C'est ce que nous démontre la psychologie. C'est ce que nous démontrent la sociologie et l'anthropologie. Nous l'avons appris récemment de l'économie comportementale, dans les quinze ou vingt dernières années, de gens comme Daniel Conahan qui nous disent que beaucoup des choses que l'on nous a enseignées à l'école, que nous sommes des êtres rationnels, que nous orientons les marchés et calculons constamment les coûts et les bénéfices, les risques et les récompenses... Non, pas instantanément, ce n'est pas ce que nous faisons. En fait, il faut surmonter beaucoup d'obstacles issus de la biologie pour parvenir à ce niveau de rationalité. Maintenant, comment les personnes qui ont de mauvaises intentions utilisent-elles cela? Vous avez parlé de la page 1, de la page 2, mais quelles sont les ficelles provenant de la biologie que les vilains essaient de tirer à leur avantage?

Farhaan: Oui. Ils cherchent à s'adresser à votre cerveau reptilien. Ils s'adressent à votre centre émotionnel. Ils trouvent des fissures dans votre existence, qu'il s'agisse de vos croyances, des personnes auxquelles vous accordez votre attention, des communautés dont vous faites partie, de vos récriminations, et ils viennent s'y greffer, de manière très ciblée. Ce sont des conditions préexistantes. Ce n'est pas comme si quelqu'un manifestait une nouvelle récrimination à laquelle vous adhérez. Cela prendrait beaucoup de temps et beaucoup d'énergie. Il est bien moins cher et plus rapide de trouver ce qui vous contrarie et de s'en servir pour vous mettre en colère. Il est très facile de vous mettre en colère en vous exposant à quelque chose avec lequel vous n'êtes pas d'accord. Le moyen le plus simple et le plus rapide de vous mettre en colère est de vous communiquer une information avec laquelle vous n'êtes pas du tout d'accord. Il s'avère qu'on peut rendre les gens vraiment furieux, même avec des opinions peu convaincantes.

Taki: Êtes-vous en train de dire qu'il est rentable de mettre en colère les gens?

Farhaan: C'est incroyablement rentable. Par exemple, revenons en arrière et prêtons attention aux retours générés par les publicités qui se trouvaient sur un grand nombre de pages dans plusieurs pays européens autour de l'élection présidentielle de 2016, et qui présentaient toute une panoplie de faux récits issus de faux comptes. Ces pages récoltaient des recettes publicitaires lorsque les gens les consultaient. Pensez à la perversion de ce qui se passe ici. Vous avez un système ouvert où vous pouvez diffuser un tas de publicités. Ces publicités sont géniales. Elles sont conçues pour entraîner sur certaines pages. Dans ce cas, elles ont pour objectif de vous mettre en colère, de renforcer votre croyance préexistante quant aux raisons qui pourraient motiver votre colère contre tel ou tel politicien, et ensuite, lorsque vous arrivez sur ces pages, de nombreuses personnes vont cliquer sur plusieurs liens visant à vendre des produits. Ils en tirent des profits en conséquence.

Taki: La colère est rentable, et, comme vous l'avez dit, elle n'est pas seulement rentable, elle est extrêmement rentable. Le Canadien un peu naïf que je suis observe ces phénomènes et se demande : pourquoi? Pourquoi disent-ils cela? Pourquoi propagent-ils cela? Il se trouve qu'il y a beaucoup d'argent derrière tout ça. Voilà pour la colère. Parlez-nous un peu de la peur.

Farhaan: La peur conduit à des émotions similaires. La peur et la colère conduisent toutes deux à des émotions très semblables. La peur peut être exploitée pour passer de la peur à l'anxiété puis à un changement potentiel. C'est un chemin plus difficile à parcourir. Ce que nous avons appris, c'est que lorsque les gens sont heureux, ils sont plus enclins à accepter de nouvelles informations. Si vous parvenez à les motiver et à être plus heureux, ils seront plus enclins à accepter de nouvelles données. La peur va dans la direction opposée. Elle contribue à renforcer toute une série de croyances préexistantes et crée une émotion négative qui nuit à la réceptivité face à de nouvelles informations. La peur et la colère vont de pair. Comme Yoda dans La guerre des étoiles il y a des lunes. Ces deux choses sont liées. Elles font parfois partie d'un continuum, et sont parfois indépendantes. Elles n'ont pas besoin d'être sur un continuum. Vous pouvez stimuler l'une ou l'autre de ces émotions. Pour être tout à fait honnête, l'adversaire s'en fiche. Peu importe laquelle sera la plus efficace, pourvu qu'elle ait le plus faible coût par clic. Vous pouvez les tester tous les deux pour cerner la peur et la colère au sein d'un public donné afin de voir laquelle suscite la réaction émotionnelle et le comportement souhaités. Peu importe l'émotion qui a le plus faible coût par clic, j'obtiens mon résultat.

Taki: La plateforme comporte une fonctionnalité permettant de lever la main et poser des questions. Nous commençons à recueillir les questions, qui seront transmises. Nous tenterons de les poser dans un ordre un peu cohérent au lieu de les lancer au hasard à Farhaan. Farhaan, parlez-nous un peu de...

[Farhaan boit une gorgée dans une tasse.]

Taki:  vous venez de changer de tasse? Ou bien l'avez-vous transformée?

Farhaan: Non. J'ai de l'eau et du café.

Taki: Je pense que vous essayez de nous tromper en ce moment. Vous essayez de les inverser.

Farhaan: Avec laquelle ai-je commencé la conversation?

Taki: Exactement. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui est vrai et ce qui est faux.

[Farhaan rit.]

Taki: Dans votre démonstration, vous nous avez montré des sources fiables. Plusieurs sources provenaient de médias grand public. Il y a une partie de la population qui se détourne immédiatement de ces sources. Ils auront un discours du type « Les médias grand public... oh mon dieu. Regardez qui il cite. Regardez qui il dit être une autorité en la matière. » Est-ce que cela ne vient pas renforcer dans certains segments de la population le fait que vous avez tort?

Farhaan: Tout à fait. Laissez-moi vous donner deux réponses différentes. Une qui concerne la confiance, et l'autre la mécanique. Sur le thème de la confiance : nous avons constaté une tendance à la baisse considérable pour ce qui est de la confiance envers toutes nos institutions — gouvernements, entreprises et médias. Selon les dernières statistiques que j'ai vues, plus de 55 % des gens pensent que ces institutions trompent délibérément la population. Ainsi, lorsque les gens sont exposés à des informations et à des sources médiatiques sur lesquelles ils ont une opinion préconçue ou dont ils ne savent quoi penser, ils vont mettre en doute la véracité de l'information. Il n'y a aucun doute là‑dessus. Comment faire face à ce phénomène d'un point de vue mécanique? C'est là que l'apprentissage automatique devient très, très précieux. Nous nous attendons à ce que diverses sources soient nécessaires pour divers types de personnes. Si nous revenons à la réticence face aux vaccins, par exemple, ce que nous savons, c'est qu'il existe de nombreux facteurs expliquant pourquoi une personne peut être réticente à se faire vacciner. C'est peut-être lié à la façon dont vous avez grandi. Ou à ce que vos parents pensaient. À leur niveau d'éducation ou à la communauté à laquelle vous appartenez. Il existe toute une série de facteurs liés à cette réticence complexe à l'égard des vaccins. Pour certaines personnes, le fait de comprendre la source de l'information aura une grande influence sur la confiance qu'elles accordent ou non à cette information. Nous nous attaquons à ce problème dans le contexte d'un environnement dynamique où, lorsque nous en savons un peu plus sur vous, nous pouvons mieux cerner le type de contenu le plus susceptible d'obtenir le type de réponse que nous voulons, c'est-à-dire davantage de confiance par rapport aux informations. En ce sens, les sources seront dynamiques, parce qu'elles seront adaptées à vous et à votre situation. C'est absolument essentiel pour les questions complexes. Il n'y a pas de solutions toutes faites. Cela n'existe pas. Dès que nous commencerons à le comprendre, nous serons en mesure de traiter plus rapidement toute une gamme de problèmes liés en particulier à notre capacité à traiter les informations scientifiques. C'est pourquoi nous avons besoin d'approches personnalisées pour des groupes et des communautés en particulier. Les sources sont un élément très important de cette démarche. Un produit dynamique qui reflète les besoins de l'apprenant sera beaucoup plus efficace pour combler le déficit de connaissances.

Taki: Je reçois beaucoup de questions. Si je devais résumer les questions de ce bloc, je dirais ceci : comment faites-vous pour déterminer ce qui est vrai, ou plutôt, comment votre plateforme le détermine‑t‑elle?

[Taki fait un signe de guillemets avec ses doigts.]

Taki: Vous avez cet outil et luttez contre la désinformation, mais, en d'autres termes, comment pouvez‑vous vous positionner comme arbitre de la véracité des informations? Comment pouvez-vous arbitrer? N'est-ce pas simplement une autre forme de manipulation? Les gens sont manipulés sur l'axe X et maintenant vous les manipulez sur l'axe Y?

Farhaan: Quels sont les faits et quels sont les faits de substitution appelés également « faits alternatifs »... Mon point de vue sur cette question est que nous avons des faits. Lesquels sont basés sur des preuves. Ces faits ont été rigoureusement testés. Ils ont fait l'objet d'un certain nombre de vérifications et d'un large éventail de questionnements. Il est tout à fait possible de s'entendre sur un ensemble de considérations fondamentales sur lesquelles la plupart des gens peuvent s'entendre s'ils le veulent bien. Le fait que la médecine puisse aider les gens ne signifie pas que tout type de médicament aidera tout type de personne en toutes circonstances, mais le fait que nous avons des médicaments qui peuvent aider certaines personnes constitue un fait. Lorsque nous commençons à décortiquer le tout autour de diverses initiatives, de types de projets précis sur des thèmes très précis, nous arrivons à établir un ensemble de faits fondamentaux sur lesquels la plupart des gens peuvent s'accorder. Nous devons ensuite apprendre des gens eux-mêmes quant à ce qu'ils croient vrai. Cela nous amène à une compréhension plus large des aspects où nous avons besoin d'approfondir les recherches et d'en apprendre davantage sur ce à quoi croient les gens et pourquoi, afin de pouvoir mettre à jour notre ensemble de faits fondamentaux communs ou de les écarter et d'informer les gens des motifs pour le faire. Nous ne sommes pas les arbitres de l'existence et de la nature d'un fait, mais il est assez clair que vous pouvez trouver un ensemble de faits fondamentaux sur à peu près n'importe quelle question et l'utiliser comme point de départ pour entamer le dialogue afin d'obtenir un accord sur des éléments de base sur lesquels bâtir pour en apprendre davantage sur l'autre, de manière beaucoup plus nuancée. J'estime que notre plateforme adopte cette approche, qui amène les gens à parvenir à un accord sur un ensemble de faits fondamentaux, et permet d'entamer le dialogue à partir du positionnement de chacun. Non pas pour déterminer qui est le gagnant et le perdant, cela se produit au fil du temps, mais pour définir des éléments de base dans la façon dont nous pouvons dialoguer et établir un nouvel ensemble de faits.

Taki: Dans le passé, et en tant que personne âgée, je me souviens du passé, nous n'étions pas en désaccord sur les faits dans le secteur public. Le chômage est de X. Le nombre de personnes ayant accès à des services de garde d'enfants est de Y. Le brocoli est bon pour vous. La pizza, même si elle était délicieuse, n'est pas incroyablement bonne pour vous. Nous prenions un ensemble de faits communs, puis nous nous fondions sur ces faits pour dire : « La pizza n'est pas bonne pour vous, le brocoli est bon pour vous. Voilà ce que nous allons faire ». Nous pouvions être en désaccord sur la stratégie : « Vous devez interdire la pizza. Non, vous devez incorporer du brocoli dans l'assiette de tous les enfants canadiens, etc. ». Mais les faits semblent aujourd'hui être beaucoup plus, comment dire, souples. Ils semblent être beaucoup plus contestables. Certaines personnes sont même allées jusqu'à dire que le problème fondamental de notre société actuelle est que les faits sont devenus des armes. Weber disait que les faits étaient complètement distincts de ceux qui les observaient ou les décrivaient. À présent, d'autres disent, non, non, non, les faits n'existent pas. Tout n'est que mensonge, et il nous faut instrumentaliser les faits. Qu'en pensez-vous?

Farhaan: Nous avons demandé, pour revenir à la première série de commentaires, à un tas de gens de faire une classification binaire. Ceci ou cela. Nous faisons cela constamment : un choix ou l'autre. Ensuite, nous nous sommes dit que nous allions passer à un paradigme dans lequel notre façon de penser le monde serait encadrée par la science. L'idée fondamentale derrière une hypothèse est de tenter de la réfuter. Nous allons dire que quelque chose est vrai et nous allons passer notre temps à le réfuter. Vous avez ces mêmes personnes assises quelque part, qui disent, mais vous venez de dire que la pizza n'est pas bonne pour vous et vous allez passer le reste de votre temps à essayer de réfuter cela et à me dire qu'en fait, c'est bon pour moi. Comment voulez-vous que je vous suive dans ce monde d'incertitude constante? Je pense que ma réponse à cette question est que nous sommes dans une phase d'apprentissage et d'évolution plus rapide et que nous sommes à l'aise avec cette incertitude. Parce qu'en examinant le sujet de plus près, la pizza n'est pas seulement bonne ou mauvaise pour vous, il y a de bons et de mauvais côtés. À mesure que nous apprenons encore et encore sur la complexité des raisons pour lesquelles quelque chose est bon ou mauvais pour nous, nous devons comme individus être à l'aise avec le fait de vivre dans un monde qui se caractérise par l'apprentissage et des mises à jour rapides, et qui n'est pas aussi simple en termes absolus qu'une classification binaire. La pizza n'est pas toujours bonne pour vous et la pizza n'est pas toujours mauvaise pour vous. Il y a certaines parties de la pizza qui sont bonnes pour vous et d'autres qui sont mauvaises. Ce n'est pas mauvais pour vous tout le temps. C'est beaucoup plus complexe que ce que nous avons l'habitude de traiter, en particulier lorsque nous voulons simplement classer les choses pour qu'elles soient belles, claires et faciles. Nous entrons maintenant dans une conversation philosophique sur les croyances et sur les raisons pour lesquelles les gens recherchent des moyens de donner un sens au monde qui soient faciles, nets et conformes à leurs opinions préexistantes. Je dirais que c'est une des raisons principales pour lesquelles la pensée conspirationniste fonctionne. Elle fonctionne parce qu'elle vous donne une image nette du monde, dans laquelle il y a « ceci » ou « cela ». Il y a des gens mal intentionnés qui ne font que des mauvaises choses. On peut classer tout ce qu'ils font dans catégorie du mauvais. Ce sont les méchants. Il est très facile d'amener les gens à ce type de pensée, car ils recherchent déjà une classification binaire. C'est comme pousser un chariot qui est déjà en train de descendre la pente.

Taki: C'est fascinant, surtout dans la culture occidentale. Nous aimons penser en fonction d'un concept binaire : le bien ou le mal, le noir ou le blanc, tout ou rien. Soit ceci, soit cela... c'est réellement fascinant de voir comment cela se répercute sur les politiques publiques. Les politiques publiques, comme nous le savons tous et comme vous l'évoquiez indirectement, sont désordonnées. C'est une question de prédation. C'est une question de nuances. Le cerveau humain, cependant, n'est pas programmé par défaut pour les nuances. Il nous faut développer cette capacité d'appréhender les nuances. Les personnes qui nous écoutent aujourd'hui rédigent des politiques, conçoivent et mettent en œuvre des programmes, rédigent des communiqués de presse ou examinent des demandes de prestations. Il faut s'en souvenir. Vous travaillez avec des nuances et vous vous dites « non, l'article 7 de la demande dit... ». Mais beaucoup de gens de l'autre côté, vos contreparties, ne pensent pas à l'article 7. Ils n'iront même pas jusqu'à la deuxième page des résultats de recherche de Google. Vous devez aller à leur rencontre selon leurs termes, ce qui signifie que beaucoup d'entre eux pourraient aborder les questions en fonction d'un concept binaire. Suis-je admissible? Suis-je non admissible? Devrais-je me faire vacciner? Devrais-je refuser le vaccin? Allez‑y.

Farhaan: Pour rendre le tout plus complexe, il faut ajouter tous les autres éléments. Vous avez une personne qui lit un site Web et qui essaie de déterminer si l'article 7 a un sens pour elle ou non, et elle s'inquiète de savoir si elle doit manger de la pizza et si c'est bon pour elle ou non, si elle doit aller chercher les enfants dans cinq minutes ou si elle peut les laisser jouer dans la cour avec d'autres enfants. En pensant à la complexité de toutes les décisions prises consciemment et inconsciemment, comment ne pas prendre du recul et se dire qu'il est assez compréhensible que les gens soient submergés et que ce type de flux d'information à choix binaire, destinés à submerger nos sens, nous orientent très, très facilement vers la peur et les récriminations, et que nous en soyons arrivés là où nous sommes aujourd'hui. L'environnement d'information dans lequel nous vivons renforce constamment cela. Sortir de cette bulle exige que nous soyons conscients de leur point de vue, comme vous l'avez décrit.

Taki: J'ai lu divers chiffres sur le nombre de décisions qu'un être humain moyen prend par jour. Celui que je vois le plus souvent — ce qui ne veut pas dire qu'il est vrai – est que l'être humain moyen prend environ 3 000 décisions par jour. Évidemment, si vous prenez 3 000 décisions par jour, vous devez les prendre rapidement. Seul un petit nombre de ces décisions prises chaque jour sont importantes, ont des répercussions et demandent toute votre attention, mais les êtres humains sont à la base des machines à prendre des décisions. Si nous n'étions pas des machines à prendre des décisions, nous ne pourrions pas survivre. Nous aurions été paralysés il y a très, très longtemps. Comme vous l'avez mentionné, dans ce nouvel environnement, le nombre de décisions que nous prenons de façon continue explose. Même juste quand vous conduisez. Devrais-je tourner à gauche? Devrais-je tourner à droite? Devrais-je dépasser cette personne? Devrais-je rebrousser chemin? C'est beaucoup de pression sur notre unité centrale. Voilà un autre élément que les agents de politiques et de programmes du gouvernement du Canada devraient garder en tête en tout temps. Nous avons une autre question qui s'éloigne de la philosophie et qui revient à la plateforme. Les questions de ce deuxième lot touchent à l'aspect suivant : Qui vient sur votre plateforme? Sont-ils prédisposés à croire ou à ne pas croire? Qu'est-ce que les contreparties apportent à votre plateforme lorsqu'elles y accèdent?

Farhaan: Je dirais que c'est très varié. Nous nous adressons à la fois à des groupes très larges et très spécifiques de la population. Je vais utiliser le cas que nous venons de voir pour illustrer mes propos. Une étude de référence nous a permis d'évaluer les facteurs de vulnérabilité afin de savoir quels sont les segments vulnérables aux fausses informations et à la désinformation par rapport à la COVID-19. Quelles sont vos vulnérabilités face à certains types d'information? Qu'est-ce qui pourrait vous prédisposer à cette vulnérabilité? Le milieu d'où vous venez a-t-il un rôle à jouer? Votre âge a-t-il un rôle à jouer? Vos caractéristiques psychographiques ont-elles un rôle à jouer dans la façon dont vous vous comportez en ligne et hors ligne? Nous avons repris ces données et construit un modèle qui nous a permis de comprendre qui étaient les communautés vulnérables. Nous avons ensuite cherché activement à repérer ces communautés vulnérables dans les espaces en ligne pour les amener à consulter la plateforme. En parallèle, nous avons fait la même chose avec le public général. Nous pouvons dire avec un haut degré de confiance que nous nous adressons à la fois à un large éventail de personnes dans la société à partir d'un échantillon représentatif au niveau national, ainsi qu'à des communautés très spécifiques. Nous avons recruté de façon ciblée pour comprendre si nos utilisateurs sont des personnes prédisposées à jouer à des jeux et plus susceptibles d'être ouvertes à un changement de point de vue et d'opinion. Il s'avère que nous avons pu nous adresser à la fois aux segments représentatifs de la population, ainsi qu'à des sous-groupes spécifiques, non seulement ceux qui auraient pu être prédisposés à croire ou à ne pas croire, mais aussi ceux qui étaient prédisposés à des types d'information spécifiques. Il est possible de les regrouper grâce à une bonne compréhension des données dans certains cas. Par exemple, si vous pensez que la COVID-19 est l'œuvre de Bill Gates, qui bricole dans un sous-sol à Seattle ou là où il vit maintenant.

Taki: Non. C'est la 5G.

Farhaan: D'accord. C'est la 5G, bien sûr. Si vous croyez que Bill Gates est responsable, vous croirez à l'histoire de la 5G, et à toute une gamme d'autres éléments. Nous avons constaté que cette propension n'est pas uniquement le fait d'un sous-ensemble de personnes ayant des croyances idéologiques spécifiques ou appartenant à des cohortes données en matière de sexe et d'âge, mais qu'elle est présente dans l'ensemble de la société, et que certains marqueurs nous donnent des indications et un haut niveau de prévisibilité quant à ces groupes. Nous pensons que notre outil s'adresse à la fois à la population générale et, comme nous l'avons évoqué lorsque nous parlions des possibilités de personnalisation pour des apprenants spécifiques, à des groupes ayant des vulnérabilités très particulières. Sur le plan de la technologie, c'est là que l'apprentissage automatique est le plus utile.

Taki: Votre présentation a généré des questions extraordinairement pertinentes. Je vais choisir une question philosophique,

Farhaan: D'accord.

Taki: … puis une question empirique, et enfin une question personnelle, qui fera écho à des situations avec lesquelles beaucoup d'entre nous avons dû composer cette année. Avez-vous une préférence?

[Farhaan lève une main et secoue la tête.]

Taki: D'accord. Commençons par la question philosophique. Vous avez présenté un outil très intéressant développé dans le secteur non lucratif pour lutter contre la désinformation. Quel est le rôle des politiques publiques et des fonctionnaires dans la lutte contre la désinformation? Y a-t-il un risque à ce que le gouvernement intervienne dans cet espace? C'est notre question philosophique.

Farhaan: Je vais d'abord donner la réponse pragmatique, à savoir qu'il y a toujours des risques. Ils ne disparaissent pas. Le défi est de gérer les risques. D'un point de vue philosophique, je pense qu'il est absolument essentiel que le secteur public se mobilise pleinement pour savoir où se positionnent les Canadiens sur une série de questions qui ont une incidence sur la façon dont nous existons et gouvernons en tant que société, sur la façon dont sont prises les décisions qui nous concernent en tant que société, et sur ce que la communauté signifie pour nous. La communauté n'est pas un résultat. Elle fait partie intégrante de ce que vous vous employez constamment à créer. Les fausses informations et la désinformation ont toutes deux des effets très importants sur le tissu de ces communautés, que ce soit de manière délibérée ou accidentelle. Par conséquent, pourquoi prendre du recul et ne pas contribuer à générer un tissu aussi serré que possible afin que cette société puisse déterminer ce qui lui tient à cœur, quelles sont ses valeurs et comment elle veut se comporter aujourd'hui et à l'avenir? Au fond si vous ne contribuez pas à cet objectif, je pense que je dois poser la question suivante : quel est le rôle de la fonction publique si ce n'est de servir le public? D'un point de vue philosophique, je crois fermement que ce n'est pas seulement nécessaire ou souhaitable, mais que cela fait partie du mandat.

Taki: C'est une question extrêmement intéressante, tout comme la réponse, parce qu'en filigrane, on y retrouve la préoccupation suivante : il y a des risques importants à nous lancer dans ce domaine, mais également des risques encore plus importants à ne pas saisir cette occasion, comme vous l'avez explicitement mis en lumière dans votre réponse. Maintenant, notre question empirique : que pouvez-vous nous dire sur les caractéristiques des personnes bien informées par rapport à celles qui sont mal informées? Je vais ajouter quelques éléments à la question. D'une manière générale, l'élément clé est-il l'éducation? Le sexe? L'âge? La région? Quelles sont certaines des caractéristiques de ces groupes?

Farhaan: J'aimerais qu'il y ait une réponse universelle. Malheureusement, ce n'est pas le cas.  Il y a quelques considérations qui, à mon avis, sont importantes. Il y a bien une relation à établir avec l'éducation, mais cette relation est déroutante. Lorsque vous avez un niveau d'éducation élevé ou des croyances idéologiques politiques fermes, cela vous rend sensible à diverses choses. Le New York Times a publié un excellent article sur une étude du Pew Global Attitudes Project il y a quelques mois. Je vais vous le transmettre pour que vous le partagiez dans votre réseau. Je pense que c'est une lecture très importante. L'étude visait essentiellement à examiner les convictions des républicains et des démocrates. Il s'avère que les deux groupes sont sensibles à divers types d'informations. Par conséquent, leurs croyances sont fondées sur certains de ces marqueurs, par exemple le facteur de l'idéologie, mais ce n'est pas simplement que l'un des deux groupes était mieux loti. C'est simplement que cette appartenance à un groupe amène les gens à être sensibles à des choses différentes. Les démocrates dans cet exemple, et je ne veux pas trop en faire de cas, c'est pourquoi je vous enverrai l'article, avaient fait une affirmation ou présenté des preuves qui amplifiaient le danger de la maladie et la proportion de personnes qui se retrouvent à l'hôpital ou dans une unité de soins intensifs. Ils sont très majoritairement au fait d'une information qui n'est pas vraie, car ils croient que la maladie peut vous rendre plus malade. À l'inverse, chez les républicains, c'est exactement le contraire. Ce n'est pas simplement le résultat d'un niveau d'éducation plus ou moins élevé ou d'une idéologie politique. Lorsque vous commencez à regrouper ces éléments, vous constatez qu'il s'agit simplement de divers ensembles de vulnérabilités pour divers groupes de personnes. C'est pourquoi ce n'est pas simple. C'est pourquoi c'est complexe.

Taki: Exactement. J'aime ce point, Farhaan, car en tant que fonctionnaires, nous avons certaines caractéristiques qui ne respectent pas la norme canadienne. Nous sommes un peu plus instruits. Nous avons beaucoup plus de sécurité d'emploi. Cela vient assurément teinter nos interactions avec le monde qui nous entoure. Nous regardons autour de nous et nous disons, comment se fait-il qu'ils aient ces préjugés ou ces partis pris? Nous les avons aussi. Nous avons simplement des préjugés, des partis pris et des déclencheurs différents. Gardez cela à l'esprit, car si vous abordez cette question avec l'humilité de savoir que vous êtes vous-même soumis à ces pressions, vous n'aurez pas la même réponse politique et aurez peut-être davantage de sympathie pour des personnes qui sont peut-être plus ouvertement manipulées sur des sujets qui vous semblent simples. Les gens n'ont qu'à lire le journal et ils seront informés. La dernière question est la question personnelle. Je pense que beaucoup d'entre nous ont été confrontés à cette question au cours de la pandémie. Je vais la lire comme les deux autres parce que c'était formidable. Je vais le lire mot pour mot. Voilà. Au cours de la pandémie, je me suis senti particulièrement déçu de quelques-uns de mes amis qui se méfient des sources gouvernementales et des avis scientifiques sur l'utilité des vaccins. J'ai essayé de débattre rationnellement et patiemment avec ces amis, mais en vain. Je suis conscient des différences entre nos origines et notre système de valeurs. Quelle est la meilleure façon d'aborder ce genre de situation?

Farhaan: Taki, je pense que vous avez la bonne réponse : l'empathie. Dès que nous avons l'impression que notre interlocuteur s'oppose à nos croyances ou à nos points de vue préexistants, que nous essayons de le convaincre et que nous nous concentrons sur des faits et des arguments destinés à déstabiliser sa pensée et à le faire changer d'avis, je pense que nous nous plaçons dans une situation d'échec. Les meilleures recherches en sciences sociales nous expliquent d'où viennent ces réactions. C'est à cause de la charge sur votre être fondamental. J'utilise cette histoire tout le temps. Taki, si je vous disais que je sais que vous avez grandi en pensant que le ciel était bleu. Je sais que c'est le cas. Je sais que vous l'avez lu dans des livres. Je sais que vos parents vous l'ont dit. Je sais que vous l'avez vu dans des émissions de télé. Je sais que vous l'avez appris à l'école. Si je vous disais, Taki, il se trouve que les gens de Pantone, les experts en couleurs – il n'y a pas de plus grands experts en couleurs – ont déterminé qu'à cause des changements dans l'ozone et la façon dont la lumière se réfracte, le ciel est violet. Il n'est pas bleu. En fait, il est violet. Si j'entre dans une pièce avec vous et que je vous dis Taki, le ciel est violet. Voici tous les faits qui expliquent pourquoi il est violet. Voici pourquoi nous avons décidé qu'il est violet. Voici des tonnes de preuves qui expliquent pourquoi il est violet. Vous allez penser deux choses. La première : que j'ai des cornes qui me sortent de la tête. La deuxième : vous allez ressortir de cette conversation en croyant que le ciel est plus bleu que lorsque nous avons commencé à parler. C'est parce que nos attentes quant à ce qui va façonner et modifier les points de vue et les opinions d'une personne vont correspondre aux nôtres et que les motivations de ces croyances, indépendamment de certaines caractéristiques que nous partageons, sont fondamentalement différentes des nôtres. Par conséquent, si nous ne parvenons pas à découvrir ces motivations et à établir des liens entre elles, nous aurons beau accumuler les faits, si ces derniers ne sont pas les bons pour convaincre, nos efforts resteront sans effet. En revanche, la bonne dose des bons faits, pour la bonne personne, pourrait avoir une incidence.

Taki: Farhaan, quelle heure merveilleusement stimulante, intéressante et pleine de réflexions vous avez offerte à environ un millier de fonctionnaires du gouvernement du Canada. Merci de nous avoir consacré du temps. Merci de nous avoir fait part de votre point de vue. Merci d'être un ami de la fonction publique du Canada. Nous poursuivons notre semaine sur les données à l'École demain, et nous aurons un échange avec une autre petite entité canadienne inspirante qui propose une technologie pour aider à transformer le volume considérable de données brutes que nous avons dans la sphère publique au sein du gouvernement du Canada en données plus précises. J'espère que vous vous joindrez à nous. Merci. Portez‑vous bien!

[Taki et Farhaan saluent de la main et l'appel Zoom disparaît de l'écran. Le logo blanc animé de l'École de la fonction publique du Canada se dessine sur un fond violet. Une page apparaît, puis elle se transforme en livre ouvert. Une feuille d'érable apparaît au milieu du livre, qui ressemble aussi à un drapeau en dessous duquel se trouvent des lignes courbes. Le mot-symbole du gouvernement du Canada apparaît : le mot « Canada » avec un petit drapeau canadien flottant au-dessus du dernier « a ». L'écran devient noir.]

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